La Sarre se donne jusqu’à 2043 pour amener une génération entière au bilinguisme franco-allemand. Ministre-présidente du Land, Annegret Kramp-Karrenbauer a présenté dimanche dernier à Mettlach un point d’étape sur cette initiative ambitieuse.
Le château du porcelainier Villeroy & Boch à Mettlach (Sarre) a accueilli le dimanche 8 février 2015 une centaine d’élus, d’associations et de citoyens venus participer à une « matinée européenne » consacrée à la Franckreichstratégie qui vise à déployer au cours des trois prochaines décennies l’apprentissage du français à une génération de Sarrois. Respectivement ministre-présidente de la Sarre et déléguée plénipotentiaire pour les Affaires européennes, Annegret Kramp-Karrenbauer et Helma Kuhn-Theis ont rendu compte à leur auditoire des quelques 700 échanges réalisés depuis le lancement de l’initiative fin 2013.
Plus de langues, plus de chances
Notre projet a suscité un grand intérêt et une grande popularité tant parmi les citoyens sarrois que parmi les élus français de la zone frontalière et les institutions françaises.
Annegret Kramp-Karrenbauer
Premiers concernés, les parents d’élèves sarrois se sont déclarés favorables à l’apprentissage du français sous réserve de ne pas compromettre celui de l’anglais. Le Land, qui pointe un certain retard des étudiants allemands en la matière, compte développer un multilinguisme incluant l’anglais et la langue du voisin. Pour l’heure, 90 des 480 établissements d’accueil de la petite enfance pratiquent l’enseignement du français et dix autres devraient les rejoindre cette année. Les écoles primaires doivent prendre le relais afin de pouvoir décerner en fin de scolarité un certificat de connaissance de la langue française, gage d’avenir professionnel pour la jeunesse. Pour la ministre -présidente, le bilinguisme passe également par des échanges plus soutenus entre médias frontaliers, l’organisation d’échanges entre communes mosellanes et sarroises et la traduction de la signalétique des sites touristiques sarrois en français.
Un Erasmus professionnel
Partants pour la stratégie française, les Sarrois en attendent également un bénéfice en termes d’emplois et de débouchés économiques. Le Land accueille sur son territoire une centaine de filiales d’entreprises françaises et 70 entreprises sarroises ont établi des succursales en France. Les récents accords de coopération en matière de formation transfrontalière doivent densifier des échanges déjà riches. La Sarre voit également dans sa stratégie une manière de conforter ses positions non seulement en Lorraine, mais en France entière.
La stratégie française est particulièrement bienvenue. Si elle réussit, elle augmentera l’attractivité du Land et donnera à ses entreprises la possibilité de prendre pied à Rennes ou à Bordeaux. Côté français, la réforme territoriale, qui prévoit la création d’une grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, va générer quelques années d’incertitude, mais elle laisse présager d’une métropole plus dynamique avec laquelle les contacts seront plus faciles.
François Villeroy de Galhau, membre du conseil de surveillance de Villeroy & Boch et directeur général délégué du groupe BNP Paribas
L’auteur de « L’espérance d’un européen » (1) appelle de ses veux la création d’un Erasmus professionnel qui répondrait aux problématiques de l’emploi.
Du bilinguisme à la Francophonie
Les ambitions sarroises vont au-delà du rapprochement avec la France. Sur le plan européen, le Land souhaite conforter auprès de Bruxelles la représentativité d’une grande région transfrontalière en englobant, de la région parisienne à celle de Bâle, l’un des plus grands espaces économique d’Europe. Le bilinguisme constituera pour la nouvelle génération une ouverture vers 220 000 francophones répartis sur 57 pays.
(1) éd. Odile Jacob, 2014.
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