En août, Christian Dugast a quitté ses fonctions de directeur du département recrutement-formation-insertion-partenariats de l’armée de terre. Depuis novembre, il pilote pour le Grand Est la « Promo 16-18 », confiée à l’Afpa dans le cadre du plan de relance.
Lorsque Christian Dugast entre dans cette salle de cours de Saint-Avold en Moselle pour entamer le bilan d’une première semaine de stage, les quatre garçons présents semblent stressés. A 17 ans, ils ont peu ou pas de diplômes, et partagent une aversion marquée pour le système scolaire. Ils forment le premier groupe, encore incomplet, de la « promotion 16-18 », un dispositif d’insertion dédié aux « décrocheurs ». Le sexagénaire baraqué au regard direct les rassure gentiment. « Tout est réuni pour que vous réussissiez. On ne va pas vous juger, on va vous aider », insiste le lieutenant-colonel tout juste retraité.
En août dernier, Christian Dugast a quitté ses fonctions de directeur du département recrutement-formation-insertion-partenariats de l’armée de terre. Depuis novembre, il pilote pour le Grand Est la « Promo 16-18 », confiée à l’Afpa dans le cadre du plan de relance.
Interrogés avec bienveillance, les quatre « pionniers » témoignent de leur soulagement. Isolés et démotivés à leur arrivée, ils ont trouvé en l’espace d’une semaine des perspectives qu’ils n’espéraient plus.
Christian Dugast les écoute en professionnel du management soucieux de l’adéquation entre le programme et l’objectif fixé. Au cours des quatre prochains mois, les stagiaires seront nourris et logés. Ils suivront des cours de remise à niveau et des modules de découverte de métiers dans leur centre d’accueil, mais aussi dans d’autres sites de l’Afpa. La découverte de nouveaux horizons fait partie du programme, qui vise un taux de 80 % d’issues vers un emploi, une formation ou un retour au cursus scolaire.
Ces jeunes sont des pépites. Il suffit d’un petit déclic pour qu’ils reprennent confiance et changent de posture.
Christian Dugast
L’ex-militaire parle en connaissance de cause. En 2015, il a dirigé à Montigny-les-Metz le service militaire volontaire, inauguré par François Hollande en personne. Son « public » se composait de jeunes majeurs sans ressource ni travail, souvent coupés de leur famille et parfois sans abri.
En cinq ans, ce dispositif a essaimé dans la France entière et accueilli 3.700 volontaires, dont les trois quarts sont sortis titulaires du permis de conduire et d’un contrat de travail ou d’apprentissage.
A la promo 16-18, il n’y a ni uniforme ni caserne, mais la ligne directrice reste la même : apporter un futur à la jeunesse et servir l’intérêt général.
Christian Dugast
Goût de l’aventure
Sortir les jeunes de l’impasse est devenu une seconde nature pour ce Lorrain d’adoption, né dans le Maine-et-Loire d’un père ouvrier agricole et d’une mère au foyer. A 20 ans, il a intégré l’armée tant par goût de l’aventure que pour travailler à l’air libre. Elle lui a permis une évolution de carrière qu’il s’est employé, près de quarante ans durant, à proposer à de jeunes recrues. Il a décroché un DEUG d’économie à Saint-Cyr à l’âge de 30 ans, puis est retourné faire ses classes, dix ans plus tard, à l’Université catholique d’Angers où il a obtenu un master d’ingénierie de la formation. Ce diplôme aurait pu lui ouvrir de paisibles postes de bureau, mais le baroudeur ne s’est pas départi de son goût de l’aventure. Des opérations extérieures l’ont conduit au Kosovo, où il s’est chargé de monter ex nihilo un camp de réfugiés, puis en Afghanistan, où il a formé des officiers dont certains avaient servi le commandant Massoud. De retour en métropole, il a officié dans des écoles de formation militaire avant de poser, en Guadeloupe, les jalons du service militaire volontaire.
De retour à la vie civile après trente-cinq ans d’armée, Christian Dugast retrouve dans l’univers de la formation professionnelle la discipline, la hiérarchie, les règlements et parfois même l’uniforme qui lui sont familiers. Ce père de deux grands enfants, qui se réjouit d’être bientôt grand-père, conserve vis-à-vis des jeunes la distance empreinte d’empathie qui lui semble constituer la clé de l’efficacité. Chevalier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, il a rempilé dans une nouvelle carrière civile, afin, dit-il, de continuer à servir.
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