Le nouveau centre commercial s’est paré d’une touche « arty » pour souligner sa proximité avec le musée d’art contemporain Pompidou-Metz. Gage du développement de l’agglomération, Muse concentre habitat et nouvelles activités dans le quartier émergent de l’Amphithéâtre.
Le 21 novembre 2017, Metz Métropole a inauguré en grande pompe une pièce majeure de son nouveau centre-ville. Construit en face du musée d’art contemporain Pompidou-Metz, le centre commercial Muse, qui regroupe 112 boutiques, doit répondre aux besoins des riverains du nouveau quartier de l’Amphithéâtre, mais aussi renforcer l’attractivité de l’agglomération tout entière. Promue au 1er janvier 2018 au rang de métropole, l’intercommunalité a ancré un pôle tertiaire sur le versant sud de la gare et mise sur Muse pour renforcer son attractivité. Le premier semestre de fonctionnement parait de bon augure : maître d’ouvrage de ce projet de grande envergure, Apsys affirme avoir accueilli un million de visiteurs en provenance de la métropole, mais aussi de Meurthe-et-Moselle, de Champagne-Ardenne, de Sarre et du Luxembourg dès les deux premiers mois.
L’ouverture, fin avril, de l’enseigne Primark, dont l’implantation la plus proche se trouvait jusqu’alors à Sarrebruck, a suscité une ruée du public, sans qu’il soit possible de faire la part de l’effet de curiosité. Apsys dispose de chiffrages précis qu’il ne communique pas, mais affiche sa confiance.
Muse représente un centre commercial digne de notre nouvelle métropole, avec une architecture remarquable, une touche arty différenciante et un potentiel remarquable dans un quartier en devenir qui est loin d’avoir achevé son éclosion.
Bernard Seguin, directeur de Muse
Le nouveau complexe commercial s’insère dans un environnement dense. Pendant contemporain de la gare historique en voie de classement à l’Unesco, l’entrée sud de la gare achève sa reconfiguration dans la perspective de l’ouverture, à la rentrée 2018, d’un centre des congrès de 15 300 mètres carrés édifié par le major local Demathieu Bard. Le centre commercial jouxte le musée d’art contemporain Pompidou-Metz, inauguré en 2010, et desservira en priorité les 6 000 habitants arrivés ou attendus dans le quartier d’ici à la fin de l’année.
L’agglomération messine voit ainsi se concrétiser un projet porté dès le début des années 2000 par l’ancien maire Jean-Marie Rausch, battu en 2008, après 36 années de mandature. Son successeur, le maire socialiste Dominique Gros, a tout d’abord chargé son équipe de sortir de l’ornière le projet Pompidou-Metz, enlisé dans des difficultés techniques. Point d’ancrage du quartier de l’Amphithéâtre, implanté sur 38 hectares de friches ferroviaires, le musée a pris forme, accélérant dans la foulée l’émergence de Muse. Les grandes lignes tracées par Nicolas Michelin, urbaniste de la Zac de l’Amphithéâtre, ont été respectées et le principe de mixité urbaine s’est concrétisé sous une forme quelque peu simplifiée. Architecte coordinateur de Muse, Jean-Paul Viguier a réalisé un centre commercial de 46 000 mètres carrés avec parkings bâti sur deux niveaux, 5 200 mètres carrés de bureaux et 27 100 mètres carrés de logements. L’agence Jean-Paul Viguier & associés présente la réalisation messine dense, urbaine et verticale comme l’aboutissement de son concept de « Ville intense ».
Entré en chantier en mai 2015 sous maîtrise d’oeuvre de GTM Hallé, filiale du groupe Vinci Construction, Muse a longtemps constitué le plus gros projet immobilier de France hors Ile-de-France avec un investissement 324 millions d’euros, dont 214 millions d’euros pour les constructions à vocation non commerciale. Le centre comporte 360 logements dont 152 seront proposés par le groupement Aegide-Domytis dans le cadre de la plus grande résidence séniors de France. Apsys lui-même a livré en décembre 2017 47 logements haut de gamme conçus par Jean-Paul Viguier. Le promoteur messin Claude Rizzon prévoit 29 logements tandis que Batigère finalise une maison de santé et 49 logements sociaux.
Synergies et risques
Fin 2019, le designer Philippe Stark posera une cerise sur un gâteau déjà bien garni en édifiant le premier immeuble de grande hauteur de la ville – l’hôtel Stark, qui culminera à 40 mètres de hauteur et accueillera en son faîte une reproduction de la villa Salomon, petit chef-d’œuvre de l’architecture germanique construit en 1904 dans le quartier impérial de Metz. L’hôtel Stark mobilisera un investissement de 22,5 millions d’euros pour créer 119 chambres. Tout autour de Muse, les promoteurs Adim et Lazard programment près de 20 000 mètres carrés de bureaux. Metz Métropole a par ailleurs acté son implantation dans un nouvel immeuble au cœur du quartier de l’Amphithéâtre.
En recréant des activités diversifiées et complémentaires sur une ancienne friche, Muse s’inscrit dans l’esprit du retail contemporain et porte une partie de l’avenir de la ville.
