Spécialisée dans la restauration de monuments historiques, l’entreprise lorraine s’est dotée de sa propre académie et espère initier un pôle de formation dédié.
Reconstruire la charpente de Notre-Dame de Paris, tailler les pierres qui rénoveront le château de Villers-Cotterêts ou édifier des immeubles contemporains de grande hauteur en paille ou en bois ne s’improvise pas.
Les compétences de nos compagnons sont le bien le plus précieux du groupe. Lorsqu’ils nous rejoignent, c’est par passion. Il est donc important de faciliter leur venue et de leur offrir de bonnes conditions d’apprentissage.
Julien Le Bras, président du groupe familial Le Bras Frères
Basée dans la Meuse, l’entreprise emploie 300 salariés dans ses ateliers de Jarny (Meurthe-et-Moselle).
Un melting pot interne
Pour attirer de nouveaux talents, Le Bras Frères a ouvert en 2018, entre ses ateliers et ses bureaux, un complexe d’habitation de 26 chambres meublées. Des compagnons, apprentis et élèves ingénieurs venus de France entière s’y installent pour effectuer leur apprentissage dans l’entreprise. Une cohabitation inédite s’est ainsi instaurée entre élèves d’origine géographique et de niveau différents. Les parents des apprentis apprécient d’être déchargés de la recherche d’un appartement. Le réfectoire et les espaces communs créent des échanges professionnels et amicaux. Le covoiturage entre jeunes facilite l’accès aux sites de formation théorique au lycée professionnel voisin de Jarny, au CFA des métiers du BTP à Montigny-les-Metz, au CFA des Compagnons du devoir à Muizon (Marne) ou dans des établissements universitaires nancéiens.
Le centre d’hébergement s’est ainsi transformé en un melting pot interne qui contribue largement au recrutement de Le Bras Frères : 80 % des apprentis accueillis restent dans l’entreprise à l’issue de leur apprentissage, contre 15 % choisissant de retourner dans leur région d’origine. L’entreprise indique un taux d’échec remarquablement bas de 4 à 5 %.
Les yeux qui brillent
L’hébergement en interne ne suffit pourtant pas à répondre au manque de personnel, particulièrement perceptible dans les métiers du bâtiment. Continuellement en recherche de candidats, Le Bras Frères embauche volontiers à l’essai, sans autre formalité, des candidats venus frapper à sa porte. Elle pose également des passerelles en direction des jeunes. Les enseignants du collège de Jarny connaissent désormais l’entreprise et ont accompagné au fil des ans 240 élèves lors de visite des ateliers ou de chantiers. L’entreprise invite à l’occasion d’autres entreprises ou des architectes à expliquer aux jeunes les arcanes de la restauration de monuments.
C’est dans la formation initiale de jeunes recrues que Julien Le Bras place le plus d’espoir. « Il faut redorer l’image de l’apprentissage et celui des métiers d’art. Aujourd’hui, les jeunes intègrent souvent les CFA par défaut et trop d’employeurs ne les accueillent que pour la prime. Pour qu’un apprentissage réussisse, il faut que le jeune voie du concret, qu’il ait les yeux qui brillent à l’idée de restaurer un monument », affirme Julien Le Bras.
Des passerelles et des moyens
Président de la fédération du BTP de la Meuse, Mickaël Laurent soutient le projet d’un pôle national de formation aux métiers d’art en Lorraine. « On a voulu créer des CFA de proximité, mais certains d’entre eux sont mal adaptés et vieillissants. En Lorraine, nous avons les compétences et les moyens d’accueillir, de loger et de former les meilleurs de nos jeunes et de nos apprentis », affirme l’entrepreneur, par ailleurs détenteur de plusieurs mandats régionaux et nationaux à la fédération française du BTP et de l’union des métiers de la finition, de la plâtrerie et de l’isolation. A ce poste, il observe que nombre d’entreprises créent leur propre académie pour contrer les pertes de compétence et de qualité induites par le manque de qualification. L’instauration de passerelles entre l’Education nationale et les métiers d’art permettrait d’orienter les jeunes vers des métiers pérennes exigeant des compétences à la fois manuelles et intellectuelles.
La création d’un pôle d’excellence national suppose que les jeunes soient jeunes soient logés, nourris et rémunérés. « Plus que de moyens financiers pour créer un nouveau CFA, nous demandons un changement de statut. Il faut que les apprentis aient de quoi vivre et de quoi se déplacer », affirme Mickaël Laurent, qui plaide ce dossier à l’échelle régionale. Précurseur d’une démarche intégrant hébergement et formation, Julien Le Bras a quant à lui évoqué ce projet à Emmanuel Macron lui-même en avril dernier lors de la visite présidentielle sur le chantier de Notre Dame de Paris, chantier emblématique des métiers d’art.
--Télécharger l'article en PDF --