La perplexité des observateurs atteint des sommets face aux atermoiements gouvernementaux sur l’enfouissement des déchets hautement radioactifs dans les profondeurs du sous-sol meusien.
Ballons d’essai, cafouillages ou indicateurs d’un bras de fer entre camps adverses au gouvernement ? Les interprétations divergent suite à l’apparition de deux articles liés à l’enfouissement des déchets radioactifs, puis à la disparition de l’un d’entre eux, dans le projet de loi sur la transition énergétique. La confusion n’a fait qu’augmenter lors d’une intervention de Ségolène Royal, affirmant sur les ondes de France inter ce lundi 23 juin 2014 qu’elle souhaitait voir des alternatives à l’enfouissement examinées avant le vote d’une loi en 2016.
Balayer le débat parlementaire
La première surprise s’est produite dans la soirée du mercredi 18 juin, lorsque sont apparus dans le projet de loi sur la transition énergétique les articles 34 et 35 concernant l’enfouissement des déchets hautement radioactifs – alors même que Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, avait formellement exclu que ce thème figure dans sa loi. L’article 35, qui a fait bondir Europe Ecologie-les Verts et les associations opposées à l’enfouissement, prévoyait que l’autorisation d’installation et d’exploitation du centre soit délivrée par décret en Conseil d’Etat. Cette disposition balayerait de facto l’ultime débat parlementaire prévu en 2016 sur la réversibilité de l’enfouissement prévu dans le cadre du projet Cigéo porté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) aux alentours de Bure (Meuse).
Cet article éphémère aura figuré mois de 48 heures au projet de loi sur la transition énergétique : le jeudi 20 juin, les services de Ségolène Royal indiquaient sa suppression, à la grande satisfaction du député écologiste Denis Beaupin, vice-président de l’Assemblée nationale et rapporteur de la commission d’enquête relative aux coûts du nucléaire.
Ségolène Royal a entendu le message des écologistes : il n’était pas question pour nous de voter une Loi de Transition Énergétique qui entérinerait la création du site de stockage Cigéo.
s’est réjoui Denis Beaupin, le député écologiste dans un communiqué
En revanche, l’article 34, qui autorise le Gouvernement à transposer la directive européenne 2011/70/Euratom, n’est pas supprimé. Sa formulation ouvre la voie à des interprétations multiples. Selon les opposants, il pourrait permettre un stockage « régional » – en l’occurrence, international – des déchets radioactifs aux alentours de Bure. L’Andra dément cette analyse, rappelant que la loi de 2006 prévoit explicitement la vocation de Cigéo à n’enfouir que des déchets nationaux.
Onde de choc
En répondant aux questions d’une auditrice de France Inter ce lundi matin, Ségolène Royal a créé une onde de choc, tant parmi les partisans que parmi les détracteurs du projet d’enfouissement.
Ma conviction profonde, c’est qu’on n’a pas examiné non plus toutes les alternatives à la technologie concernant le stockage des déchets radioactifs.
a assuré la ministre, qui s’était déjà déclarée hostile au principe de l’enfouissement lors d’une interview accordée à Greenpeace en octobre 2011
Cette déclaration a semé la consternation chez certains cadres de l’Andra à Bure, redoutant un abandon pur et simple du projet Cigeo. Les opposants oscillent en revanche entre satisfaction et scepticisme :
Ce n’est pas la ministre qui décide : le projet Cigeo est géré depuis des décennies par des directeurs immuables tous issus de l’école des Mines. Ségolène Royal ne va pas tarder à se faire recadrer.
Michel Guéritte, opposant historique à l'enfouissement des déchets nucléaires
--Télécharger l'article en PDF --