Inaugurée le 20 octobre, la Maison du savoir est un bâtiment monumental de 62 000 m 2 , avec une tour de 18 étages. Sa vocation est de magnifier la mémoire des anciens hauts-fourneaux de Belval, et d’accueillir un millier de fonctionnaires.
Aux portes de la Lorraine, à 60 km de Metz, les anciennes friches sidérurgiques de Belval se transforment en place forte universitaire, économique et culturelle. Planifiée par l’État luxembourgeois, la métamorphose mobilisera 1 milliard d’euros de fonds publics d’ici à 2020. Un laboratoire urbain unique en Europe. Le 20 octobre dernier, François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures du Grand-Duché et Marc Hansen, secrétaire d’État à l’Éducation, ont officialisé lors d’une sobre cérémonie la remise des badges d’accès de la Maison du savoir à ses futurs occupants. Implantée au nord des anciens hauts-fourneaux de Belval, la réalisation est pourtant d’envergure : les architectes Baumschlager-Eberle et Christian Bauer ont conçu un bâtiment monumental de 62 000 m 2 constitués d’une barre de 180 m de long et d’une tour de 18 étages culminant à 83 m de hauteur.
La tour mesure dix mètres de moins que le haut-fourneau le plus élevé de Belval, mais surplombe de quelques mètres la tour de la Banque internationale à Luxembourg. Cette configuration témoigne de la priorité donnée à la mémoire du site, puis de la place donnée à l’avenir, et, enfin, du positionnement de la finance.
Virginie Laye, accompagnatrice du changement de l’université du Luxembourg
3 000 chercheurs et 7 000 étudiants attendus
Dès l’an prochain, un millier de fonctionnaires de l’administration de l’université grand-ducale aura migré dans la tour. Reposant sur deux socles, la barre regroupera la quasi-totalité des enseignements généraux du pays. À terme, la nouvelle place forte universitaire du Grand-Duché doit accueillir 7 000 étudiants et 3 000 chercheurs.
Réceptionnée sans faste excessif, la Maison du savoir ne constitue pas la seule concrétisation du vaste projet de reconversion de 120 hectares de friches sidérurgiques laissées vacantes par Arbed (absorbé depuis par ArcelorMittal) dans les années 1990. Depuis cet été, deux autres réalisations d’envergure, le parc public du Square Mile et la Terrasse des Hauts-Fourneaux, sont venues compléter l’étonnant puzzle urbain édifié sur les bans communaux d’Esch-sur-Alzette et de Sanem, à proximité immédiate de la frontière française. Voici dix ans, le site n’était qu’une friche déserte où rouillaient paisiblement deux hauts-fourneaux. Sous l’impulsion de l’État, qui a décidé, au début du millénaire, de créer un nouveau pôle urbain dans ces vestiges industriels, Belval s’est mué en un laboratoire urbain unique en Europe.
La reconquête de la friche a commencé en 2005 par l’implantation, dans l’ancienne salle des soufflantes, de la Rockhall, salle de concert de 6 500 places où se sont notamment produits Lou Reed, Zappa et Chuck Berry. Un an plus tard, la banque Dexia, remplacée depuis par la Banque internationale à Luxembourg, s’est installée dans une tour rouge vermillon de 19 étages signée par Claude Vasconi. L’architecte français décédé en 2009 avait habillé le bâtiment emblématique d’un acier rutilant pour réaffirmer la fidélité du site à son passé sidérurgique. Doté d’un budget d’un milliard d’euros sur vingt ans, le Fonds Belval s’est vu confier la maîtrise d’ouvrage du projet de Cité des sciences, complexe universitaire d’une trentaine de bâtiments neufs ou réhabilités imbriqués au pied des deux hauts-fourneaux. La Maison des sciences humaines prendra place à côté de la Maison du savoir en 2015. L’année suivante, la Maison du nombre dédiée aux mathématiques, la Maison des arts et des étudiants et la Maison du livre viendront s’encastrer dans l’aile nord du site. Les bâtiments de la Maison des matériaux occuperont progressivement l’aile sud d’ici à 2018. Chaque construction est soumise à un projet de loi et la plupart d’entre elles font l’objet de concours d’architecture internationaux.
