Encore fortement encombrée par l’automobile, Nancy s’ankylosait. En attendant de pouvoir remplacer son vieux tram, la nouvelle équipe trace des pistes cyclables et des chemins piétons. Sur les friches Alsthom, elle concocte un nouveau quartier où la nature reprendrait ses droits pour rafraîchir le climat.
En remportant le deuxième tour des municipales de Nancy avec 10 points d’avance sur le maire sortant Laurent Hénart, le socialiste Mathieu Klein, soutenu par Europe Ecologie les Verts, a fait basculer à gauche une ville ancrée au centre droit depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. A la présidence du Grand Nancy, il succède à André Rossinot, figure tutélaire de la métropole durant plus de 40 ans. En tant qu’opposant, l’ex-président du conseil général de Meurthe-et-Moselle avait voté en faveur des deux projets phares du Grand Nancy : l’indispensable remplacement du tram, pour un montant de 480 millions d’euros, et l’édification en délégation de service public du vaste complexe thermal et de loisirs Nancy Thermal, qui mobilise un investissement de 100 millions d’euros.
Des atouts et des dettes
A la présidence, Mathieu Klein devra composer avec les atouts d’une métropole comptant parmi les mieux intégrées de France, mais aussi, parmi les plus endettées. L’en-cours de 673 millions d’euros laisse peu de place à d’autres grands projets. La nouvelle donne permet néanmoins un changement de méthode, une accélération des projets liés à la mobilité et l’émergence de nouveaux quartiers sur le devant de la scène urbanistique.
Nous nous situons clairement en rupture avec l’équipe précédente, dont les orientations pour amorcer la transition écologique et contrer le réchauffement ont été trop tardives. A cet égard, le mandat de Laurent Hénart nous a fait perdre six ans.
Chaynesse Khirouni, conseillère déléguée au maire de Nancy et vice-présidente de la métropole en charge de la transition écologique et de l’urbanisme
La voiture toujours reine
Dans une ville qui n’a pas encore remis en cause la place de la voiture, la question des mobilités s’est avérée décisive. A Nancy, le tram n’est pas prioritaire à tous les feux et les trois lignes de bus à haut niveau de service du réseau Tempo (anciennement Stan) manquent cruellement de sites propres. Le plan métropolitain de mobilité en cours d’élaboration compte leur dédier plus d’espace pour une vitesse et des fréquences accrues. Il étudiera toutes les hypothèses, y compris cette d’un trolley, pour décongestionner la circulation aux heures de pointe.
Audit
Cette réflexion demeure tributaire de l’audit financier qui déterminera d’ici à la fin de l’année les marges de manœuvres réelles de l’agglomération.
Nous ne lancerons pas un tram que nous ne pourrions pas financer.
Mathieu Klein lors de sa prise de fonction
Vingt ans après sa piteuse en scène tracté par une dépanneuse, le tram – ou plus précisément, le Transport sur voie réservée (TVR) de Bombardier, qui n’a circulé qu’à Nancy et à Caen – arrive vraiment en fin de course. Gestionnaire du réseau, Kéolis s’efforcera de maintenir les 21 rames en circulation pendant deux ans encore. A cet horizon, le nouveau tram sur fer, déclaré d’utilité publique en décembre 2019, devrait prendre le relais et assurer progressivement 15 kilomètres de desserte. Le phasage du chantier commencera l’an prochain, sous réserve du feu vert signifié par l’audit.
Étoile ferroviaire
Quelles que soient les contraintes financières, il faudra mettre en œuvre des propositions alternatives et ne pas laisser le tram mobiliser toutes les marges de manœuvre.
Patrick Hatzig, conseiller communautaire délégué au schéma des mobilités
Le Grand Nancy compte jouer de sa situation d’étoile ferroviaire pour implanter quatre grands parkings relais une quinzaine de kilomètres de la gare centrale. Le dispositif doit dissuader quelque 25.000 « pendulaires » de venir travailler en voiture et libérer les emprises nécessaires aux transports en commun en site propre, aux pistes cyclables et aux chemins pédestres.
Tissu dense
Contrairement aux idées reçues, Nancy, qui présente un tissu urbain dense, se prête très bien aux modes de déplacements alternatifs si on restreint l’usage de la voiture.
Charlotte Marrel, adjointe en charge des mobilités à la mairie de Nancy
Mi-septembre, un premier week-end sans voiture dans l’espace central a ouvert une phase d’observation qui permettra à la ville de baliser un itinéraire pédestre au cœur de Nancy. La mairie promet de faire preuve de pédagogie pour rappeler aux Nancéiens que leur ville se traverse aisément à pied. Elle rappellera aussi aux commerçants qu’un piéton qui prend le temps de flâner consomme presque deux fois plus qu’un automobiliste tenaillé par l’appel du parcmètre. Destiné à redynamiser le tourisme et le commerce, le parcours pédestre se calera sur les grands axes commerçants et sur le plan de sauvegarde du patrimoine.
