Après avoir rouvert ses hôtels dans un grand Est repassé en zone verte, l’entrepreneur, à la tête d’un groupe de 450 salariés, également versé dans la logistique et l’immobilier, reprend mardi ses activités de restauration. Mais loin de rester inactif et estimant que la crise avait accru les inégalités, il a utilisé ses longues semaines de confinement pour développer le mécénat local.
Entre torpeur du confinement et marasme de l’hôtellerie, de l’immobilier et de la logistique, les trois secteurs d’activité de Heintz Immobilier & Hôtels, on aurait pu s’attendre à rencontrer un chef d’entreprise aux abois, doublé d’un mécène éploré.
Svelte et souriant, André Heintz accueille en chemise blanche, pantalon à pinces et baskets.
Les temps seront sans doute difficiles, mais je garde confiance en mon équipage.
André Heintz
Le presque quinquagénaire a fondé un groupe de 450 salariés.
Dans un Grand Est repassé en zone verte, douze managers s’activent dans les locaux chatoyants du siège social de Metz. Six des huit hôtels ont déjà rouvert, et la restauration y reprendra ce mardi.
Cependant, lors des longues semaines de confinement, André Heintz a scruté les ravages du coronavirus sur les populations vulnérables, des seniors en maison de retraite aux précaires ou aux femmes battues.
Metz Mécènes Solidaires
Cet adepte de la méditation se veut constructif. La crise ne l’a pas détourné de son projet pour 2020 : édifier entre Paris et Strasbourg un groupe de 20 hôtels de 2 à 4 étoiles, mais l’entrepreneur, qui a créé en 2018 le fonds territorial Metz Mécènes Solidaires, est allé plus loin.
La crise sanitaire a accentué les écarts. Je ne veux pas me contenter de me trouver du bon côté de la barrière.
André Heintz
Son fonds, inspiré d’un modèle bordelais, a récolté, 350.000 euros en deux ans là où Bordeaux, trois fois plus peuplée, en a réuni 250.000.
Né à Forbach, ancien bastion de l’extraction charbonnière paupérisé, l’ancien scout voit aussi se creuser le fossé entre métropoles florissantes et territoires oubliés. A Metz, il n’a eu aucun mal à convaincre une quarantaine d’entrepreneurs, qui ont débloqué en urgence 20.000 euros pour soutenir leur bassin de vie.
Je délègue systématiquement l’opérationnel. Je suis présent en amont, pour lancer les projets, puis en aval, pour boucler l’aspect financier.
André Heintz
Ce patron, passé par l’Essec puis le cabinet d’audit Deloitte à Londres avant de présider, désormais, une société de transport, un ensemble hôtelier et une foncière, pour un chiffre d’affaires global de 50 millions d’euros en 2019.
Des melons à la logistique
L’aspect disparate du groupe est lié à l’histoire familiale. Son père, livreur de primeurs, pressent dès les années 1960 le goût des consommateurs pour des denrées plus exotiques. Le Mosellan va donc chercher des melons à Cavaillon pour les rapporter dans les vallées du fer et du charbon. Voulant éviter de rentrer à vide, il lance une société de transport puis devient concessionnaire Mercedes pour assurer l’entretien de ses camions.
Lors de la succession, André Heintz, alors âgé de 24 ans, ne conserve que la logistique, mais l’activité, faiblement rentable, n’offre aucune visibilité à long terme.
C’est pour contrebalancer cette fragilité que j’ai créé ma foncière.
André Heintz
Bientôt, il construit ou réhabilite des locaux tertiaires, dont divers hôtels du groupe Accor. Il passera de la construction d’hôtels à leur gestion.
En 2018, la candidature de Heintz Immobilier & Hôtels à la reprise d’un immeuble sur la prestigieuse place de la Comédie défraie la chronique, un opposant ayant soulevé des liens entre André Heintz et le fils du maire de Metz. Le promoteur fait front, récuse tout favoritisme et obtient du conseil municipal un bail emphytéotique de 75 ans pour transformer l’édifice décati en un palace.
Quête de sens
La pandémie de Covid-19 affectera les finances du dirigeant, pas son moral. André Heintz s’attend à perdre au moins 3 millions d’euros dans le seul secteur de l’hôtellerie. Ce défenseur de l’économie de marché, père de trois enfants, revendique néanmoins une quête de sens, circule à vélo, saute trois repas par semaine et voit dans plus de sobriété collective une réponse à la crise.
Ses hôtels, rouverts le 25 mai, ne fonctionnent encore qu’à 10 % de leur capacité. « Il aurait été moins coûteux de les laisser fermés, mais il me semble important de contribuer au redémarrage de l’économie locale », assure le patron, qui scrute avec espoir les signes d’une montée en charge.
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