Le conseil régional de Lorraine a signé une convention unique en son genre pour sceller l’alliance entre le géant allemand BASF et la start-up nancéienne Plant Advanced Technologies. Axé sur la cosmétique et sur la protection des végétaux, le partenariat assure la croissance de la PME spécialisée dans l’extraction de molécules végétales et promet l’enracinement de la production en région.
La croissance de Pat Advanced Technologie (PAT) aura été longue, mais les récoltes s’annoncent prometteuses. Les dirigeants de cette PME de biotechnologie ont accueilli ce jeudi 28 mai dans leur serre de Laronxe (Meurthe-et-Moselle) un aréopage de journalistes, de représentants du conseil régional de Lorraine, d’universitaires et de dirigeants de BASF. Le leader mondial de la chimie a conclu avec le conseil régional une convention visant à faire croître en Lorraine une « bioengineering valley » pour cultiver des biomolécules selon la technique de la plante à traire dont PAT a trouvé le secret.
Traire les plantes par la racine
Fondée par Jean-Paul Fèvre en 2005 sur la base de recherches conduites par le Laboratoire agronomie et environnement et l’Inra de Nancy, PAT prend à contrepied les techniques classiques de la production végétale : au lieu de couper la plante, elle la cultive dans des bacs et en extrait les molécules actives en soumettant chaque mois ses racines à une « traite » d’une heure dans un bain solvant.
Nous avons introduit un changement de paradigme dans la manière d’utiliser la plante. Nous l’exploitons sans la détruire et appliquons le principe du champ mobile là où se sont d’ordinaire les outils de coupe qui se déplacent. Nous sommes également les seuls à accéder aux racines fines, qui constituent la partie la plus riche de la plante.
Frédéric Bourgaud, professeur à l’université de Lorraine et vice-président de PAT en charge de la recherche
Dûment stimulées par un stress hydrique ou un message chimique, les plantes secrètent des molécules de défense qui ont déjà prouvé leur grand intérêt pour l’industrie pharmaceutique et cosmétique. Chanel produit ainsi depuis trois ans un antiride issu de molécules de garance. D’autres brevets confidentiels portent sur la production de molécules anticancéreuses, anti-inflammatoires et anti-Alzheimer. Une diversification prometteuse s’annonce en matière de protection du végétal.
Pesticide végétal
BASF Care Solutions, qui détient un centre de recherche à Pulnoy, dans la banlieue nancéienne, s’est associé dès 2010 au programme Bioprolor initié par PAT et soutenu à hauteur de 3,2 millions d’euros par le conseil régional de Lorraine pour développer des molécules végétal d’usage cosmétique. Les recherches se sont avérées suffisamment prometteuses pour intéresser la division Agro de BASF.
Les recherches de PAT s’inscrivent parfaitement dans notre stratégie de chimie durable. La piste des pesticides naturels constitue un grand enjeu de la chimie végétale à l’échelle mondiale. Les Etats-Unis, le Canada, la Chine y consacrent des programmes de recherche, tandis que l’Europe et la France reste absents de ce secteurs.
Xavier Susterac, président de BASF France
Bioprolor V2
Le dirigeant, qui retrouvait à l’occasion de ce déplacement ses racines lorraines, n’a pas manqué de souhaiter à PAT le même avenir que BASF, start-up des années 1860 qui emploie aujourd’hui 113 000 personnes pour 74 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La PME nancéienne affiche certes une progression de 1 000 % en dix ans, mais ne compte encore que 40 salariés dont 20 chercheurs pour 1,2 million d’euro de chiffre d’affaires.
PAT constitue le chef de file de du programme Bioprolor 2, centré sur la recherche agronomique et cofinancé par le conseil régional à hauteur de 3,7 millions d’euros.
Bioprolor a fait naître un écosystème où ont convergé des chercheurs publics et privés, un riche terreau académique, un savoir-faire entrepreneurial et un espace rural propice à la production. Ces conditions permettent aujourd’hui l’engagement d’un leader mondial de la chimie aux côté d’une start-up et des laboratoires de recherche lorrains.
Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine
Pat, qui a levé 9 millions d’euros lors de son introduction au marché libre en 2009, a récolté 7 millions d’euros en avril dernier lors de son introduction à Euronext. Les résultats des essais précliniques en cours devraient permettre de lever une cinquantaine de millions d’euros supplémentaires à moyen terme.
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