La succession du « maire-pharaon » Jean Kiffer, à l’origine d’un énorme centre thermal, aiguise les appétits.
Décédé le 11 août après quarante-six ans de règne, le « maire-pharaon » d’Amnéville (10 000 hab., Moselle), Jean Kiffer, laisse une commune exceptionnellement riche. Cinq candidats, dont quatre anciens colistiers du maire, s’affrontent le 16 octobre lors du premier tour des élections municipales. Depuis 2008, le conseil municipal était l’émanation d’une seule liste. Jean Kiffer, à l’origine d’un complexe thermal et touristique unique dans le grand Est de la France, avait figé la vie politique locale.
Commune-entreprise
Le patrimoine municipal représente la bagatelle de quelque 400 millions d’euros et l’ancienne commune sidérurgique s’est muée en eldorado régional grâce aux 2 500 emplois directs et indirects du centre touristique et thermal. Cinq listes, dont quatre conduites par des « kifferistes » proclamés ou dissidents, se disputent aujourd’hui la tête de la « commune-entreprise » dont Jean Kiffer avait posé le principe. Une partie de la famille du maire milite pour le nouveau président du pôle thermal, soutenu par une majorité du conseil municipal. Maire par intérim, l’ex-première adjointe se pose en héritière, tandis que les ex-dauphins déchus remontent au créneau. Seule à ne comporter aucun ancien de l’équipe Kiffer, une liste de gauche compte créer la surprise dans une commune où l’anticommunisme fut longtemps érigé en valeur capitale.
Dans la « principauté de Stalheim », surnom dont Jean Kiffer avait affublé sa commune au terme d’un cheminement qui l’a mené vers la « droite dure », les clivages politiques occupent peu de place dans la campagne électorale, pourtant virulente. Aucun projet n’émerge afin de définir une nouvelle stratégie pour le centre touristique et thermal. Partant pour un mandat de trois ans, les candidats entendent bien maintenir le levier financier que constitue le patrimoine. Tous assurent en revanche vouloir rompre avec les « méthodes Kiffer » – sanctionnées par d’innombrables péripéties judiciaires -, ramener la paix sociale au sein de services municipaux éprouvés et replacer les habitants au coeur des préoccupations municipales.
Bien plus qu’un pôle thermal
Sixième pôle thermal de France, Amnéville-les-thermes s’est successivement enrichi d’une patinoire, de deux centres thermoludiques, d’une piste de ski, d’une piscine olympique et d’une salle de spectacles de 12 000 places qui accueille des artistes de notoriété mondiale.
« Le fruit d’une stratégie de rupture avec le passé industriel »
Jean Kiffer a été le premier à comprendre le potentiel d’une clientèle captive partant rarement en vacances. Le parc des Schtroumpfs, à proximité d’Amnéville, a contribué au rayonnement du site en l’inscrivant dans un réseau commercial. En dépit de relations du type je t’aime, moi non plus, le conseil général de la Moselle a largement contribué à l’aménagement du parc thermal et touristique. A la même époque, l’ancienne ville de garnison de Bitche et les communes du bassin charbonnier de l’Est mosellan ont respectivement misé sur la citadelle militaire et sur le musée de la mine de Petite-Rosselle pour leur reconversion. Ces deux équipements s’inscrivent dans une continuité historique et culturelle. Jean Kiffer, lui, a inscrit son projet dans une rupture complète avec le passé industriel. D’autres maires également visionnaires ont porté leurs projets d’une façon plus ronde, qui a donné moins de résultats. Il n’est pas facile de passer derrière un tel homme. Il est normal que les candidats souhaitent réinvestir la ville, mais il faudra veiller à ce que ne s’instaure pas un déséquilibre entre la partie publique et la partie privée des équipements.
Philippe Caparros, directeur associé de Kanopée consultants, spécialisé en tourisme et en loisirs
--Télécharger l'article en PDF --