Patricia Sallusti, adjointe au maire de Metz en charge du commerce
Au début de la décennie, l’annonce du projet a fait naître des inquiétudes quant à un risque de saturation du commerce messin. Ces interrogations se sont amplifiées lorsqu’en 2014, la Compagnie de Phalsbourg a ouvert le centre commercial Waves, qui propose 110 boutiques, soit 38 500 mètres carrés de surface de vente au sud de l’agglomération. Or, le nouveau venu semble s’être bien inséré dans le paysage. Des synergies se sont même développées entre Waves et le commerce du centre-ville historique, nombre d’enseignes étant présentes sur les deux sites. Muse pourrait aujourd’hui faire de l’ombre à Waves, mais l’association des propriétaires d’Actisud ne s’inquiète pas outre mesure de cette nouvelle concurrence, pointant surtout les difficultés de circulation sur la zone en périodes de pointe.
Le commerce messin court peut-être d’autres risques dépassant de loin le problème de la concurrence entre sites.
En 2008, les décisions ont été prises et assumées sur la base des connaissances que nous avions à l’époque. Or, nous n’avions pas les mêmes connaissances de l’évolution de l’e-commerce et ne pouvions pas prévoir ce que le Luxembourg allait faire.
Patricia Sallusti
Le commerce en ligne, dont le chiffre d’affaires a frôlé les 82 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de 14,3% par rapport à l’année précédente, inquiète l’ensemble des enseignes et des commerces de centre-ville français.
Concurrence luxembourgeoise
Le commerce messin pourrait de surcroît pâtir de l’expansion insolente de son voisin luxembourgeois et d’une propension à vivre sur ses acquis. Pour l’heure, la métropole lorraine l’emporte nettement sur les capitales voisines en termes d’attractivité. Selon une étude conduite par Metz Métropole en 2015, l’évasion commerciale en direction de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Belgique ne représente que 1,7 % des dépenses, soit 12 millions d’euros. A contrario, l’apport des ménages frontaliers aux commerces de Metz Métropole se monte à 87 millions d’euros, plus des trois quarts de cette manne provenant de la clientèle luxembourgeoise. Par ailleurs, les 90 000 Lorrains travaillant au Grand-Duché présentent un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne régionale – pour la plus grande satisfaction des commerçants messins.
Or, Xavier Bettel, actuel Premier ministre du Luxembourg et ex-maire de Luxembourg-ville, a clairement exprimé son intention de voir les travailleurs frontaliers consommer dans son pays. Le centre commercial de la Cloche d’Or, situé à trois kilomètres du centre-ville de Luxembourg, ouvrira fin 2018 deux étages de galeries proposant 75 000 mètres carrés de surfaces commerciales. Immochan et son associé local Promobe visent explicitement la clientèle transfrontalière sur une zone de chalandise de 2,7 millions d’habitants répartis entre le Luxembourg, le nord de la Lorraine, la Belgique et le sud de l’Allemagne. Revendiquant la mixité verticale et fonctionnelle, le projet présenté par Fabeck Architectes et Schemel & Wirtz Architectes Associés présente nombre de points communs avec Muse. Le centre intra-urbain associera logements et commerces sur une vingtaine de niveaux pour édifier un quartier neuf. L’investissement de 350 millions d’euros doit permettre à la Cloche d’Or de se placer parmi les centres commerciaux européens de référence.
Mise à niveau
Le centre-ville de Luxembourg compte également titiller son voisin messin. Les Galeries Lafayette y ouvriront fin 2019 un magasin de 9 000 mètres carrés sur six étages au cœur du projet urbain Royal-Hamilius. L’annonce n’est pas sans incidence sur les Galeries Lafayette de Metz, qui accueillent de nombreux acheteurs luxembourgeois en bordure du plateau piétonnier de Metz. Fierté de la ville, cet épicentre historique du commerce messin s’est refait une beauté en 2017, avec trois millions d’euros engagés par la Ville pour renouveler le revêtement de sols et l’éclairage urbain. Ce lifting s’est accompagné d’un effort de signalétique pour fluidifier les circulations entre le centre-ville historique et le quartier de l’Amphithéâtre.
Si bienvenue soit-elle, cette mise à niveau n’empêche pas les dents creuses : le plateau compte quatre grandes cellules vides, dont deux seulement sont en cours de négociation. A raison de 1 800 euros au mètre carré, les prix pratiqués expliquent sans doute cette déshérence.
Certains propriétaires et promoteurs ne semblent pas au fait des exigences des enseignes en matière de retour sur investissement.
Patricia Sallusti
Apsys reste discret quant aux loyers demandés aux commerçants de Muse, mais assure leur proposer des conditions plus avantageuses que sur le plateau piétonnier. Le nouveau centre commercial bénéficie également d’une bonne desserte tant par le train que par les transports en commun et d’un parc de stationnement bien dimensionné.
Le projet urbain est bien pensé. Avant l’ouverture, nous redoutions des problèmes d’accessibilité, mais les circulations s’effectuent normalement, en dehors des inévitables embouteillages en période de soldes.
Thierry Ghezzi, multifranchisé de l’enseigne de boulangerie Paul et président des Commerçants de Muse
Inédite dans les centres commerciaux gérés par Apsys, la toute jeune association entend devenir une force de proposition, notamment en matière de communication.
En la matière, la proximité immédiate du centre Pompidou Metz constitue un atout. Muse, qui revendique depuis sa genèse une inspiration « arty », a commandé quarte œuvres aux artistes Julio Le Parc, Lionel Estève, Chourouk Hriech et Romain Froquet. Dès février, des médiateurs du centre Pompidou-Metz sont allés à la rencontre des visiteurs de Muse pour leur annoncer le lancement des prochaines expositions. Le rapprochement pourrait se poursuivre par l’exposition, dans l’enceinte du centre commercial, d’œuvres de Pompidou-Metz. Muse conforterait ainsi sa vocation de point de jonction entre art, culture et commerce.
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