La quatrième édition du congrès international Woodchem a ouvert un dialogue prometteur entre forestiers et chimistes. Industriels et PME découvrent un nouvel usage de la ressource forestière.
La conférence internationale Woodchem s’est ouverte le 6 décembre dernier à Nancy sur une question iconoclaste : brûler du bois serait-il aussi absurde que de jeter au feu des billets de banque ? Destinée à présenter les progrès de la connaissance dans le domaine de la chimie du bois, Woodchem a aussi permis une rencontre entre les représentants des industries chimiques et une centaine d’exploitants forestiers du Grand Est.
La rencontre a impulsé un projet de plate-forme collaborative qui permettrait aux chimistes de caractériser une dizaine d’essences. L’amont de la filière forestière se doterait ainsi de ses propres outils de recherche, comme les agriculteurs ont su le faire sous l’impulsion de l’Union européenne.
Jean-Luc Sadorge, directeur général de Fibres-Energivie, l'un des organisateurs de Woodchem
Valoriser les sous-produits
Détenue à 75 % par des propriétaires privés, la forêt française compte 136 espèces d’arbres, dont une quinzaine seulement sont commercialisées. La valorisation la plus noble, sous forme de bois d’oeuvre, puis de bois industrie, génère des sous-produits – écorce, branches et sciure – qui représentent la moitié du volume récolté. Utilisée comme bois de chauffage, cette ressource à faible rendement recèle des molécules potentiellement précieuses, dont l’extraction elle-même n’est pas incompatible avec une combustion ultérieure. Tannins, colorants, cires et autres éléments minéraux extractibles sont loin d’avoir livré tous leurs secrets, mais laissent entrevoir des débouchés prometteurs sur des marchés de niche à haute valeur ajoutée.
Nous disposons dans le Grand Est d’un écosystème propice grâce à un tissu académique et industriel très fourni. La recherche fondamentale et appliquée a déjà permis des débuts d’application, notamment dans les domaines de la cosmétique et de la pharmacie.
Philippe Gérardin, professeur de l'université de Lorraine et directeur du Laboratoire d'étude et de recherche du matériau bois (Lermab)
Rattachée au centre Inra de Nancy, la structure, qui regroupe une quarantaine de permanents, mobilise 25 personnes sur la chimie du bois. Leurs recherches mettent en exergue les vertus insoupçonnées des noeuds des sapins, la richesse des tannins issus d’écorces de chêne, de châtaigner ou de bouleau ou encore, le potentiel de hêtre qui, traité par de l’alcool furfurylique, peut s’avérer résistant en extérieur. Parmi les pistes d’avenir figure également l’utilisation de biopolymères de hêtre ou de peuplier pour remplacer les dérivés pétroliers dans les bouteilles en plastique.
Molécules pour détergents
Présentes à Woodchem, une douzaine d’entreprises sont déjà entrées en phase opérationnelle. Le papetier suédois Stora Enso utilise des dérivés de pâte à papier dans la fabrication de couches pour bébés ou de serviettes hygiéniques. Le lorrain Salvéco introduit des molécules végétales dans les détergents. Le limousin Pearl fabrique des tapis bioabsorbants à base d’écorces de résineux pour piéger les métaux lourds disséminés dans l’eau.
La filière bois ne se rend pas encore compte de la valeur ajoutée que constitue la chimie. Cette prise de conscience demandera du temps, mais nous sommes d’ores et déjà preneurs de dossiers qui associent scientifiques et forestiers.
François Vusler, responsable de développement de Forinvest
En sept ans, ce club de business angels créé par et pour les forestiers a injecté 7,5 millions d’euros dans des entreprises de transformation, dont 2 millions d’euros dans le développement de quatre start-up spécialisées dans la chimie du bois. La participation à Woodchem des pôles de compétitivité IAR (bioéconomie), Xylofutur (filière bois-papier-chimie) et Cosmetic Valley démontre également un intérêt croissant pour cette nouvelle ressource forestière.
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