Voies périlleuses
Le plan vélo à quant à lui connu un coup d’accélérateur à l’occasion de la pandémie de Covid. Les pistes cyclables temporaires ouvertes par la municipalité précédente se pérennisent, la nouvelle équipe s’attachant à les connecter entre elles. La priorité consiste à sécuriser des voies unanimement jugées périlleuses et à assurer leur continuité tant sur le plan intercommunal qu’à l’échelle des grands itinéraires européens de cyclotourisme.
Grand cœur trop chaud
C’est au titre de la mobilité que la zac Nancy Grand Cœur, qui couvre 12 hectares délimités par des friches ferroviaires en centre-ville, a obtenu en 2009 le label d’écoquartier. La démarche récompensait d’avantage de bonnes pratiques ferroviaires qu’une grande ambition environnementale. Difficiles à aérer, les premiers immeubles d’habitation ont vite gagné le surnom de cocottes minutes. Dans les espaces publics très minéralisés où la température dépasse parfois de 4° celle de la place Stanislas, les riverains craignent de manquer d’air. A la sortie du premier confinement, André Rossinot a annoncé un « lever de crayon » sur la zac, invitant les promoteurs à revoir leur copie sur le tiers restant à urbaniser.
La page blanche d’Alsthom
Nous allons nous détacher du nom de Nancy Grand Cœur pour définir un nouveau projet sur un périmètre élargi.
Chaynesse Khirouni
Si l’avenir de Nancy Grand Cœur se dessine en pointillés, ce sont aujourd’hui les friches Alsthom, au droit du nouveau quartier Meurthe-Canal, qui font figure de page blanche. La Ville, la Métropole, l’aménageur public Solorem et l’agence d’urbanisme In Situ projettent d’implanter sur ce morceau de ville de 10 hectares, encore pétri de son passé ouvrier, un prototype de quartier écologique et solidaire. Les vestiges de la Compagnie générale électrique, dont la chaufferie, les façades donnant sur le canal de la Meurthe, les grands bureaux et les petites maisons ouvrières y seront préservés et rénovés.
La fraîcheur de la Meurthe
Le plan masse imagine un enchainement de séquences urbaines, industrielles et maraîchères pour insérer le nouveau quartier dans les espaces entre la Meurthe, qui lui apportera de la fraîcheur, et le parc de la Pépinière qui borde la place Stanislas en hypercentre. Le futur quartier doit s’ouvrir à l’économie sociale et solidaire, tout en accueillant un équipement majeur : la nouvelle cité judiciaire projetée sur 16.400 mètres carrés. En cours de validation par le ministère de la Justice, le projet fait l’objet d’ultimes études de dépollution et de mobilité.
Grand Thermal suit son cours
Dans un avenir plus proche – dès l’été prochain, si la crise sanitaire le permet – l’île de la Méchelle proposera entre Tomblaine et Nancy la première piscine naturelle du Grand Est. Cette base de loisirs urbaine gratuite et ouverte à tous compensera en partie la piscine découverte supprimée sur les hauteurs de la ville lors des premiers travaux de Nancy Thermal.
Lancé fin 2018 pour une durée de 48 mois, le projet porté par la Compagnie européenne des bains – Valvital fait toujours l’objet d’un recours sur le fond. Mais les opérations de démolition sont terminées, les fouilles archéologiques, purgées, et quelque 250 crapauds accoucheurs, très rares en milieu urbain, qui contrariaient l’an dernier l’avancée du chantier ont été relogés en douceur vers le parc Sainte-Marie attenant.
L’envie de l’eau
Réalisé sous maîtrise d’œuvre des architectes Anne Demians et Nicolas Chabanne, le pôle aquatique qui juxtapose réhabilitations et constructions neuves sur 20.000 mètre carrés doit ouvrir courant 2022. François Werner, resté vice-président du Grand Nancy par-delà de l’alternance, est désormais en charge du dossier.
Les équipes qui succèdent aux grands anciens adoptent souvent un style plus simple, plus direct et moins cérémonieux. C’est le cas à Nancy, où j’ai troué une maîtrise d’ouvrage attentive et à l’écoute, tout en tenant un discours plus social.
Bruno Verbaere, président de la société de projet Grand Nancy Thermal Développement
A la connotation médicale et thermale du futur établissement s’ajoute désormais le souci de rendre aux Nancéien l’accès à leur eau.
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