Cofondateur de Lorraine Fab Living Lab à l’université de Lorraine, Laurent Dupont résume la raison d’être de ce « tiers-lieu citoyen, solidaire, de coopération et d’utilité sociale » : vivre et faire la ville.
Laurent Dupont accueille dans la petite halle de l’Octroi, joli vestige des abattoirs jadis situés au long des rives de Meurthe à Nancy. Secrétaire général de l’association OK3, l’universitaire, responsable du parcours Innovation urbaine pour des villes et territoires en transformation à l’Ecole nationale supérieure en génie des systèmes et de l’innovation (ENSGSI) et cofondateur du Lorraine Fab Living Fab, a conquis l’été dernier ce nouvel espace public dévolu à l’innovation par l’usage. Membres d’associations de quartier, artistes et étudiants se côtoient joyeusement sous les verrières, de manière à la fois physique et virtuelle. Dès l’entrée, un espace interactif permet d’investir un lieu existant numérisé et d’y intervenir seul ou à plusieurs. Ludique et high-tech, l’animation résume la raison d’être de ce « tiers-lieu citoyen, solidaire, de coopération et d’utilité sociale » : vivre et faire la ville.
Granulat de masques
A l’Octroi, étudiants, designers, entrepreneurs et acteurs de l’économie sociale et solidaire planchent entre autres sur le projet européen Inedit, dont Laurent Dupont est responsable pour l’université de Lorraine. Le challenge consiste à recycler des déchets en plastique, et notamment des masques usagés, sous forme de granulats utilisables en impression 3 D. La matière écrasée ou broyée se transforme en éléments de mobilier ou de mobilier urbain faciles à tester et à positionner. L’Octroi constitue le creuset de ce recyclage participatif.
L’innovation a besoin de lieux physiques où différents publics – usagers, urbanistes, techniciens, artistes, élus – puissent se confronter, parvenir à une vision partagée et faire équipe.
Laurent Dupont
L’apport des mythes
Âgé de 41 ans, ce Nancéien d’origine jongle déjà depuis deux décennies avec les concepts scientifiques, philosophiques et urbanistiques. Après un diplôme d’ingénieur obtenu à l’ENSGSI de Nancy, il poursuit par un DEA en épistémologie, durant lequel il se penche sur l’apport des mythes et symboles à la formation scientifique et technique. En 2009, il soutient une thèse de doctorat intitulée “Transfert du génie industriel vers l’ingénierie urbaines : vers une approche collaborative des projets urbains » au terme de trois ans de convention Cifre à l’Agence de développement et d’urbanisme de l’aire urbaine nancéienne, l’ex-Aduan devenue Scalen.
Boussole sociale
Au début des années 2010, le thème de la démocratie participative émerge dans le discours politique tandis que la notion de « Living Lab », issue du Massachuchets Institute of Technology, traverse l’Atlantique. Laurent Dupont met ces deux idées en œuvre dans le cadre des Ateliers de la Fabrique, initiés par l’université de Lorraine pour impliquer riverains, usagers et associations dans la conception de l’écoquartier Nancy Grand Cœur.
« Nous avons peut-être sous-estimé l’écart qui existe entre diagnostic partagé et décisions partagées », analyse le chercheur, qui reconnait une déception et adopte aujourd’hui une posture plus militante.
Le jeune père de famille assure s’orienter en fonction d’une boussole sociale et environnementale qui lui interdirait de mettre ses outils technologiques et méthodologiques au service de projets néfastes ou vides de sens, d’autant que champ de l’urbanisme foisonne de sujets passionnants.
Pluridisciplinaire par vocation, chercheur coopère ainsi avec le laboratoire lorrain de psychologie et de neurosciences sur la cognition spatiale des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il mène en parallèle une comparaison des perceptions sur un même parcours réel et virtuel dans les sous-sols et le rez-de-chaussée de l’ENSGSI. Il lui semble indispensable de cerner les apports, mais aussi les limites de la technologie pour progresser dans la transition des territoires.
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