Le rapport sévère de l’expert allemand Manfred Mertins sur la sûreté du CNPE de Cattenom (Moselle) ravive l’opposition de l’Allemagne et du Luxembourg à la centrale nucléaire frontalière. Consacré, le 24 février 2016, au titre de cinquième expert le plus influent de l’Union européenne en matière d’énergie, l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) réitère son souhait de voir démanteler une centrale située à 2 kilomètre du Grand-Duché.
Le rapport Mertins vous semble-t-il apporter des éléments nouveaux ?
Ce n’est pas certain, mais il est toujours intéressant d’avoir l’avis des experts d’autres pays. Il est de plus en plus clair qu’une centrale comme Cattenom ne serait pas autorisée en Allemagne, en particulier à cause de la configuration des piscines de refroidissement des combustibles et des équipements des réacteurs. Ces installations présentent des risques en cas de secousse sismique ou en cas de chute d’un avion – d’autant que Cattenom se trouve à proximité de plusieurs aéroports. Le survol de la centrale par des drones est tout aussi inquiétant. J’ai écrit au ministère de l’Intérieur français à ce propos voici 18 mois. Je n’ai pas obtenu de réponse. Or, la question est particulièrement importante dans un contexte de risque terroriste.
Soutenez-vous les initiatives de Barbara Hendricks, ministre fédérale allemande de l’Environnement, et Lydia Mutsch, ministre de la Santé luxembourgeoise, qui s’apprêtent à adresser un courrier conjoint à Ségolène Royal pour rappeler à l’Etat français ses obligations en matière de sûreté nucléaire ?
Je me réjouis de toute initiative qui contribuera à mettre la pression sur le gouvernement français. Nous n’acceptons pas de voir une épée de Damoclès peser sur nos populations pour des raisons de rentabilité internes à EDF, ou parce qu’EDF n’a pas provisionné les sommes nécessaires au démantèlement. Compte tenu de son problème aigu de cash-flow, nous ne sommes même pas sûr que l’opérateur aura les moyens de mener à terme son opération de grand carénage.
Quelle mesure jugez-vous prioritaire ?
La seule manière d’agir est de se mettre autour d’une table pour aborder la question du démantèlement. Après l’accident de Fukushima voici quatre ans, la France a promis de limiter à 50 % le recours à l’énergie nucléaire, mais dans les faits, il ne s’est rien passé. Je suis tombé des nues lorsque j’ai entendu Ségolène Royal se déclarer favorable à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires. Il me semble malsain qu’un ministre tente de peser sur une décision qui revient à l’autorité de sureté nucléaire. Je rappelle que le rapport post-Fukushima réalisé par l’Autorité de sûreté nucléaire indiquait que la France risquait d’être littéralement ruinée si un accident survenant dans une centrale nucléaire frontalière l’obligeait à payer des indemnités aux pays voisins.
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