Avant même de devenir un campus, Belval constitue déjà un quartier regroupant 150 entreprises et commerces, 1 400 habitants et 4 000 salariés. Issu d’un partenariat entre l’État et ArcelorMittal, la société d’économie mixte Agora orchestre la planification, la viabilisation et la promotion privée du site.
Belval comporte peu de bâtiments réservés à une seule activité. Le principe même du quartier repose sur la mutualisation des équipements et sur la mixité entre enseignement et recherche, habitat et loisirs, tertiaire classique et secteurs de pointe.
Robert Kocian, directeur marketing d’Agora
La crise de 2008 a quelque peu freiné l’essor des bâtiments tertiaires, mais le marché immobilier ne s’est pas essoufflé en dépit de prix de vente compris entre 3 000 et 3 500 euros au mètre carré. Le quartier d’affaires du Square Mile s’est enrichi à la rentrée de 20 000 m 2 supplémentaires répartis entre une résidence universitaire et un centre de recherche médicale et s’apprête à accueillir cinq nouveaux bâtiments sur 55 000 m2 au cours des deux prochaines années. Des activités liées à la finance, à la technologie ou à la biomédecine s’imbriquent dans un étrange décor constitué de hautes cheminées de briques rouges, d’enchevêtrement d’acier, d’anciens ateliers en ciment, de grues jaunes et de bâtiments flambant neufs.
Star-up, jardins à thème et parc… à pétanque
Dans l’allée des Hauts-Fourneaux, le Technoport regroupe une trentaine de start-up sur 4 000 mètres carrés, offrant aux créateurs venus d’horizons divers les services d’un incubateur, d’un espace de travail collaboratif et d’un fab lab. Le centre international d’étude de populations Ceps/Instead s’est implanté avenue de la Fonte. Un centre de ressource des théologies s’est établi avenue des Sidérurgistes. L’espace est jalonné de parcs de pétanque et de tags poétiques tel cet énigmatique « All we need » sur toute la longueur d’un ancien atelier. Fin septembre, un parc public de huit hectares a ouvert sur l’emplacement de l’ancien crassier délicatement reverdi. Bordé par un cheminement pédestre et un cours d’eau artificiel, le nouveau poumon vert du quartier propose aires de jeux, jardins à thème et terrains de sport. Le quartier a connu sa première grande fête populaire le 4 juillet dernier à l’occasion de l’ouverture au public de la Terrasse des Hauts-Fourneaux, illuminée par le designer allemand Ingo Maurer.
Belval comportait initialement trois hauts-fourneaux dont l’un a été démonté en 1996 pour partir en Chine, où il fonctionne encore. Les deux autres constituent un élément de mémoire très important. Il a fallu une décennie de chantier pour les nettoyer, démanteler les parties dangereuses et sécuriser les installations. Ils sont désormais restaurés, partiellement vernis pour conserver leur patine et repartent pour au moins trente ans dans un nouvel usage.
Antoinette Lorang, historienne de l’industrie chargée de mission culture et communication au Fonds Belval
En un trimestre à peine, plus de 10 000 visiteurs ont gravi les marches en caillebotis métallique pour accéder au gueulard, l’orifice de chargement du minerai et du coke, situé à 40 m de hauteur.Organisées en anglais, en luxembourgeois, en français et en allemand, les visites s’adressent à la fois aux anciens sidérurgistes, aux nouveaux habitants et aux équipes d’urbanistes, de paysagistes et d’architectes venus de toute l’Europe pour découvrir la métamorphose spectaculaire d’un ancien no man’s land.
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