Le flux de salariés lorrains travaillant au Luxembourg ne cesse de progresser, plaçant le bassin de Longwy au rang de première région française en proportion de travailleurs frontaliers. Mais selon Aurélien Biscaut, directeur de l’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine nord (Agape), l’absence de gouvernance transfrontalière risque d’assécher les ressources humaines de la Grande Région.
L’Insée place le bassin de Longwy au premier rang des zones françaises concernées par le travail transfrontalier, avec 43 % d’actifs travaillant au Luxembourg. Ce phénomène va-t-il se poursuivre ?
Oui. L’Agape prévoit depuis 20 ans la progression du travail frontalier et toutes nos perspectives se sont avérées. La crise de 2008 a ralenti le phénomène sans inverser la tendance et même la progression du chômage au Luxembourg, qui touche à présent 7 % de la population, ne freine pas le recours aux travailleurs frontaliers.
Cette évolution est-elle nécessairement favorable au nord de la Lorraine ?
Non. Le travail frontalier risque d’assécher encore davantage un territoire déjà exsangue. La question de la péréquation qui obligerait le Luxembourg à contribuer à l’aménagement des territoires limitrophes n’a absolument pas avancé. Les élus du nord-lorrain, estimant peut-être que leur territoire a été beaucoup aidé à l’époque du Pôle européen de développement, ne se mobilisent guère pour la revendiquer. La coopération transfrontalière reste famélique. Par exemple, le Luxembourg n’a apporté qu’un écot de 6 millions d’euros au contournement d’Audun-le-Tiche, à la frontière mosellane, alors qu’il s’apprête à consacrer 1,3 milliard d’euros à ses transports publics d’ici à 2020 !
Quelles sont à vos yeux les priorités en matière de coopération transfrontalière ?
Il est difficile de prioriser les questions de mobilité, de logement ou de formation. Tous ces thèmes doivent être traités de front. Le plus urgent est d’organiser une gouvernance à l’échelle de la Grande Région. L’espace transfrontalier a besoin d’une stratégie plus globale pour anticiper les grandes tendances. En Allemagne, la Sarre et la Rhénanie-Palatinat ont pris conscience qu’elles perdront respectivement 150 000 et 500 000 actifs au cours des 20 prochaines années et qu’elles auront un besoin impérieux de migrants et de travailleurs frontaliers. En Wallonie, la croissance démographique permettra tout juste de stabiliser le nombre d’actifs. Le Luxembourg prévoit pour sa part 150 000 emplois supplémentaires, mais risque fort de ne pas y parvenir. Le système de vases communicants a ses limites : certes, le nombre de travailleurs frontaliers lorrains augmentera encore. Mais qui viendra occuper les emplois lorrains ?
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