Voeu d’impartialité
Secrétaire général du comité local d’information et de suivi du laboratoire de Bure, Benoît Jaquet s’est attaché à la Meuse rurale où progresse inexorablement un projet d’enfouissement de déchets hautement radioactifs.
La grange culturelle Anes Art’gonne, à Evres (87 hab., Meuse) ne peut guère accueillir qu’une centaine de spectateurs. Pourtant, Benoît Jacquet y a vécu de grands moments de comédie. Avec la Compagnie du théâtre d’Egulfe, le secrétaire général du comité local d’information et de suivi (Clis) du laboratoire de Bure y a notamment joué Frou-Frou-les-Bains, comédie musicale de Patrick Haudecoeur. Le spécialiste des problématiques de l’enfouissement souterrain des déchets radioactifs trouve dans les airs d’opérette une bouffée d’air pur et d’enthousiasme. Comédien amateur depuis vingt ans et lecteur inlassable des auteurs français du XXesiècle, le juriste a développé un phrasé raffiné, une syntaxe impeccable et une réelle force de conviction. Le chant et la danse contribuent à maintenir la sveltesse du quadragénaire à l’allure frêle et au regard acéré. La scène lui permet, de surcroît, d’exprimer son goût du rire jubilatoire.
Manne nucléaire
Au quotidien, Benoît Jacquet côtoie préfets, militants antinucléaires, élus et scientifiques pour faire valoir les droits de tous à une information neutre. En début d’année, à la demande des opposants au futur stockage de déchets hautement radioactifs à vie longue, à une dizaine de kilomètres du laboratoire de Bure, le Clis a lancé une expertise indépendante sur les zones d’intérêt pour une reconnaissance approfondie (Zira) retenues par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). L’enjeu est de taille, car l’Andra pourrait être contrainte de recommencer une grande partie de ses recherches.
Suspectée dès l’annonce, en 1998, de l’implantation d’un laboratoire proclamant des intentions strictement scientifiques, la perspective d’un stockage de déchets nucléaires dans les profondeurs calcaires du sud meusien se précise bel et bien. Elle paraît même inéluctable, tant aux yeux des élus, qui tentent d’obtenir de l’Andra des compensations aussi élevées que possible, qu’à ceux des industriels, qui constituent des filières pour mieux capter la manne nucléaire. Benoît Jaquet récuse pourtant avec force l’idée d’un combat perdu d’avance.
Le Clis, initialement conçu comme un jouet qui amuserait la galerie, est devenu un véritable acteur du débat. Je n’y resterais pas si je n’étais pas profondément convaincu de son utilité.
A l’écart des passions
Le laboratoire cristallise depuis quinze ans les polémiques politiques, les controverses techniques et la dénonciation de la gestion des déchets nucléaires. Toujours courtois, mais attaché à sa liberté de parole, Benoît Jaquet s’est tenu à l’écart des passions en faisant voeu de neutralité.
Sa position n’est pas simple, mais il m’a toujours paru faire preuve d’honnêteté et d’objectivité, alors même que de nombreux représentants du Clis véhiculent une information partiale et plutôt favorable aux projets de l’Andra .
Jean-Marc Fleury, président de l'association des élus de Lorraine et Champagne-Ardenne opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs et favorables à un développement durable (Eodra).
Parfois caustique lorsqu’il évoque les revirements d’élus troquant leurs convictions contre des subventions, Benoît Jaquet abandonne toute ironie lorsqu’il évoque les habitants devenus experts en matière d’enfouissement nucléaire. Marié et père de deux jeunes fils, il demeure à Nancy et reste profondément citadin. Mais il a noué dans les terres rurales du sud meusien des amitiés profondes. Les rires et les danses de la grange meusienne en témoignent.
BIO-EXPRESS
- 1966 : naissance à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
- 1991 : DEA de droit européen à Nancy.
- 1996 : secrétaire général de l’instance locale de concertation et d’information (Ilci) de la Meuse.
- 1999 : création du comité local d’information et de suivi (Clis) du laboratoire de Bure, dont il devient secrétaire général.
- Février 2010 : lancement d’une évaluation indépendante du projet de stockage de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
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