Le tourisme d’affaires pâtit de la crise sanitaire, mais aussi de la raréfaction des lignes intérieures et des nouveaux modes de rencontre à distance. Fragilisées, ces infrastructures coûteuses n’en revendiquent pas moins un rôle essentiel dans l’activité économique et dans le désenclavement de leurs territoires.
Jamais les aéroports de proximité n’avaient connu un tel trou d’air. Plombés par la pandémie de Covid-19 au printemps, ils ont encaissé en juillet dernier la réduction drastique des vols intérieurs assurés par Hop! – la filiale régionale d’Air France.
La crise sanitaire continue à clouer au sol nombre de destinations low cost ; et le tourisme d’affaires, qui représente en moyenne un tiers de leur activité, peine à redécoller. Les 28 aéroports métropolitains, accueillant moins de 2 millions de passagers par an, présentaient déjà fin 2019 un léger repli de leur activité. Ce recul moyen de 0,8 % masquait une réalité disparate. Béziers-Cap d’Agde a vu sa fréquentation s’envoler de 15 % tandis que Toulon-Hyères ou Grenoble chutaient de plus de 10 %. Tarbes-Lourdes-Pyrénées, Limoges, Chambéry ou Strasbourg ont stagné. Après trois trimestres hors normes, tous se trouvent aujourd’hui en plein brouillard.
Cas par cas
Le confinement a relancé l’intérêt pour les villes moyennes, mais leur accessibilité demeure un critère essentiel, notamment pour les entreprises. Dans cette période de crise, il faut éviter les raisonnements à court terme et prendre le temps d’analyser au cas par cas le potentiel et la réalité des besoins.
Thomas Juin , président de l'Union française des aéroports
La reprise des vols destination vacances a permis un léger redécollage estival, mais l’automne s’annonce pire que prévu. La crainte du Covid, un contexte économique difficile, le souci environnemental et l’entrée dans les moeurs des échanges à distance contribuent à plomber le tourisme d’affaires, tandis que les mesures de quarantaine entravent les destinations low cost qui permettaient tant bien que mal aux petits aéroports d’approcher l’équilibre.
Les Chambres de commerce et d’industrie se retirent progressivement de la gestion aéroportuaire, au risque de compromettre la viabilité d’infrastructures laissées à la charge de collectivités exsangues.
La desserte aérienne des villes moyennes est indispensable. Sinon, c’est le tissu économique de territoires entiers qui va disparaître.
Josiane Costes, ex-sénatrice du Cantal
L’élue a rédigé le rapport, fin 2019, d’une mission d’information sur les transports aériens et l’aménagement des territoires. L’ex-sénatrice du Cantal invoque l’exemple d’Aurillac, situé à 7 heures de train de Paris – une durée rédhibitoire tant pour les entreprises déjà implantées que pour les candidats à une implantation.
Liens organiques
Au pied des tarmacs provinciaux se sont souvent créé des zones des écosystèmes directement ou indirectement tributaires de l’activité aéroportuaire. A Tarbes, Daher Aerospace, qui a fêté en septembre dernier l’assemblage de son millième TBM, entretient des liens organiques avec l’aéroport construit en 1941 pour permettre de transférer l’industrie aéronavale en zone libre. Spécialiste de la maintenance aéronautique, Sabena Technics emploie 2.200 personnes dont 650 à Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo et 400 à Nîmes-Garons. Même lorsqu’elles ne présentent aucun rapport avec l’aéronautique, les entreprises implantées sur les zones d’activité aéroportuaires bénéficient de leur bonne desserte routière. Poitiers-Biard Airport a ainsi attiré une douzaine d’entreprises, tout en désenclavant non seulement Poitiers, mais aussi Niort et Châtellerault. A contrario, la suspension des vols Lyon-Rouen ou Cherbourg-Paris a appauvri à la fois les échanges commerciaux et les services aux voyageurs.
De petits avions « propres »
Très utiles aux entreprises, les lignes régulières répondent aussi à un besoin toujours très fort de voyages affinitaires, touristiques ou familiaux. A défaut, l’existence d’un aéroport reste essentielle pour l’aviation d’affaires et à la demande.
Jérôme Arnaud, directeur général d'Edeis Concession
Spécialisé dans l’ingénierie et la gestion d’infrastructures, Edeis emploie 900 salariés et gère 19 aéroports, dont deux outre-mer. Le groupe entrevoit une éclaircie dans le développement d’avions électriques ou hybrides, qui doivent faire leurs preuves à brève échéance sur les vols de courte distance. Moins polluants et moins coûteux, ces avions « propres » pourraient faire redécoller l’attractivité des petits aéroports.
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