Les engagements financiers du Pacte Lorraine sont respectés, mais les objectifs de création d’emplois ne sont pas atteints.
Les promesses ne déçoivent que ceux qui s’en souviennent. Or, l’époque où Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, annonçait son intention de faire de la Lorraine « un territoire pilote, exemplaire d’un modèle de développement industriel et social durable » paraît déjà lointaine. Signé en septembre 2013 dans la foulée de la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, le Pacte lorraine devait repositionner l’économie régionale sur les industries d’avenir. Arrivé à mi-parcours, il affiche un bilan en demi-teinte. Les engagements financiers d’un montant de 300 millions d’euros apportés à parts égales par l’Etat et la Région pour la période 2014/2016 sont globalement respectés. Le dispositif a permis de faire émerger la notion de Vallée européenne de l’énergie et des matériaux (Veme), d’identifier cinq filières d’excellence et d’accompagner des dispositifs innovants en matière d’attractivité des territoires. Les 93 millions d’euros débloqués – dont 50 par la Région et 43 par l’Etat – ont permis de soutenir 167 projets et de créer deux nouveaux outils financiers.
Le Pacte vise avant tout un impact psychologique. Il doit faire s’exprimer des forces diverses et associer un maximum d’acteurs à un projet de reconquête industrielle. Ce process valorise une nouvelle identité économique régionale.
Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine
Mais le dispositif copiloté par la Région et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) de Lorraine a connu des retards au démarrage et constitue un dispositif lourd. Chaque dossier par traité par le secrétariat permanent tripartite Etat-Région-CESE suit un parcours en sept étapes mobilisant une demi-douzaine d’interlocuteurs avant d’obtenir une décision, qui intervient dans un délai compris entre six semaines et six mois.
Cette lenteur se double d’un grand flou. « L’effet levier » qui devait générer 1,5 milliard d’euros d’investissements privés plafonne à 400 millions sans qu’il soit possible de faire la part des investissements pour lesquels le Pacte aurait joué un rôle décisif. Sur le plan de l’emploi, les 2 136 emplois « créés ou sauvegardés » restent bien loin de l’objectif de 16 000 créations d’emploi crânement avancé par l’Etat en 2013.
Le projet de dotation du contrat de plan Etat-Région 2015-2020, en recul de 34 % par rapport au précédent, alimente par ailleurs des polémiques récurrentes sur l’attitude de l’Etat qui reprendrait d’une main ce qu’il a accordé de l’autre. Le conseil régional affirme que les deux sujets sont sans rapport, les CPER n’intervenant plus dans le soutien à l’économie régionale. Enfin, le Pacte Lorraine risque de se dissoudre dès l’an prochain dans la future grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne (Alca). Jean-Pierre Masseret assure que les crédits resteront dédiés aux projets lorrains – sauf s’ils ne sont pas intégralement consommés d’ici à 2016. Une perspective à ne pas exclure.
Avis d’expert
« Il faut trouver des formes de réciprocité entre la nation et les territoires »
Le terme de pacte est devenu très à la mode, car il ajoute de la solennité au mot contrat qui s’est peu à peu démonétisé au fil des ans. On peut y voir une dimension morale et affective, mais dans la pratique, le pacte ne se différencie pas vraiment d’un contrat et présente une faible valeur juridique et politique. Il existe cependant quelques exceptions. Par exemple, le Pacte électrique breton signé en 2010 est allé plus loin : multipartenarial, il a engagé la région à sécuriser son approvisionnement, à économiser l’énergie et à développer des énergies alternatives. Pour sortir de la logique de guichet dans laquelle l’Etat accepte de financer un projet porté par une collectivité il faut trouver des formes de réciprocité entre la nation et les territoires. Ces derniers doivent sortir de la logique localiste et démontrer que leur initiative revêt un intérêt national.
Philippe Estebe, directeur de l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires en Europe
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