La cristallerie de Baccarat (790 salariés, en Meurthe-et-Moselle) a lancé, en 2001, un plan de formation visant à rompre avec le cloisonnement historique entre les verriers du « chaud », affectés aux fours, et les salariés du «froid », travaillant à la taille, à la gravure et à la dorure.
Dans la cristallerie bicentenaire où cohabitent quelque 50 métiers, la direction des ressources humaines ne répertorie pas moins de 250 savoir-faire soigneusement codifiés. Ainsi, la fabrication d’un « verre à calotte » mobilise un « cueilleur de pied », un « carreur » qui prépare la partie creuse du verre, un « poseur de pied » et, enfin, un « poseur de jambe », également dénommé « chef de place », qui maîtrise l’ensemble des compétences techniques.
La cristallerie a instauré, en 1997, des troncs communs visant au développement de la polyvalence parmi les salariés du froid, puis s’est lancée, en 2001, dans le développement d’une polyvalence globale entre les salariés du chaud et ceux du froid.
L’initiative découle des pics de production qui nous obligeaient à embaucher des intérimaires pour pallier le manque d’ouvrier au froid. Pour répondre en interne aux à-coups de la production, nous avons déterminé les effectifs maximaux de chaque corps de métiers, avant de proposer aux verriers des formations correspondant à des métiers du froid.
Guy Thirion, responsable de la formation à la manufacture
Améliorer la productivité
Le personnel de production, composé d’environ 300 verriers des ateliers chauds et d’autant d’ouvriers du froid, a accueilli avec une certaine réticence cette entorse à des traditions séculaires. Les 150 verriers sollicités ont, néanmoins, accepté de suivre des formations d’une durée de trois semaines à quatre mois – en dépit de l’échec de négociations entamées sur une qualification sectorielle.
Certains ouvriers peuvent espérer une valorisation sectorielle, en passant, par exemple, de la qualification 4 A en tant que carreur à la qualification 4 B dans un métier du froid. Mais la principale motivation consistait à améliorer la productivité de l’entreprise : traditionnellement contestataires, les cristalliers n’en sont pas moins très attachés à la réussite de l’entreprise.
Guy Thirion
Forte d’un savoir-faire quasi inégalé, Baccarat n’a pas recherché en externe des compétences qu’elle estime être seule à détenir. Du reste, aucune structure de formation n’aurait pu accueillir 150 stagiaires sur des installations très spécifiques. L’entreprise a donc lancé par ses propres moyens un plan de 120 000 heures de formation sur deux ans, pour un coût de 2,16 millions d’euros. Une fois mené à bien, le programme pourra bénéficier de subventions à hauteur de 30 % dans le cadre des conventions FNE et des Fonds sociaux pour l’emploi.
Un bilan mitigé
Mais, faute de pouvoir libérer facilement ses verriers, l’entreprise n’a, pour l’heure, atteint que 70 % de ses objectifs en matière de formation et 50 % de son programme d’adaptation, consistant en une mise en pratique encadrée des savoir-faire acquis. Les salariés tirent, par ailleurs, un bilan mitigé du regain de formation, qui a mobilisé, l’an dernier, 4,4 % de la masse salariale de la manufacture contre 2 % en 1997. L’annonce, en avril dernier, d’un plan de restructuration prévoyant 97 suppressions de poste a, par ailleurs, généré une vive amertume.
Loin de conforter l’emploi, la formation à la polyvalence a permis de limiter les recrutements, puis de compresser les effectifs.
un syndicaliste
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