Docteur en physique, ingénieur et adjoint à la culture de la Ville de Metz, Hacène Lekadir assure la présidence de la Cité musicale de Metz depuis sa création. L’ingénieur et docteur en physique détaille les coopérations transfrontalières qui relient Metz à ses voisines transfrontalières et à ses homologues internationales.
Le festival messin Constellations, dont l’édition 2019 a débuté le 20 juin, s’inscrit dans le projet Interreg Pierres numériques qui s’achèvera en fin d’année. Sa pérennité est-elle assurée ?
Oui. Ce jeune festival lancé en 2017 a déjà fait ses preuves. Les partenaires sarrois et wallons de Pierres numériques ont fait leurs propres choix pour valoriser leur patrimoine bâti et urbain. Le nôtre a pris la forme de ce festival d’art numérique connu pour son mapping sur la cathédrale, mais qui a aussi investi d’autres monuments et espaces verts de la ville.
Interreg a joué un rôle de levier et de catalyseur, puis ce projet est devenu celui de la ville. L’Europe a été le premier financeur de Constellations en y apportant 2 millions d’euros sur trois ans. Nous avons choisi de le pérenniser au regard de son attractivité et de ses belles retombées touristiques. Les nuitées à Metz ont augmenté de 25 % depuis le lancement du festival. La manifestation s’inscrit de surcroît dans la stratégie Art&Tech de l’agglomération.
Ce succès encourage-t-il la ville dans ses coopérations transfrontalières ?
Constellations s’inscrit dans une continuité. TCRM Blida avait déjà piloté un projet Interreg consacré à la valorisation du patrimoine industriel. Nous nous engageons à présent dans le projet Noé Noah, également cofinancé par Interreg, pour mettre à l’honneur les jardins et les connexions écologiques et citoyennes de la Grande Région. Le Centre Pompidou Metz coopère avec le musée de Sarrebruck, le projet Bérénice, piloté par le festival messin Passages, réunit trois pays de la Grande Région, Quattropole décernera cette année son premier prix de musique et la Cité musicale s’engage dans des échanges… Nos coopérations atteignent un rythme de croisière.
Quelles sont les ambitions transfrontalières de la Cité musicale ?
Ses ambitions sont d’abord celles de la Ville. La Cité musicale résulte de la convergence de l’Orchestre philharmonique de Metz avec trois lieux de diffusion, l’Arsenal, les Trinitaires et la Bam. En Allemagne, il est fréquent de voir des orchestres et des salles se réunir au sein d’une grande maison. En France, la démarche reste très rare.
A Metz, la Cité musicale représente 400 concerts, 15 millions d’euros de budget et 180 salariés à temps plein dont 72 musiciens. Au-delà de la diffusion, elle représente un levier économique. Sa création a permis de mutualiser les services de ressources humaines, les fonctions support et la technique pour réinjecter les économies réalisées dans la programmation artistique, culturelle et pédagogique.
Cet outil commun nous a permis de démarrer de nouveaux échanges. Nous avons poursuivi les coopérations qui existaient déjà entre l’Arsenal et Sarrebruck, lancé des projets avec Liège et relancé des échanges qui s’étaient perdus avec le Luxembourg. Ces partenariats se traduisent par des programmations communes de musiques actuelles, contemporaines et anciennes, mais aussi par l’accueil d’artistes en résidence et par des coproductions. Par exemple, la chorégraphe messine Sarah Baltzinger produit actuellement une œuvre qui associe la Cité musicale, le Trois C-L et d’autres partenaires français et luxembourgeois.
La Cité musicale s’est par ailleurs inscrite dans le dispositif Demos lancé par l’Orchestre philharmonique de Paris pour initier les enfants des quartiers défavorisés et des territoires ruraux à la pratique instrumentale en orchestre. Depuis 2016, une centaine d’enfants de Metz et de l’Est mosellan participent chaque semaine à des ateliers de chant, de danse et de musique. En 2020, le dispositif associera des groupes d’enfants sarrois et luxembourgeois.
Metz semble avoir renoncé à la labellisation Unesco à laquelle elle postulait ?
Nous continuons à porter la candidature « Metz, royale et impériale », mais à un rythme ralenti. L’Unesco affiche désormais la volonté assumée de privilégier les pays du Sud et asiatiques pour rééquilibrer des sites aujourd’hui plutôt concentrés en Europe et aux Etats-Unis. La candidature de Metz garde son sens et je la soutiendrai si je conserve mes fonctions à l’issue des prochaines échéances électorales. Mais les règles du jeu nous échappent et elle n’aboutira peut-être pas avant 10 ou 15 ans. C’est pourquoi nous avons postulé à un label Unesco plus récent et moins connu, celui des Villes créatives créé en 2004.
Quelles sont les chances de Metz à ce nouveau label ?
Ce réseau, qui compte aujourd’hui 180 membres, s’adresse aux es villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable. Nous avons déposé notre candidature à l’appel d’offres de 2019 sur le thème de la musique, car nous y sommes pleinement légitimes. La musique fait partie de l’ADN de Metz depuis l’époque du chant géorgien. Nous pouvons justifier de l’existence d’un écosystème qui mobilise 75 % du budget Culture de la ville. Il s’appuie sur un opéra et sur plusieurs salles, mais aussi sur un réseau dense d’associations, de chœurs et d’harmonies. Dans le dossier que nous avons envoyé mi-juin, nous avons également fait état de nos coopérations internationales avec la Corée du Sud, de nos projets avec Québec et Brazzaville, et de toutes nos coopérations transfrontalières. Le conseil municipal a soutenu notre candidature à l’unanimité et nous avons obtenu les marques de soutien de tout le territoire. L’Unesco se prononcera en octobre prochain.
Propos recueillis par Pascale Braun
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