Ancien directeur de l’agence d’urbanisme Lorraine Nord Agape, Aurélien Biscaut a pris en avril 2019 la fonction de secrétaire général de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT). Il a organisé le premier Border’s Forum, qui réunira 700 participants en ligne les 9 et 10 novembre. Co-organisé par la Commission européenne et le Comité européen des régions, l’événement abordera la question des frontières et des territoires frontaliers dans un contexte de crise.
Qu’attendez-vous du Border’s Forum qui s’ouvrent ce lundi ?
Ce premier forum poursuit trois objectifs. Il s’agit d’abord de montrer que le transfrontalier joue un rôle central dans les politiques publiques et leur accompagnement européen. Les territoires de zones transfrontalières représentent 30 % de la population européenne. Même s’ils sont complexes et dispersés, ils constituent une partie de la solution des problématiques communautaires. L’Europe se fait dans ces territoires.
Nous espérons aussi convaincre les autorités européennes et nationales de l’importance de la nouvelle Alliance européenne des citoyens transfrontaliers. Cette alliance fait suite au processus présenté en mai dernier au Conseil de l’Europe pour parvenir à une meilleure prise en compte des territoires frontaliers et de leurs citoyens. Enfin, il s’agit de préparer la présidence française de l’Union européenne en 2022. 2021 constituera une année de mobilisation pour soutenir les ambitions de la France sur la scène européenne. Le Président Emmanuel Macron s’était montré très volontaire sur la question lors de son élection. Le Border’s Forum portera ce message.
Quel rôle la Mot compte t’elle jouer dans le renforcement de la coopération transfrontalière ?
La coopération transfrontalière est notre raison d’être. Nous la soutenons au niveau local, national et européen. Dans les territoires frontaliers, nous aidons les acteurs locaux à rapprocher les peuples et à surmonter les obstacles. Lorsque ces problématiques ne sont pas prises en compte sur le plan national, nous apportons notre connaissance et notre éclairage à l’Agence de cohésion des territoires ou au niveau interministériel. Certains sujets nécessitent d’être portés au plan européen, où nous usons de notre capacité d’influence et de conviction.
Sur le plan européen, la coopération transfrontalière a passé un cap, en partie grâce à notre travail. La prochaine programmation Interreg prend de plus en plus en compte le fait frontalier et va beaucoup plus loin. D’autres programmes comme Erasmus + ou H 2020, pour le financement de la recherche, l’intègrent également. Le fait que la Comité européen des régions s’empare de l’Alliance européenne pour les citoyens transfrontaliers me semble également très positif.
Cette coopération peut-elle faire ses preuves dans le domaine sanitaire ?
C’est le cas dans plusieurs territoires où nous intervenons. Par exemple, nous avons constaté de grandes difficultés pour faire reconnaître les diplômes des médecins français à la frontière franco-espagnole. La même question se pose à la frontière franco-belge, mais cette fois, côté français. Pour y répondre, nous avons rédigé un projet de convention de prise en charge. A la frontière italienne, dans le bassin de Briançon, le problème est encore plus compliqué car il n’existe encore aucun accord-cadre de coopération sanitaire. Nous avons fait remonter le problème au niveau interministériel, auprès du ministère de la Santé et des Affaires européennes. Dans ce cadre, nous répondons régulièrement aux appels d’offres du programme européen B-Solutions, qui vise à lever les obstacles juridico-administratifs aux frontières.
Voyez-vous des concrétisations de cette nouvelle donne à l’échelle de la Grande-Région ?
Oui. Globalement, on n’a jamais parlé autant de frontières. Les composantes de la Grande Région ont pris violemment conscience que la coopération a beaucoup avancé, mais qu’elle est fragile. Ce que nous pensions acquis peut se perdre. Il faut donc aller beaucoup plus loin. Au Grand-Duché, cette prise de conscience s’est traduite par le cri d’alarme du Premier ministre en mars dernier. Xavier Bettel n’a pas voulu fermer les frontières, car son système de santé est complément dépendant des travailleurs frontaliers, qui représente 70 % du personnel soignant luxembourgeois. Cette conscience de l’interdépendance entre la France et le Luxembourg est nouvelle. De même, le débat sur le télétravail, qui piétinait depuis des années, s’est brusquement débloqué : quand il y a urgence, on sait trouver des solutions.
Propos recueillis par Pascale Braun
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