Le bassin de Landres s’engouffre dans la brèche
Depuis le 1er juillet dernier, l’Etablissement public de coopération intercommunale du bassin de Landres (Meurthe-et-Moselle) a pris compétence en matière d’instruction de permis de construire, de permis de démolir et de certificats d’urbanisme pour six de ses 12 communes membres, dotées d’un plan d’occupation des sols. Légitime et conforme au principe de la décentralisation, cette initiative laisse néanmoins présager un bras de fer juridique dont la perspective retient d’ores et déjà l’attention du bassin ferrifère. Car l’EPCI du bassin de Landres entend bien accorder au cours des prochaines semaines des permis de construire là où le risque d’affaissements miniers gelait l’urbanisme depuis plus de sept ans.
« Privatisation des risques »
L’Etat et son bureau d’études Géodéris nous ont appliqué le principe de précaution jusqu’à l’asphyxie. Certes, 92 % de notre territoire est classé en zone rose, présentant un risque d’affaissement de moins de 3 %. Mais il suffit que chacun assume ses responsabilités pour concevoir des modes de construction adaptés à la fragilité des sols.
Jean-Paul Perret, directeur général des services de l'EPCI
L’intercommunalité entend prendre en compte les cartographies de Géodéris dans l’instruction des demandes de permis de construire. Le maître d’œuvre sera tenu de garantir que sa construction résistera au pendage (1) maximal prévu par ces documents. Si le degré d’inclinaison du bâtiment dépassait le seuil prévu, l’EPCI tiendrait les services de l’Etat pour responsables des dégâts. A contrario, le constructeur serait mis en cause si son bâtiment ne résistait pas à un affaissement conforme aux prévisions. Cette « privatisation des risques » conférerait à l’EPCI toute légitimité dans la délivrance des permis de construire.
Concernant les actes dorénavant instruits et délivrés par l’EPCI du bassin de Landres, la prise en compte des risques engendrés par l’exploitation minière se fait dans le cadre de l’article R 111-2 du code de l’urbanisme. L’Etat exerce ensuite un contrôle de légalité et peut déférer devant le juge un acte qui lui paraît ne pas avoir pris en compte le risque lié à l’exploitation minière.
la préfecture de Meurthe-et-Moselle
La perspective d’un litige porté devant le tribunal administratif ne surprend guère l’EPCI, qui organise la parade depuis le début de l’année.
La démonstration de Mercy-le-Bas
Au printemps dernier, l’intercommunalité a financé la construction, à Mercy-le-Bas, d’un logement expérimental en acier sous l’égide de l’ingénieur Pierre Engel, professeur d’architecture à l’université Paris-Val de Seine et spécialiste de la construction métallique. Soumis à des torsions correspondant aux affaissements les plus sévères, le bâtiment de 25 mètres de long sur 14 mètres de large a résisté, démontrant ainsi la possibilité de construire durablement en terrains fragiles.
Nous redoutions que l’étude du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ne prenne en compte que les matériaux de construction classiques. En organisant la démonstration de Mercy-le-Bas, nous sommes parvenus à lui faire prendre en compte les modes de construction alternatifs.
Simon Stachowiak, maire de Tucquegnieux et président de l'ECPCI du bassin de Landres
Parue fin juillet, l’étude reconnaît les atouts de l’acier, mais aussi ceux du bois : ces matériaux ductiles se révèlent moins pondéreux et moins vulnérables que le béton en sols fragiles.
Attendue depuis deux ans, la brochure du CSTB (2) s’appliquera dans le cadre des Plans de prévention des risques miniers (PPRM) en cours d’élaboration. Un premier groupe de 25 communes – dont Piennes, Landres et Joudreville, adhérentes de l’EPCI du bassin de Landres – font d’ores et déjà l’objet d’un PPRM. Mais la structure intercommunale n’a pas encore validé ce plan dont elle conteste par avance les modalités.
Les PPRM évolueront forcément au cours des prochaines années. Lorsque les affaissements prévus se seront produits, ils laisseront un sol définitivement stabilisé.
Jean-Paul Perret
Mais dans le bassin ferrifère, l’heure n’est encore ni à la stabilité géologique, ni à l’apaisement politique.
(1) Inclinaison d’un filon dans une mine
(2) Comportement des constructions en zone d’affaissement minier
--Télécharger l'article en PDF --