L’usine de rails de Hayange (Moselle) pourrait changer de pavillon pour la troisième fois depuis le début de la décennie. Les premiers éléments du projet industriel du chinois Jingye ne rassurent qu’à moitié ses 400 salariés.
Soulagés mais perplexes, les 400 salariés de l’usine de rails de Hayange (Moselle) attendent la lettre d’intention de Jingye, leur repreneur putatif. Le groupe chinois, candidat à la reprise outre-Manche de leur propriétaire British Steel , a déjà annoncé qu’il comptait doubler la production des hauts-fourneaux britanniques de Scunthorpe, lequel approvisionne le site mosellan en produits semi-finis, et augmenter de 30 % le volume de rails fabriqués à Hayange.
Nous ne savons pas grand-chose de Jingye. Nous attendons des garanties en termes d’investissements et d’emplois, car l’outil ici est vieillissant et le climat social dégradé.
Grégory Zabot, secrétaire CFDT du CSE de British Steel Hayange
Si l’opération aboutit, le groupe chinois deviendrait le troisième actionnaire de l’usine mosellane de la décennie.
Site en perte
Au printemps 2016, lors du transfert au fonds d’investissement Greybull Capital détenant British Steel, l’usine semblait pourtant prospère. Son précédent propriétaire, le groupe indien Tata, y avait injecté en deux temps 50 millions d’euros afin de créer une unité de production de rails de 108 mètres de long, particulièrement résistants. Tata Steel France avait décroché fin 2015 un contrat de neuf ans avec la SNCF. Il sécurisait plus d’un tiers des débouchés du site, qui espérait alors gagner des marchés en Allemagne, en Russie et aux Etats-Unis.
Trois ans plus tard, la déception prédomine. Greybull Capital n’a investi qu’à la marge, une cinquantaine de salariés ont quitté l’usine et le site, qui affichait des bénéficies de plusieurs dizaines de millions d’euros, terminera l’année sur des pertes d’au moins 5 millions d’euros. La longue grève de la SNCF a plombé l’année 2018 et l’annonce, en mai 2019, de la faillite de British Steel a ouvert une nouvelle phase d’incertitudes.
Chômage partiel
Hayange n’était pas directement concerné par la faillite de sa maison mère. Mais des inquiétudes n’ont pas tardé à poindre quant à l’approvisionnement, car, exclusivement tributaire du site de Scunthorpe, l’usine ne disposait que d’un mois de stock de blooms, la base servant à faire les rails. Les quatre syndicats du site mosellan – CFDT, CFE-CGC, CGT et FO – ont obtenu cet été un accord préalable de chômage partiel pour le cas où ces barres semi-finies viendraient à manquer.
La cession à Jingye, si elle est validée par Bercy, ne pourra pas intervenir avant fin janvier 2020, juste avant l’épilogue théorique du Brexit. Cette perspective n’enchante pas le président du syndicat national CFE-CGC Sidérurgie, Xavier Le Coq.
Jingye apparaît aujourd’hui comme le seul repreneur possible de British Steel, mais d’autres options sont possibles pour la reprise individuelle de l’usine de Hayange. Voir les Chinois prendre le contrôle de l’industrie européenne ne nous rassure pas.
Xavier Le Coq
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