Le 29 janvier dernier, les salariés sont venus en masse manifester à Metz. Pour l’occasion, le maire de Gandrange a même déclaré sa commune « ville morte ».
Voici dix mois qu’Édouard Martin polit la plaque de marbre qu’il a achetée en prévision du retour de Nicolas Sarkozy à Gandrange. Le délégué CFDT du comité d’entreprise européen d’ArcelorMittal hésite entre la laisser vierge ou y faire graver les promesses oubliées. Au-delà des désillusions, ce syndicaliste sans illusion insiste sur le gâchis industriel que représente à ses yeux la restructuration d’ArcelorMittal à Gandrange.
En janvier 2008, la direction justifiait la fermeture de l’aciérie en l’accusant de tous les maux : l’outil était obsolète, inadapté, surdimensionné… On ne voulait surtout pas entendre nos objections sur les problèmes d’encadrement.
Édouard Martin
Or, au printemps dernier, l’équipe dirigeante de l’usine de Gandrange a changé. En septembre, l’aciérie a battu des records de productivité.
Vous imaginez les résultats qu’aurait réalisé le site si la direction avait validé notre contre-projet, qui préconisait simplement d’injecter 50 millions d’euros dans l’aciérie pour la remettre à flot ?
Édouard Martin
Le 29 janvier dernier, à Metz, la bannière d’ArcelorMittal Gandrange figurait en bonne place dans l’imposant cortège de la CGT.
C’est au mois de mai que s’est déroulé le vrai temps fort de la mobilisation.
Jacky Mascelli, délégué CGT de l'usine
Durant treize jours, le syndicat a conduit seul une grève visant à améliorer les conditions de reclassement des salariés licenciés, des retraités et des intérimaires. Le conflit a permis des avancées, notamment sur la notion d’offres valables d’emploi. Ce thème prend une acuité toute particulière alors que la crise freine le reclassement des salariés vers les sites ArcelorMittal de Florange et du Luxembourg. Seules 43 mutations ont été entérinées, alors même que la fermeture de l’aciérie supprimera 373 emplois dès avril prochain.
Aujourd’hui, la mobilisation collective est retombée. Nous intervenons essentiellement sur des questions individuelles liées au processus de reclassement en interne.
Jacky Mascelli
Plus aucune assurance
Cédric Lauer s’estime heureux.
Une mutation au Luxembourg ne me tentait pas du tout. L’offre d’emploi que l’on me propose à Gandrange même me paraît valable.
un employé au train à billettes, qui fermera en fin d'année
Le jeune homme attend sa mutation au laminoir à couronnes et à barres (LCB), ultime installation du site, qui doit procéder à une centaine de recrutements pour maintenir ses effectifs à 320 salariés. Certains de ses collègues ont moins de chance : à deux mois de la fermeture de l’aciérie, ils ne connaissent toujours pas leur nouvelle affectation.
Depuis l’annonce des suppressions de postes à Gandrange, la direction de Florange donne l’impression de faire le tri, privilégiant les titulaires du bac ou du BTS par rapport aux ouvriers expérimentés mais sans diplôme. Aujourd’hui, les salariés de Gandrange ont d’autant moins de certitudes que l’un des deux hauts-fourneaux de Florange est à l’arrêt. Personne ne sait quand il redémarrera. Et le plan de départs volontaires de 1.400 salariés sur l’ensemble du groupe n’a rien de rassurant.
poursuit le jeune sidérurgiste.
Hôtel de ville fermé, commerces en berne… Le 29 janvier, Gandrange s’est proclamée ville morte, le maire et ses administrés ayant choisi de défiler à Metz derrière une banderole « Mittal Gandrange, le compte n’y est pas ».
La commune de 2.500 habitants tire 1,8 million d’euros, soit 90 % de sa taxe professionnelle et 75 % de ses ressources, du site d’ArcelorMittal. Les habitants du village représentent 110 des 575 emplois supprimés sur le site d’ArcelorMittal — sans compter les emplois de sous-traitance perdus, que nul ne parvient à chiffrer.Les promesses d’avril dernier laissaient espérer des compensations. Mais les élus ont déchanté au vu du plan de revitalisation présenté mi-janvier.
Non seulement le document va à l’encontre des engagements antérieurs, mais il ne considère plus Gandrange que comme “l’une des onze villes qui bénéficieront d’une attention toute particulière”. En somme, nous n’avons plus aucune assurance
Henri Octave, maire de Gandrange depuis mars dernier
En désespoir de cause, la commune mise sur la commercialisation des 3 derniers hectares de sa ZAC. À 9 euros le mètre carré, les parcelles devraient trouver preneur.
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