Des travaux pratiques d’étudiants ont débouché sur une capsule révolutionnaire qui circule sans batterie ni moteur, sur de fins rails. Urbanloop veut rendre les déplacements urbains aussi faciles qu’un trajet en ascenseur à un tarif défiant toute concurrence.
La place Stanislas est piétonne depuis plus de quinze ans mais c’est un véhicule, couvert d’une bâche, qui y trônait le 1er juillet dernier, sur un podium. Un petit millier de curieux est venu découvrir l’étrange capsule qui fait déjà la fierté de Nancy. Hélène Boulanger, nouvelle présidente de l’Université de Lorraine, Valérie Debord, vice-présidente de la région Grand Est, Mathieu Klein, maire de Nancy et président de la métropole, se succèdent à la tribune pour saluer la pugnacité, l’intuition et le courage qu’il a fallu à Jean-Philippe Mangeot, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure d’électricité et mécanique (Ensem) et à ses élèves ingénieurs pour mettre au point Urbanloop . Ce véhicule futuriste doit rendre les déplacements urbains simples comme un trajet en ascenseur.
L’aventure a commencé en septembre 2017 sur le campus nancéien de l’Ensem. Jean-Philippe Mangeot propose alors à ses étudiants un TP mi-ludique, mi-pédagogique sur le thème : « Imaginez qu’il n’existe ni voiture, ni bateau, ni avion. Réinventez un nouveau mode de transport en commun en partant des besoins contemporains. »
Métro privatif
Séduit, tout l’amphi phosphore sur un véhicule rapide, fiable, sûr, économique et écologique. Les étudiants se prennent à rêver d’un métro privatif qui attendrait l’usager en bas de chez lui pour l’emmener, à sa demande, vers un autre point du réseau. Les élèves ingénieurs ne le savent pas encore, mais les progrès de la motorisation électrique, couplés à l’intelligence artificielle, vont leur permettre de concrétiser cette utopie.
La mobilité électrique entraîne un changement de paradigme. Là où il fallait une grosse motorisation pour tracter un train, un tram ou un bus, les petits moteurs électriques permettent de fractionner le flux sans coûter plus cher.
Jean-Philippe Mangeot
Le système Urbanloop se composera donc de petites capsules stationnées dans des stations disséminées au long d’une boucle. L’ intelligence artificielle permettra de répartir les véhicules dans les stations en fonction des besoins calculés selon le jour, l’heure, la météo et l’historique des moyennes.
En 2018, Urbanloop n’est pas encore sorti de son cadre universitaire, mais il intéresse déjà les médias. Trois autres grandes écoles nancéiennes, les Mines, Télécom Nancy et l’Ecole nationale supérieure de géologie (ENSG), s’activent autour du projet. Le Conseil régional du Grand Est débloque 500.000 euros pour poursuivre les recherches. Et les étudiants passent de la maquette au circuit d’essai – 1,5 kilomètre aménagé à Tomblaine, dans la banlieue de Nancy.
Les industriels se pressent autour des rails pour voir circuler les capsules. Elles sont étroites – un mètre de largeur – pour limiter l’encombrement en ville et basses – 1,60 m de hauteur – pour réduire la taille des trémies empruntées pour les passages souterrains. Mais elles sont suffisamment longues pour loger confortablement deux adultes, un adulte et une poussette, une personne à mobilité réduite et son accompagnateur ou encore un cycliste et son vélo.
Record du monde
« C’est à partir des essais de Tomblaine que nous avons réalisé que le système fonctionnait et que nous avions réellement créé un nouveau moyen de transport.
Jean-Philippe Mangeot, aujourd'hui président de la SA Urbanloop
La suite ? L’entreprise a breveté l’invention et levé 2 millions d’euros. Le projet a obtenu sa première consécration en mai 2021, lorsque Jean-Baptiste Djebbari, alors ministre des Transports, s’est déplacé à Tomblaine pour homologuer un record mondial. Capable d’effectuer 100 kilomètres à une vitesse de 52 km/heure pour un coût de 47 centimes, soit 0,47 centime au kilomètre, Urbanloop est le véhicule autonome le plus économique du monde.
Dépourvue de batterie et de moteur, la capsule en fibre de verre ne nécessite aucun matériau rare ; le circuit électronique intégré dans ses roues est à l’abri des intempéries. La flottille peut circuler 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sans mobiliser de personnel.
Le système a été retenu pour équiper le site olympique de Saint-Quentin-en-Yvelines lors des JO de 2024. Le Grand Nancy l’a intégré dans son plan métropolitain des mobilités. Dès 2026, une armada d’Urbanloop sillonnera la métropole sur une boucle de 3 kilomètres, entre Tomblaine et la future cité judiciaire, pour un coût évalué entre 10 et 20 millions d’euros. Une dizaine de villes sont intéressées.
Urbanloop en chiffres
Date de création de la société : 2019
Record homologué : 52 km/heure en mai 2021
Coût au km : 0,47 centime
Mise en circulation : prévue aux JO de 2024
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