Industriel, patron de club de foot et mécène, ce dirigeant, qui a redressé le groupe John Cockerill, vient de lancer le fonds Industrya, destiné aux projets dans les domaines de la transition énergétique, de l’industrie 4.0 et des matériaux.
Ce matin, le président du FC Metz reçoit à domicile – en l’occurrence, dans la salle de réunion du quatre étoiles la Citadelle, tombée cet été dans l’escarcelle de sa holding luxembourgeoise Ebenis. Bien avant cette acquisition, Bernard Serin était chez lui en Moselle, le département où il a bâti sa carrière de capitaine d’industrie. Le PDG et propriétaire du groupe belge John Cockerill (6.000 salariés dans le monde pour 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2019) est arrivé en 1952, à l’âge de deux ans, dans ce qui apparaissait alors comme le Texas français. Fils d’un vigneron méridional devenu sidérurgiste, puis cadre, le jeune Bernard a joué dans l’équipe de foot de Florange tout en poursuivant ses études d’ingénieur. Embauché à Sacilor, dont il prendra les rênes en 1993, il quitte la Lorraine en 2002 pour reprendre Cockerill Mechanical Industry (CMI), une filiale belge d’Arcelor alors en grande difficulté. Il hisse cet emblème de la construction mécanique au rang de groupe mondial d’ingénierie, et lui restitue, en 2019, le nom de son fondateur. Son propre parcours témoigne d’un attachement profond à la vigne – il détient un domaine viticole dans l’Hérault -, à la Lorraine et à l’industrie.
J’ai appris progressivement à gérer plusieurs sujets en même temps.
Bernard Serin
Le septuagénaire soigné, chevelure blanche et moustache impeccable, s’exprime posément. Dans la seule ville de Metz, cet industriel carré, au physique comme au moral, injecte plus de 100 millions d’euros dans l’écosystème économico-sportif local. La tribune sud du stade Saint-Symphorien, dont la crise sanitaire a reporté la livraison à février 2021, mobilise à elle seule 64 millions d’euros. Président du FC Metz depuis 2009, Bernard Serin touche ainsi à un but poursuivi de longue date : transformer un stade décati, où les officiels et la presse se partageaient des modules en Algeco, en un espace futuriste et multifonctionnel. Les 9.000 mètres carrés dévolus aux séminaires, événements, centre d’affaires et coworking jouxteront 30.000 gradins. Les VIP et congressistes attendus conforteront l’activité traiteur, restauration et hôtellerie d’Ebenis.
Durant les travaux, les joueurs ont migré vers le camp d’entraînement de Metz Frescaty. Le FC Metz y étrenne un terrain de jeux indoor de 4.000 mètres carrés dans un hangar désaffecté de cette ancienne base d’aviation. L’équipement intègre un dispositif bien huilé qui prolonge ses rouages du Sénégal à la Wallonie. Le FC Metz vient en effet de prolonger de 10 ans son partenariat avec l’académie Génération foot basée à Dakar. Les meilleurs joueurs intègrent directement la première division au FC Metz ou transitent par le Royal Football Club de Seraing, passé en début d’année du statut associatif à celui de société anonyme, dont le FC Metz est majoritaire.
Docteur honoris causa de l’université de Liège, Bernard Serin a vu éclore à Seraing, le siège wallon de John Cockerill, un parc portant son nom. La commune lui sait gré d’avoir pérennisé l’entreprise et sa devise « Répondre aux besoins de son temps » lancée voici plus de deux siècles. Bernard Serin n’apprécie guère que l’on évoque les reproches que lui adressent les ONG à propos des contrats remportés avec l’Arabie saoudite, tant via des équipements de tourelles de chars que par la formation au long cours de formateurs militaires saoudiens au Cockerill Campus de Commercy (Meuse).
A chaque commande, nous nous en remettons à la décision de gouvernements démocratiquement élus qui détiennent des éléments politiques et éthiques dont nous ne disposons pas. Ce sont eux, et non les ONG, qui ont la main.
Bernard Serin
Il retrouve une verve d’ingénieur visionnaire lorsqu’il évoque les prouesses technologiques de son groupe, telle cette centrale thermo solaire inaugurée fin 2019 dans un désert de pierres chinois. Quatre mille cinq cent miroirs disposés autour d’une tour de 150 mètres de hauteur y font fondre du sel pour procurer de l’énergie nuit et jour. A l’aéroport de fret de Liège, le groupe expérimente grâce à sa joint-venture chinoise CJH un pilote d’écosystème fonctionnant à l’hydrogène.
Nous travaillons ce sujet depuis quatre ans et voilà que le plan hydrogène européen se débloque et que les étoiles s’alignent.
Bernard Serin
L’homme d’affaires garde un souvenir ébloui d’un voyage en Antarctique au début de la décennie. Il rêve aujourd’hui d’aller voir, de l’autre côté de la terre, le Pôle nord dont il aimerait contribuer modestement contribuer à contrer la fonte.
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