Tous deux retenus par le gouvernement en juillet dernier, les pôles de compétitivité lorrains Mipi (matériaux innovants – produits intelligents) et Fibre du Grand Est offrent de nouvelles chances de développement à la construction bois et acier.
Certes, ces pôles ne visent pas prioritairement le BTP. Mais ce secteur ne saurait rester indifférent à la mobilisation de plus de 2 000 chercheurs publics et d’entreprises privées de toutes tailles.
L’effet réseau peut permettre à plusieurs acteurs du BTP présents dans les deux pôles d’élaborer des projets communs.
Bernard Decaris, délégué régional à la recherche et à la technologie
Arcelor, géant mondial et locomotive régionale
Séduit par le caractère transfrontalier de Mipi, qui englobe le Luxembourg, la Sarre et une partie de la Belgique, le géant mondial de l’acier Arcelor a pesé de tout son poids dans la première partie du projet intitulée « solutions acier attrayantes et compétitives par des procédés durables » : un volet doté de 135 millions d’euros, dont 15 % d’aides publiques.
Arcelor s’investit notamment dans l’analyse du cycle de vie des bâtiments, dans la mise au point de polymères sur supports acier pour bâtiments de qualité environnementale et dans la constitution de bases de données environnementales.
Jean-Claude Charbonnier, directeur des affaires internationales et scientifiques à la direction Innovation Corporate Arcelor
Basé à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), ProfilArbed Research, dédié aux produits longs d’Arcelor, se spécialise dans les performances mécaniques des planchers. A Liège (Wallonie), une autre filiale d’Arcelor, CSA Construction, étudie les performances énergétiques, la préfabrication et la durabilité de l’acier construction. Partenaire historique du sidérurgiste, le Centre technique industriel construction métallique (CTICM) a implanté sa station d’essais de résistance au feu sur le domaine d’Arcelor à Maizières-les-Metz (Moselle).
Transferts technologiques tous azimuts
Parmi les autres locomotives industrielles de Mipi, figurent Saint-Gobain Pam, qui concentre l’essentiel de sa recherche à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), Eiffel Constructions métalliques, basé à Maizières-les-Metz et le nancéien Nordon, spécialiste des tubes d’acier. La filière verre, représentée en Lorraine par Pilkington, Interpane et Schott VTF, pourra également bénéficier des compétences du pôle en matière de traitement des surfaces.
Multimatériaux par excellence, le BTP trouve également dans les nombreux Centres de recherche, d’innovation et de transferts de technologie (Critt) de Lorraine des mines de compétences. En Moselle, l’institut de soudure de Yutz s’est spécialisé dans l’usinage, tandis que le pôle hydrogène porté à Forbach par l’Association lorraine pour la pile à hydrogène et ses applications (Alpha) expérimente des énergies renouvelables, notamment en matière de chauffage urbain. Dans les Vosges, le Critt Bois d’Epinal innove en matière de bois matériaux tandis que le Centre Ingénierie Recherche Transfert Européen (Cirtes) de Saint-Dié développe des procédés de prototypage rapide, également optimisés à Bar-le-Duc (Meuse) au Critt Jet fluide et usinage.
Mailler les PME de la fibre
Visant à faire émerger une industrie à forte valeur ajoutée à partir de la fibre cellulosique commune au bois, au textile et au papier, le pôle Fibre du Grand Est regroupe une douzaine d’entreprises et quelque 1300 enseignants, chercheurs et étudiants d’Alsace et de Lorraine.
A l’inverse de Mipi, qui fédère les moyens techniques et humains de grands groupes industriels, le pôle fibre a pour vocation de détecter les chaînons manquants pour mieux industrialiser des composants innovants, mais encore chers.
Michel Chantrein, chargé de mission Innovation auprès de la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement
La recherche sur le bois matériaux et sur le textile ouvre des débouchés insoupçonnés à la construction. Parmi les innovations les plus spectaculaires, figure la technique de soudage de bois par friction mise au point par une équipe franco-suisse coordonnée à l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du bois (Enstib) d’Epinal (Vosges). Le procédé consiste à frotter les pièces de bois jusqu’à atteindre une température de 180 °, tout en exerçant une pression. Le bois « fond », puis se solidifie pour constituer un joint présentant la même résistance que celle obtenue avec une colle !
Les chercheurs étudient également la possibilité d’encapsuler dans les parois de bois des essences assainissantes, ou encore d’intégrer aux planchers des acaricides ou des alarmes. Le textile-construction réserve également bien des surprises : outre l’usage du chanvre dans les planchers ou l’isolation, les tissus dûment traités peuvent entrer dans la composition des cloisons, voire des toits.
L’indispensable effet réseau
Développés en Lorraine, ces progrès virtuels peinent pourtant à se concrétiser dans la région.
La recherche peut contribuer à faire connaître les qualités thermiques du bois, qui restent mal appréciées.
Martial Gérard, ingénieur chez Lignatec, bureau d’études et distributeur de panneaux contrecollés de bois massif basé à Entre-Deux-Eaux (Vosges)
Nous tissons plus de liens avec des ingénieurs du monde entier via Internet que nous ne développons de relations avec les administrations régionales.
Jean-Claude Tremsal, dirigeant de Mégabois, PME de 20 salariés basée à Saint-Nabord (Vosges) spécialisée dans les isolants en fibre de bois et dans l’habitat bioclimatique
Ce constat illustre la nécessité de la mise en réseau, mission première des pôles de compétitivité.
--Télécharger l'article en PDF --