Directrice de Pôle Sud depuis 2011, Joëlle Smadja assure la programmation de ce centre de développement chorégraphique national depuis son ouverture. Implanté dans le quartier strasbourgeois de la Meinau, cet espace de danse atypique d’une capacité de 300 places accueille en permanence 12 artistes en studio et programme chaque année une quarantaine de spectacles. Frontalier de l’Allemagne, Pôle sud reflète les courants qui parcourent la scène chorégraphique transfrontalière et internationale.
Pôle sud organise ce vendredi 13 septembre une « soirée cadeau » à l’occasion de ses trente ans. Cette manifestation revêt-elle une dimension transfrontalière ?
Pas spécifiquement. Nous rendrons hommage à nos spectateurs en les invitant à la plage – en l’occurrence, une ancienne gravière où danseurs et musiciens proposeront une fête. Cette nuit transfigurée, dont le programme reste une surprise, accueillera sans doute aussi des visiteurs allemands, puisque qu’elle aura lieu à deux kilomètres de la frontière, mais nous n’avons pas prévu de dimension explicitement transfrontalière.
Depuis son inauguration par Catherine Trautmann en 1989, le positionnement européen de Pôle sud est une évidence. Pour autant, la relation transfrontalière ne va pas de soi, dans le domaine de la culture comme dans d’autres. La langue peut constituer une barrière. La francophonie permet des relations plus faciles entre théâtres belges, luxembourgeois et suisses. Mais nous partageons avec nos voisins allemands un héritage commun. Dans le Rhin supérieur, la culture ne fait pas peur. Elle est omniprésente et inscrite dans le quotidien des gens.
Cette proximité se traduit-elle dans votre programmation ?
Oui. Nous sommes à l’écoute de la création internationale et transfrontalière et nous choisissons souvent d’inviter des artistes venus des pays proches. L’Allemagne, la France et la Belgique ont chacun exercé une grande influence sur la danse contemporaine. L’allemande Pina Bausch a constitué l’une des principales figures de la chorégraphie de l’Après-Guerre. Les années 80 ont vu l’essor de la danse française, portée entre autres par Régine Chopinot et Philippe Decouflé, qui ont fait école en Europe entière. A la fin des années 90, c’est la Belgique qui a pris le relais. Des danseurs comme Alain Platel, fondateur des Ballets C de la B, ont apporté une dimension sociale nouvelle en intégrant à ses chorégraphies des ouvriers, des SDF ou des personnes âgées. La danse, comme les autres arts, est un révélateur. Pôle sud s’est toujours efforcé de refléter ces différentes façons de voir le monde.
Pôle Sud compte parmi les cinq scènes chorégraphiques adhérentes de Grand Luxe. Quelle aide ce réseau transfrontalier apporte-t-il aux artistes ?
Grand Luxe a déplacé le curseur pour intervenir en amont la production. Lorsqu’un projet est acté, il faut être prêt à agir vite. Les difficultés commencent bien avant, au stade de la solitude de l’artiste. Grand Luxe intervient durant cette phase de préparation, en lui apportant de la matière première ou un soutien technique. Il peut s’agir de l’inviter à assister à des représentations ou tout simplement, à de lui proposer un entrepôt pour son matériel.
Nous envisageons de déposer un dossier de subvention auprès du fonds européen Europe Créative pour accompagner les artistes. Le grand luxe, c’est le temps – en l’occurrence, celui qu’ils consacrent à la préparation de leurs spectacles, et qui n’est jamais rémunéré. Nous ne demanderons pas beaucoup d’argent, mais simplement une bourse de recherche qui permettrait aux artistes de préparer leur travail dans des conditions plus confortables.
Propos recueillis par Pascale Braun
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