Ex-PDG de la Société nationale immobilière (SNI), devenue CDC habitat en janvier dernier, André Yché préside le directoire de cette filiale foncière de la Caisse des dépôts, qui constitue le premier bailleur de France avec 191 029 logements sociaux, 86 387 logements intermédiaires et 76 912 logements “très sociaux” et 70 913 logements des sociétés immobilières d’outre-mer (Sidom). André Yché réaffirme le rôle de CDC Habitat dans la restructuration du secteur HLM.
Vous achevez aujourd’hui à Metz un tour de France commencé en juillet dernier. Qui avez-vous rencontré ?
Je suis allé à la rencontre de nos personnels de CDC Habitat pour leur présenter la réorganisation en cours. Nos treize Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) vont fusionner en une seule. Nous allons créer six directions interrégionales autour de nos deux pôles d’activités, le logement intermédiaire et le logement social. Nos agences seront maintenues pour conserver le lien avec les acteurs locaux et nos locataires sur le terrain. J’ai également rencontré un grand nombre d’élus et de représentants d’organismes de logements sociaux qui se posent des questions quant à leur capacité à réaliser leur plan de charge et à produire du logement à l’avenir, notamment suite aux réformes sur les APL et la loi Elan. J’ai pu les rassurer en leur expliquant que la Banque des territoires et CDC Habitat seraient à leurs côtés.
Comment pouvez-vous les en assurer ?
La CDC nous a octroyé des moyens supplémentaires pour optimiser leurs fonds propres et neutraliser les effets de la loi Elan. Cela nous permettra de conserver un potentiel d’investissement de 6 000 logements sociaux, de 7 000 à 8 000 logements intermédiaires, dont 3 000 logements dans des programmes centrés sur l’Ile-de-France, et de 4 500 unités d’habitation Adoma, soit 22 000 unités par an en incluant nos activités dans les Hauts-de-France et Outre-mer. Nous disposons d’un budget de 22 Md€ sur dix ans en fonds propres et nos autorisations d’endettement portent notre capacité d’investissement de 2,3 à 3,7 Md€ par an.
Quelles autres incidences la loi Elan induit-elle dans votre activité ?
La CDC devra jouer un nouveau rôle et contribuer à la restructuration du secteur, à la fois pour assurer les regroupements d’organismes et pour intervenir dans la production et la réhabilitation de logements sociaux. Nous sommes désormais en mesure de signer des baux de réhabilitation qui nous permettent de financer les travaux en récupérant ensuite une partie des loyers pendant 15 ou 20 ans. Les bailleurs peuvent ainsi lancer des programmes de travaux en investissant sous leur propre marque tout en diminuant leur contribution directe en fonds propres. En matière de constructions neuves, nous nous engageons à financer la production de 6 000 logements sociaux par an, dont 4 000 en notre nom, CDC Habitat, et 2 000 autres qui seront gérés par d’autres bailleurs sur leur territoire.
Nous lançons, par ailleurs, en décembre la deuxième génération de Fonds de logement intermédiaire. Le premier FLI, doté de 1,1 Md€, a rempli son objectif de produire 12 000 logements. Son successeur mobilisera 1,2 Md€ de fonds propres, soit 2 Md€ en tenant compte des capacités d’endettement. Il permettra de financer des résidences destinées à un public spécifique, dont les juniors et les personnes âgées, ainsi que du logement dit abordable.
La Commission européenne a validé début novembre l’acquisition par Swiss Life Asset Managers, et Ampère Gestion, filiale de la CDC Habitat, du portefeuille Vesta auprès de la SNCF, soit 4 000 logements. Cette transaction marque-t-elle le retour des investisseurs sur le logement ?
Certainement. Lors de cette transaction, toute la place européenne était présente. Nous avons proposé une offre acceptable. Nous jouissons d’une bonne réputation dans la gestion du logement intermédiaire. Nous disposons par ailleurs de beaucoup de liquidités et n’avons pas de difficulté à lever un milliard d’euros en fonds propres. Dans le domaine des résidences intermédiaires, la démographie de la France permet de présager d’une bonne rentabilité à 10 ou 20 ans, sans compter les perspectives de revente à terme. Les investisseurs ont retrouvé le chemin des actifs résidentiels. Leur présence permet de financer non seulement le logement intermédiaire, et sans doute bientôt des logements sociaux.
Quelles sont aujourd’hui vos priorités en matière d’habitat très social ?
Nos résidences Adoma permettent de répondre à des urgences permanentes – notamment à celles des personnes sans domicile et à la vague de migrants qui n’est pas achevée. Nous continuons d’investir à un rythme soutenu, notamment à Grande-Synthe, près de Calais. Ampère Gestion a procédé à la première opération d’investissement socialement responsable (ISR) en levant 100 M€ pour racheter 60 hôtels de type Formule 1 à Accord. Cette opération a permis à l’Etat de réduire de moitié les tarifs de nuitées pour 7 500 nouvelles places d’accueil. Il reste 60 M€ de capacité d’investissement que nous allons investir dans des constructions vacantes à reconvertir.
La situation de l’habitat à Marseille fait-elle partie de vos priorités ?
Le drame de Marseille renvoie à la question des copropriétés dégradées. Nous avons annoncé le 10 octobre dernier au congrès HLM, qui s’est tenu à Marseille, la mise en place d’une nouvelle filiale qui entrera en activité en décembre 2018. Elle investira 100 M€ de fonds propres et mobilisera 1,5 Md€ de subventions pour racheter quelques copropriétés extrêmement dégradées en Ile-de-France, en Paca, en Languedoc-Roussillon et dans l’Est de la France. Mais Marseille présente des immeubles diffus de mauvaise qualité. Nous n’intervenons pas sur ce créneau. Il faudra attendre de voir ce que compte faire Marseille Habitat, qui se trouve en première ligne.
Quelles expérimentations CDC Habitat conduit-elle actuellement ?
Nous travaillons sur l’architecture de la transformation, qui permet de faire évoluer l’usage des bâtiments au fil du temps. Une première expérimentation est en cours à Bordeaux, avec la construction de bâtiments de deux niveaux adaptés à la fois au logement et à une activité commerciale, avec une possibilité de réversibilité des logements et des parkings. L’architecture de la transformation correspond à la nécessité de ne pas trop présager de l’avenir. Un bailleur peut également se réserver la possibilité de transformer un T5 en un T2 et T3, et passer d’un logement social de grande taille à des logements plus petits, selon l’évolution des compostions familiales. A mon sens, la fluidité, la mobilité et la réversibilité sont l’avenir de la construction.
Je suis également convaincu de l’intérêt de développer des bouquets de services au sein de l’habitat social. Nous comptons une cinquantaine de points d’expérimentation d’un dispositif “Axel, vos services pour l’emploi”, où des services de formation comme l’Afpa, et bientôt Pôle emploi, tiennent des permanences au cœur des quartiers où se situent nos résidences. Nous réfléchissons également à un nouveau modèle de financement du logement social. A ce titre, le démembrement de propriété des logements HLM me paraît constituer une piste d’avenir pour soutenir la construction. La loi Elan permet cette pratique pour le neuf : nous portons la nue-propriété des logements pendant 15 à 20 ans en laissant l’usufruit aux bailleurs intéressés. A terme, je suis disposé à expérimenter le démembrement dans l’ancien.
Propos recueillis par Pascale Braun
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