Affecté par les risques miniers, le village mosellan prévoyait d’édifier sur sa dernière parcelle constructible un quartier répondant à des critères environnementaux avant-gardistes. Faute de promoteurs, la municipalité a dû revoir ses exigences à la baisse tout en maintenant une partie de ses ambitions.
Situé dans l’ancien bassin ferrifère du nord lorrain, Fontoy, en Moselle, doit son extension à une double malchance. Le quartier du Pogin qui émerge aujourd’hui en lisière de forêt résulte des affaissements miniers qui ravagèrent le sous-sol de plusieurs communes voisines à la fin des années 90. Le village de 3.400 habitants, qui n’a pourtant jamais accueilli aucune mine, a même connu une double peine : les plans de prévention des risques miniers ont classé la quasi-totalité de son ban communal en zone inconstructible. Pire, 17 maisons récentes et intactes de la rue de Longwy ont dû être détruites en 2006 en raison d’un risque d’effondrement brutal.
Confrontée à la nécessité de reloger rapidement les familles expropriées, la commune, en concertation avec l’Etat et le département de la Moselle, a pu acquérir rapidement la maîtrise foncière du lieu-dit le Pogin. Ce terrain agricole de 24 hectares situé à 800 mètres de la dernière habitation constituait de fait la dernière parcelle constructible de Fontoy.
A la différence d’autres quartiers implantés sur d’anciennes zones industrielles, ce terrain est vierge de toute pollution. Nous avons voulu y construire un projet avant-gardiste en matière d’environnement, mais les mentalités n’étaient pas encore prêtes.
Henri Boguet, médecin et maire de Fontoy depuis 1971
Le quartier accueille aujourd’hui, outre les anciens sinistrés relogés dans un bâtiment collectif de belle allure, une cinquantaine de maisons individuelles. Au cours des 15 prochaines années, il doit regrouper entre 450 et 600 logements, soit quelque 1.800 habitants supplémentaires. Mais son ambition environnementale a été nettement revue à la baisse.
La construction durable, “un combat”
Retenu pour assurer la maîtrise d’œuvre du Pogin, l’atelier 9.81 proposait en 2006 de construire 800 logements bioclimatiques dont 42 % de logements collectifs, 40 % de logements intermédiaires et 18 % de maisons individuelles entourés de jardins communautaires. L’agence lilloise espérait y mettre en œuvre plusieurs systèmes d’écoconception dont les biomurs, la géothermie ou les puits canadiens et réservait l’emplacement d’une chaufferie collective. La circulation automobile y était réduite à l’extrême, le stationnement étant camouflé dans des liaisons boisées. Le projet prévoyait non seulement la récupération des eaux pluviales, mais aussi une réutilisation sanitaire.
Mais ces préconisations avant-gardistes n’ont séduit ni les promoteurs, ni les habitants de Fontoy. Lorsqu’en 2008, la commune et l’agence ont exposé le projet en salle des fêtes, la quasi-totalité de l’auditoire a quitté les lieux avant la fin de la présentation.
Les promoteurs se sont montrés très critiques, estimant que le projet ne répondait pas aux règles de commercialisation. Quant aux candidats à la construction, ils veulent une maison individuelle, une voiture et un jardin fermé. Ils ne raisonnent pas à long terme et ne calculent pas l’amortissement du surcoût lié aux économies d’énergie.
Henri Boguet
Pour l’Atelier 9.81, qui a accompagné la commune durant deux ans, la première mouture du Pogin a surtout manqué d’un relai local qui aurait pu défendre ses spécificités face à la logique de marché.
Ambitieux et cohérent, notre projet s’adaptait parfaitement à la pluviométrie et à la typographie de ce terrain en pente. Mais il a pâti d’un déficit de gouvernance et d’expertise. La construction durable est un combat au long cours et de tous les instants pour acculturer le territoire et contrer le discours des promoteurs, dont le premier réflexe consiste toujours à dire que ce sera difficile à vendre.
Geoffroy Galand, associé et cogérant de l’Atelier 9.81
En pleine crise post-subprimes, Fontoy, situé à une quinzaine de kilomètres du Luxembourg où travaillent la majorité de ses actifs, avait tout lieu de craindre un ralentissement de l’économie grand-ducale. Pour commercialiser son quartier viabilisé, mais quasi vide, la commune a relancé la procédure d’aménagement de la Zac en 2012 selon un mode plus classique. Maître d’œuvre mandataire, le cabinet messin Iris Conseil a repris la trame du projet et le découpage du lotissement en lanières et terrasses, les noues végétalisées et les cheminements piétons. Mais la voiture y a désormais droit de cité et les constructions – pour l’heure, toutes individuelles ou accolées – s’entourent de jardins privatifs.
Séduisant pour les frontaliers
Ainsi reconfiguré, le Pogin n’a pas tardé à trouver preneur. Outre la partie « historique » ouverte aux anciens sinistrés et à des particuliers, le quartier accueille aujourd’hui 15 maisons BBC construites par Bouygues immobilier pour loger des agents d’ERDF travaillant à la centrale nucléaire de Cattenom. La deuxième tranche de 46 parcelles s’est vendue en quatre mois.
Le Pogin demeure une zone emblématique, originale et ambitieuse, qui comptera plus d’un millier d’arbres, une circulation automobile limitée et des jardins partagés pour les futurs logements collectifs. Nous savons d’expérience que les promoteurs rejoignent les zones pavillonnaires une fois que le projet est lancé.
Jérôme Barrier, directeur général de la SEBL Grand Est
Concessionnaire du quartier pour la période 2012/2027, l’aménageur limite les constructions à 57 % de la surface totale et soumet aux constructeurs un cahier des charges imposant le respect de 10 critères sur une liste de 30 prescriptions techniques, architecturales ou paysagères. Le stationnement demeure limité – les visiteurs stationnent en extérieur du lotissement, les conteneurs à ordures enterrés et les boîtes aux lettres sont regroupées en entrée des zones pavillonnaires et la plantation de conifères est prescrite au profit d’essence locales de préférence fruitières. Proposés au prix de 14.500 euros l’are, contre près de 30.000 euros pour les villages jouxtant la frontière, les terrains de ce lotissement bordé par une forêt, des champs et un étang séduisent des frontaliers saturés par le stress des embouteillages.
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