Aux portes de la Lorraine, les anciens hauts-fourneaux de Belval ne crachent plus de fumée, mais réalisent une fusion inédite de la science, de la recherche et de l’innovation.
Quinze ans après l’extinction de ses hauts-fourneaux, Belval flamboie plus que jamais. L’immense complexe sidérurgique a accueilli en 2006 un premier bâtiment emblématique de 19 étages la tour rouge vif de Dexia, remplacée depuis par la Banque internationale de Luxembourg. Courant mai, l’université grand-ducale prendra possession de la Maison du savoir, où elle regroupera ses infrastructures d’enseignement, son pôle scientifique et son administration dans un rutilant complexe aux façades d’aluminium composé d’une barre de 180 mètres de longueur et d’une tour de 80 m de hauteur. Préservés, les deux hauts-fourneaux, qui culminent respectivement à 82 et 93 mètres, constituent les deux autres phares du site. Leur terrasse abrite déjà une grande partie de la Cité des sciences, où cohabiteront sur 15 hectares le pôle des sciences naturelles, celui des sciences humaines et celui de l’innovation.
Le nouveau quartier ne néglige ni la culture, ni l’art de vivre. En bordure de l’ancienne usine ont pris place deux complexes commerciaux, un espace résidentiel, Square Mile, et un parc public de 11 hectares qui ouvrira au public le 4 juillet prochain. Située sur les bans communaux d’Esch-sur-Alzette et de Sanem, à la jonction des frontières française, allemande et belge du sud luxembourgeois, l’ancienne friche accueille dorénavant 1 200 habitants, 150 entreprises employant 4 000 salariés dont une communauté de 500 chercheurs.
D’ici à la fin de la décennie, l’Etat luxembourgeois aura finalisé les 25 bâtiments de la cité du savoir, fusionné ses deux centres de recherche publique Henri Tudor et Gabriel Lipmann et érigé au cœur des vestiges de la sidérurgie un nouveau concept économique basé sur la connaissance. A l’horizon 2020, le quartier se prépare à accueillir 7 000 étudiants et 3 000 chercheurs. Opérateur unique doté d’un budget d’1 milliard d’euros, le Fonds Belval assure la maîtrise d’ouvrage de la Cité des Sciences, soumettant chaque projet de bâtiment à un projet de loi et la plupart d’entre deux à des concours d’architecture internationaux.
Belval comporte peu de bâtiments réservés à une seule activité. Le principe même du quartier repose sur la mutualisation des équipements et sur la mixité entre enseignement et recherche, habitat et loisir, tertiaire classique et secteurs de pointe. Nous accompagnons les promoteurs dans la recherche d’occupants dont les activités sont liées à la finance, à la technologie, à la biomédecine.
Robert Kocian, directeur marketing d’Agora, société de développement chargée de la planification et de la réalisation de Belval
Le soutien constant à l’innovation porte ses premiers fruits. Au long de l’allée des Hauts-fourneaux, le Technoport fonctionne comme une machine à inventer, offrant aux créateurs venus d’horizons divers les services d’un incubateur, d’un espace de co-working et d’un Fab Lab. Jouxtant les hauts-fourneaux, l’espace de 4 000 mètres carrés héberge aujourd’hui 26 start-up et compte à son actif nombre de success stories. L’allemand PaysCash y a développé la première application de payement à distance agréée par le Grand-Duché. Spécialiste de la sécurité ses réseaux, Neovalens a conçu un système de gestion des droits d’accès acquis par Desktop Standard, lui-même repris par Microsoft. Technoport SA accueille également la spin-off Open Assessment Technologie, émanation du centre Henri Tudor dont l’outil d’évaluation des compétences TAO équipe entre autres l’OCDE pour ses enquêtes Pisa. Fondé par un ancien salarié de l’usine Goodyear, e-Xstream a mis au point une plate-forme de logiciels utilisé dans la modélisation des matériaux et structures composites.
Nous collaborons avec 15 laboratoires de recherche internationaux et participons à plusieurs programmes européens. L’arrivée des étudiants et l’ouverture de la Maison de l’innovation prévus l’an prochain ne peuvent que conforter la notoriété et la lisibilité de Belval, qui est en bonne voie de devenir une place forte européenne de la recherche.
Diego De Biasio, CEO de Technoport
Le Fab Lab met un équipement complet de prototypage à disposition des entreprises et des chercheurs, mais aussi des simples citoyens et des scolaires. L’espace de coworking organise entre autres événements des « start-up week-ends » où des équipes de créateurs s’affrontent pour convaincre le jury de la pertinence de leur projet.
Il n’existe ni en France, ni en Allemagne de site aussi propice à la créativité. Les vestiges sidérurgiques créent un décor magnifique et les équipes du monde entier, réunis par un background informatique commun, se sentent chez eux dans cette tour de Babel.
Frédéric Le Dinahet, co-fondateur avec Evangelos Papadopoulos de la start-up Themarketstrust
Le jeune parisien issu de HEC et le trader grec basé en Allemagne se sont tout naturellement retrouvés au Technoport de Belval pour y développer une solution open source de gestion des risques financiers. La start-up emploie pour l’heure une dizaine de salariés et de free-lance polonais, danois ou américains, qui accèdent facilement au siège de l’entreprise grâce aux dessertes de l’aéroport international de Findel, près de Luxembourg-ville. Situé à l’épicentre des institutions bancaires, Themarketstrust se trouve en prise directe avec les partenaires de la sécurisation des outils de gestion des fonds de pension et des instances de régulation financière. L’entreprise prévoit 200 recrutements au cours des deux prochaines années, dont 140 au Luxembourg. Ses dirigeants ont d’ores et déjà conclu des partenariats avec les universités voisines pour recruter leurs jeunes diplômés en Lorraine, en Belgique et en Allemagne.
Une Ecocité pour contrer les bouchons
Chaque jour, 80 000 travailleurs lorrains rejoignent le Luxembourg, souvent au prix d’un stress intense. De part et d’autre de la frontière, des efforts atténuent le supplice des bouchons. Une liaison TER relie depuis deux ans l’axe Thionville-Belval-Longwy. A l’étude depuis 1989, le contournement routier d’Audun-le-Tiche entrera en service l’an prochain, délestant la commune mosellane d’un flux quotidien de 30 000 véhicules. Mais ces nouvelles dessertes ne soulageront que partiellement la thrombose chronique des flux frontaliers, qui progresse d’environ 5 000 personnes par an.
Côté français, l’Etat et les collectivités engagent un projet d’envergure pour adapter leurs infrastructures à la réalité transfrontalière. L’Opération d’intérêt national Alzette-Belval injectera 300 millions d’euros sur un territoire constitué de huit communes mosellanes et meurthe-et-mosellanes dont la population passera de 26 000 à 46 000 habitants au cours des 20 prochaines années. L’Etablissement public d’aménagement prévoit la création d’une Ecocité de 8 300 logements, la rénovation du bâti existant et l’aménagement d’un pôle multimodal à la frontière.
1 milliard d’euros : C’est le budget du Fonds Belval pour aménager la Cité de la science, de la recherche et de l’innovation.
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