Chorégraphe et directeur artistique luxembourgeois, Bernard Baumgarten s’est formé à la danse à Nice, puis à Paris. Il a mené une carrière de danseur à Frankfort et à Berlin avant de bifurquer vers la chorégraphie. Auteur de plusieurs créations, il assure depuis 2007 la direction artistique du Centre de Création Chorégrapique Luxembourgeois TROIS C-L implanté à la Banannefabrik. Ce haut-lieu de création de recherche et de formation continue est membre fondateur du réseau transfrontalier Grand Luxe, qui se présente comme un comptoir d’échanges artistiques au service des chorégraphes de la Grande Région.
Le TROIS C-L , en partenariat avec Les Théâtres de la ville de Luxembourg et le réseau Grand Luxe, a organisé le 3 juin 2019 une discussion ouverte aux professionnels de la Grande Région sur l’importance de la recherche dans l’art chorégraphique. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
Elle s’est imposée naturellement. L’art chorégraphique européen se questionne sur les mêmes problématiques de recherche, d’accompagnement et de présentation. Venus de France, d’Allemagne, de Belgique, de Suisse et du Luxembourg, les huit artistes invités ont tous insisté sur la dimension fondamentale de la recherche pour faire évoluer l’art chorégraphique. Le thème paraissait très pointu et je me serais estimé content avec vingt participants à notre table ronde. Il y en a eu une bonne cinquantaine !
La recherche-création est au cœur du festival TalentLab#19, initié par les Théâtre de la ville du Luxembourg, dont la quatrième édition se déroule jusqu’au 9 juin. Le TROIS C-L s’y est associé avec le « 3 du TROIS » en proposant le 3 juin cette discussion ouverte, la présentation de deux recherches chorégraphiques et pour finir, le spectacle de danse « Désobéir » présenté au Grand Théâtre du Luxembourg.
Les discussions se sont tenues à la Banannefabrik. Quelle place cet ancien entrepôt de fruits et légumes situé près de la gare centrale de Luxembourg-ville tient-il dans la vie culturelle luxembourgeoise et transfrontalière ?
C’est un lieu de travail, de création et de formation continue gratuit sans équivalent à 100 kilomètres à la ronde ! L’immeuble constitue l’une des pérennisations de Luxembourg et Grande Région capitale de la Culture 2007. Cette année-là, j’y ai conçu le projet de résidence interdisciplinaire « Dance Palace », alors même que les locaux étaient passablement décatis. Il a fallu trois ans de travaux avant qu’il ne rouvre en octobre 2011 en tant que Banannefabrik.
Le lieu accueille aujourd’hui ses quatre membres fondateurs, le TROIS C-L, le Théâtre du Centaure, le collectif d’artistes Maskédana, la Theater Federatioun – l’Association Luxembourgeoise des Professionnels des arts de scène et héberge l’association de dialogue interculturel Mir wëllen iech ons Heemecht weisen asbl (1). Tous les matins, des artistes du Luxembourg ou issus de la Grande Région viennent y travailler, suivre des classes d’entraînement, des master classes ou des formations théoriques. La Banannefabrik a inspiré le théâtre et les arts plastiques, qui aimeraient aussi pouvoir s’exprimer dans un même lieu. Depuis 2015, TROIS C-L accueille les artistes choisis par le réseau indépendant Grand Luxe à la Banannenfabrik, car le site regroupe plusieurs services sous un même toit.
Comment Grand Luxe s’est-il constitué ?
Le réseau est né d’une discussion initiée en 2014 par le Grand Studio de Bruxelles, qui a réuni durant deux jours plusieurs structures de l’espace transfrontalier pour voir comment elles pouvaient travailler ensemble. Cinq d’entre elles (2) ont commencé à se revoir et ont créé le réseau Grand Luxe l’année suivante. Nous avons longuement discuté des règles, avant de convenir qu’il valait mieux n’avoir ni règle, ni cadre, pour rester aussi souples que possible. Pour soutenir la scène indépendante, le réseau Grand Luxe se doit d’être flexible.
Nous avons accueilli dernièrement deux nouveaux membres, le Théâtre de Freiburg et la fondation L’Abri de Genève, mais nous ne comptons pas agrandir indéfiniment le cercle. Nous savons par expérience que lorsqu’il y a trop de partenaires, les structures ne fonctionnent plus. Nous ne pourvoyons ni argent, ni commande, ni production – mais nous intervenons sur tout le reste.
Quel type d’aide le réseau peut-il apporter ?
Lorsqu’un des artistes repérés par Grand Luxe est confronté à un obstacle qui lui paraît insurmontable, son parrain lui présente le réseau qui lui expliquera peut-être que son problème est encore plus compliqué qu’il ne le pensait, mais que nous allons trouver une solution. Par exemple, l’une de nos artistes, la belge Guindoline Robin, avait besoin des compétences d’un artificier. Il se trouve que le Ballet du Bas-Rhin connaissait la question. Il a donc pu lui apporter des éléments techniques et les consignes de sécurité.
De même, la chorégraphe luxembourgeois-allemande, Anne-Marie Marieke-Hess, qui avait du mal à aborder le marché français. Elle maîtrisait pourtant très bien la langue, mais pas les codes dans lesquels on s’exprime lorsque l’on s’adresse à un directeur d’institution. Elle a passé 10 jours à Bruxelles auprès d’un partenaire du Grand Studio qui l’a aidée à revoir ses formulations et à améliorer son approche.
En règle générale, les jeunes et moins jeunes chorégraphes ont besoin d’un accompagnement pour développer leur carrière. Nous proposons aux artistes repérés par le réseau une demi-douzaine de points de chute potentiels. TROIS C-L met à disposition son espace de travail et de présentation. Les subventions que nous alloue le ministère luxembourgeois de la Culture ne peuvent pas traverser la frontière. Il n’est donc pas possible de rémunérer une compagnie qui n’est pas implantée sur le territoire. Mais cela n’empêche pas les artistes, ni les structures, de travailler ensemble. Ce sont les législations qui sont trop lourdes et trop complexes. Tant qu’elles ne se seront pas simplifiées, les coopérations progresseront lentement, et souvent dans une zone grise, faute de règles claires.
Propos recueillis par Pascale Braun
(1) “Nous voulons vous montrer notre culture”
(2) Le Grand Studio à Bruxelles, le Ballet de Lorraine à Nancy, le Ballet de l’Opéra national du Rhin, le Centre chorégraphique national de Mulhouse, Pôle Sud, le Centre de développement chorégraphique national de Strasbourg et TROIS C-L .
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