Le gigantisme minier a laissé d’impressionnants vestiges, dont certains sont devenus des boulets, d’autres, des sites à fort potentiel.
Ainsi, les puits Simon I et II de Forbach, comptant de nombreux bâtiments historiques ou sauvegardés, devaient permettre l’extension de l’Eurozone, qui fut voici 15 ans la première zone d’activité binationale franco-allemande. Ce site pionnier se remplit lentement et la crise de 2008 a conduit les partenaires mosellans et sarrois à revoir leurs ambitions économiques à la baisse. La réhabilitation des anciens puits s’effectuera donc sans implication transfrontalière.
Maître d’ouvrage, l’EPF (Etablissement public foncier) Lorraine a confié une étude de faisabilité au cabinet lyonnais Oppidumsis et à l’équipe pluridisciplinaire Aceif de Dole. Une mission d’inspection lancée par Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, doit réévaluer les impératifs de la conservation.
Les carrières de Freyming-Merlebach dont les falaises et les eaux profondes constituent un décor spectaculaire, abritent 17 espaces protégées dont les crapauds vert, pélobate et calamite. Cette ressource batracienne a ruiné les projets de la communauté de communes de Freyming-Merlebach, qui comptait implanter une cité lacustre à vocation touristique. Ouvertes au public depuis un an, les carrières constituent un site naturel de toute beauté doté d’un réel potentiel touristique. Epousant les contours du parc naturel régional de Sarre, elles assurent la continuité d’une trame verte transfrontalière.
L’EPF Lorraine, qui accompagne la reconversion du bassin houiller depuis les années 80, a mené à bien la renaturation des berges de la Rosselle sur 7 kilomètres et irrigué le cœur du bassin de pistes cyclables. Depuis août 2012, il a signé une convention avec la RAG Montan Immobilien, filiale immobilière des houillères de la Sarre. Les deux organismes s’étaient déjà associés dans le cadre d’une étendue transfrontalière sur le superbe massif forestier du Warndt.
A Petite-Rosselle, le Carreau Wendel de 130 hectares a posé les jalons du tourisme industriel transfrontalier. Unique site minier français maintenu dans son intégrité, il se mue en parc de la mémoire minière et s’ouvre à la culture.
Présentée en avril 2013 par l’EPF Lorraine, le projet Métamorphose Wendel n’a pas usurpé son nom. Le programme, qui doit mobiliser 100 millions d’euros d’ici à 2033, fait de l’emblème du labeur minier un parc historique, culturel, tertiaire et résidentiel. L’an prochain, un concours européen désignera le maître d’œuvre d’une esplanade desservant l’ensemble de ses 24 bâtiments remarquables. Déjà lieu de spectacle vivant et site de mémoire, le Carreau pourrait accueillir des bureaux contemporains dans des immeubles industriels historiques tandis qu’un habitat moderne succéderait aux corons toujours habités.
Certains bâtiments pourraient muter très rapidement. Le site donne déjà lieu à un projet de centre transfrontalier de restauration du patrimoine. Des cafés et des restaurants sont à l’étude pour donner une visibilité touristique à l’espace. Notre homologue la GIU(*)Organisme de maîtrise foncière et de développement de l’agglomération de Sarrebruck. est disposée à intégrer une structure de gouvernance. Notre objectif consiste à consolider un business plan pour déterminer quand l’investissement privé viendra relayer l’effort public.
Régis Stenger, responsable des études et projets de l’EPF Lorraine
Fermé en 1986 après 120 ans d’activité, le Carreau Wendel poursuit ainsi la succession de paris fous auquel il doit sa survie. Son immense lavoir fut sauvé de justesse par la mission An 2000, qui ne pouvait trouver site plus symbolique pour organiser l’exposition Cultures du Travail. Trois ans plus tard, le syndicat mixte du musée de la mine y implantait une reconstitution grandeur nature d’un chantier de creusement. En juin 2012, l’espace muséographique s’est complété par le musée « Les mineurs Wendel », qui retrace sur 1 800 m 2 la vie quotidienne et les politiques sociales de l’exploitation charbonnière de Lorraine. En 2013, le site a obtenu le déblocage de 812 000 euros pour les travaux d’urgence financés à 90 % par l’Etat, le conseil régional de Lorraine et les fonds européens.
Réalisés sous maîtrise d’ouvrage des cabinets d’architecture Archivolte et le sarrois IBS, l’un et l’autre spécialisés dans la restauration du patrimoine industriel, ce sauvetage témoigne de la persistance d’un espoir de renouveau.
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