Deuxième plus grande zone commerciale de France, l’Actisud de Metz s’apprête à faire peau neuve. Sous l’impulsion de la foncière Etixia, les enseignes, les commerçants, les salariés et les communes réfléchissent aux transformations qui permettraient au site de mieux répondre aux attentes de demain.
Vue du ciel, l’Actisud, qui occupe 260 hectares répartis entre Augny, Moulins-les-Metz et Jouy-aux-Arches, au sud de Metz, apparaît comme une enclave grise, striée de routes et bretelles d’autoroute et parsemée de cubes de bétons posés sur des parkings. Propriétaire de la zone des Gravières, qui occupe un tiers de l’Actisud au droit du plateau de Frescaty, la foncière Etixia entend gommer cette image et introduire progressivement mobilités douces, espaces verts et services dans un site érigé voici un demi-siècle, au temps de la voiture reine.
Pour passer du gris au vert, il faut reconnecter le site aux coteaux de la Moselle, réduire le nombre de parkings et rendre la zone accessible autrement qu’en voiture. L’enjeu est de créer une zone attractive pour les nouvelles générations.
Philippe Balsenq, responsable de programmes chez Etixia et président de l’association des commerçants d’Actisud
La foncière détient plus de la moitié du bâti de la zone des Gravières, qui regroupe une trentaine d’enseignes de prêt-à-porter, d’équipement de la maison et de restauration autour de Kiabi. Ce secteur a servi de cadre au premier Plan de déplacement inter-entreprises (PDIE) de France à l’échelle d’une zone commerciale.
Interstices
Conduite sur 270 salariés employés par 16 enseignes, l’étude a mis en exergue l’écrasante prépondérance de la voiture, utilisée par 82 % des personnes interrogées pour se rendre au travail. Les habitudes semblent bien ancrées, puisque la quasi-totalité d’entre elles se disent satisfaites de ce mode de transport et n’entendent pas en changer. Quelques interstices ouvrent néanmoins la voie à des déplacements alternatifs : 3 % d’entre eux pratiquent le covoiturage, 11 % d’entre eux utilisent occasionnellement le bus et 2 % viennent travailler en vélo. Environ 60 % des salariés résident dans une commune de Metz Métropole et effectuent un trajet de moins de 20 minutes pour se rendre au travail. Or, 17 % d’entre eux habitent à moins d’un quart d’heure en vélo de leur lieu de travail et 37 % d’entre eux, à proximité des lignes de bus 1 et 2 qui desservent la zone.
Cheminements sécurisés
Transposable à l’ensemble de l’Actisud, cet échantillonnage laisse supposer qu’un meilleur cadencement des transports en communs, qui ne desservent aujourd’hui que partiellement la zone, offrirait une alternative aux automobilistes. De même, la création de pistes cyclables, pour l’heure quasi inexistantes, faciliterait un accès aujourd’hui périlleux pour les vélos. Le projet de deuxième ligne de transport en commun en site propre, qui desservira le plateau de Frescaty jouxtant la zone, améliorera certainement la desserte. Approuvées en septembre 2020, les orientations d’aménagement et de programmation de la commune d’Augny, établies en concertation avec Moulins-les-Metz, prévoient la création de liaisons douces bien balisées reliant les enseignes de Gravières par des cheminements sécurisés.
Employés oubliés
Les nouveaux axes de circulation ne suffiront pas à eux seuls à inciter les 5.000 salariés du site à renoncer à la voiture.
Si l’on considérait Actisud comme une seule et même entreprise de 5.000 salariés, ces derniers bénéficieraient certainement d’une crèche et de services à proximité. Mais les employés des enseignes sont souvent les grands oubliés des zones commerciales, alors même qu’ils en sont à la fois usagers et clients.
Philippe Balsenq
Etixia, qui engage un investissement de 30 millions d’euros sur la zone des Gravières d’ici à 2023, compte remédier à ces lacunes. Au printemps ou au plus tard, à la rentrée 2021, une crèche interentreprises ouvrira dix berceaux aux personnels des enseignes d’Actisud.
La foncière a engagé en 2020 des travaux de démolition et de rénovation. Elle prévoit à présent l’implantation d’un pôle de restauration, puis, d’un ensemble de services qui faciliteront le quotidien des salariés de la zone. Parmi les projets actés figurent la création d’un espace de coworking qui permettra notamment aux directeurs régionaux des enseignes, fournisseurs et autres voyageurs de commerce de travailler plus confortablement. Dans un deuxième temps, une plateforme multimodale constituera l’épicentre des navettes et des services de covoiturage. Les réflexions s’appuient sur des ateliers « Identité du projet des Gravières », qui ont déjà réuni une trentaine de participants – directeurs d’enseignes, commerçants, salariés, clients et non-clients de la zone – pour réinventer un commerce durable et pérenne. L’épidémie de covid a certes retardé et compliqué ces projets, mais ne les a pas pour autant remis en question.
Réapprendre à flâner
La conquête de nouveaux espaces sans extension de la zone passera par la réduction des places de parkings.
Un salarié occupe durant toute la journée une place de parking qui aurait pu être utilisée par une dizaine de clients.
Philippe Balsenq
La popularisation du click & collect offrira peut-être à l’avenir de nouvelles possibilités de shopping où l’acheteur pourrait flâner à sa guise en transports en commun ou en vélo avant de prendre livraison de ses achats ou se les faire livrer. Ces nouveaux circuits devront être sécurisés, mais aussi esthétiques pour stimuler l’envie de se déplacer. Les premières études paysagères prévoient de reconnecter la zone aux verdoyants côteaux alentours. Il n’est plus question d’une monoculture de gazon, mais d’arbres, d’arbustes et d’herbacées qui recouvriraient jusqu’au souvenir du bitume.
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