Coordinatrice générale et responsable programmation du cercle Cité, haut lieu culturel luxembourgeois, Anouk Wies a organisé fin novembre la quatorzième édition du Prix d’art Robert Schuman. Le messin Thibaud Schneider a remporté le 22 novembre 2019 ce trophée d’art contemporain qui récompense tous les deux ans un artiste de l’espace transfrontalier QuattroPole.
Diplômée de l’université de Québec, de Paris IV Sorbonne et de l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art, Anouk Wies met depuis 10 ans son expérience nationale et internationale au service du nouvel ensemble culturel Cercle Cité.
Comment la quatorzième édition du Prix d’art Robert Schuman s’est-elle déroulée ?
La ville de Luxembourg organisait la manifestation pour la première fois depuis les grands travaux qui ont reconfiguré le cercle Cité et la villa Vauban en 2011. 2019 a constitué une bonne édition. Le jury constitué de huit membres – répartis en quatre binômes émanant de Metz, Luxembourg, Trèves et Sarrebruck – a visité l’exposition la veille du vernissage. Le Prix d’art Robert Schuman n’impose ni limite d’âge, ni média artistique. Cette grande ouverture ne facilite pas le choix du jury, qui a dû choisir entre 45 œuvres très différentes, majoritairement créées pour l’occasion et réalisées par des artistes qui, pour certains, ont 30 ans d’expérience tandis que d’autres sortent de l’école. La comparaison n’était pas facile. Le choix du messin Thibaut Schneider et les mentions spéciales accordées à Anaïs Marion (Metz) et à Aline Bouvy (Luxembourg) témoignent de la volonté d’encourager la jeune création.
Que représente le Prix pour les artistes ?
Outre le prix de 5.000 euros pour le lauréat et de 2.500 euros pour les deux autres nominés, le Prix d’art Robert Schuman offre plus de visibilité aux artistes des quatre villes, dont certains feront de grandes carrières. Par le passé, plusieurs lauréats ont ensuite exposé leurs œuvres à la Biennale de Venise ou aux rencontres d’Arles.
Le Prix montre la richesse de la création dans la Grande Région à des publics aussi larges que possibles. A la Villa Vauban et au Cercle Cité, les œuvres sont bien mises en avant. Le vernissage lui-même a donné lieu à 300 inscriptions émanant du public luxembourgeois et étranger, mais aussi de galeristes ou d’autres artistes qui viennent pour découvrir et pour se comparer. En ce sens, le prix correspond pleinement au projet de Quattropole de rapprocher les quatre villes.
La dimension transfrontalière du prix constitue-elle une plus-value ?
Elle génère des difficultés. Il est difficile de construire une continuité et une identité pour une manifestation qui se déroule tous les deux ans et dont les villes d’accueil changent d’une édition à l’autre. Au Luxembourg, nous avons une entité qui suit le projet à la villa Vauban, mais ce n’est pas toujours le cas ailleurs.
Le Prix met en évidence les différences culturelles entre la France et l’Allemagne et la position particulière du Luxembourg entre les deux. Les quatre curateurs, qui représentent chacun une ville de Quattropole, ne parlent pas toujours la langue de l’autre. On parvient toujours à se comprendre en parlant anglais ou en faisant appel à un traducteur. On s’aperçoit alors que l’on est proche, mais que le background, les réseaux, les systèmes éducatifs sont différents.
Les propositions artistiques elles-mêmes sont différentes et complémentaires. Au sein même de l’exposition, nous nous sommes bien gardés de présenter les œuvres en fonction des villes d’origines des artistes. Pour que l’exposition fasse sens, il ne fallait surtout pas juxtaposer les pays. Ce qui compte dans le Prix d’art Robert Schuman, c’est l’art.
Comment souhaitez-vous voir évoluer le Prix ?
Il serait peut-être intéressant de qu’un service centralise ce projet et que les politiques s’y impliquent davantage. Le Prix constitue une belle carte de visite pour Quattropole et pour la Grande Région. Il a pris de l’envergure au fil des ans et représente l’un des seuls événements grand public d’art contemporain. Il est porté par quatre villes qui cofinancent les 10.000 euros de dotation à parts égales, mais ne contribuent pas à la même hauteur à l’organisation du prix. Or, la manifestation et l’exposition très qualitative qui s’en suit (*) demandent beaucoup de travail. Les politiques se disent très fiers du Prix d’art Robert Schuman, mais leur implication n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur de l’événement.
Propos recueillis par Pascale Braun
(*) Du 22 novembre 2019 au 19 janvier 2020 au Cercle Cité (entrée principale Place d’Armes) et à la Villa Vauban, 18 avenue Emile Reuter à Luxembourg-ville. Entrée libre.
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