Le ministère de l’Agriculture érige une clôture à la frontière belge pour contrer la peste porcine africaine. La France table sur un abattage massif de sangliers pour rester indemne. Tour d’horizon en cinq questions.
Les autorités wallonnes ont constaté en septembre dernier un premier cas de sanglier contaminé par la peste porcine africaine. Depuis, près de 400 carcasses viropositives ont été retrouvées dans un périmètre infecté qui jouxte la frontière française.
Quelle est la situation à la frontière belge ?
Le ministère français de l’Agriculture a lancé le 24 janvier l’installation d’un grillage de 1,50 mètre de hauteur et enfoui à 50 centimètres de profondeur sur une longueur de 45 kilomètres en Meuse et dans les Ardennes. Les routes vicinales seront équipées de passages canadiens, des barres de fer placées sur le sol pour empêcher les animaux de passer. En septembre dernier, les fédérations de chasse françaises avaient posé une clôture électrifiée d’une centaine de kilomètres en Meuse et en Meurthe-et-Moselle, mais elle ne résiste pas aux charges des animaux ou aux chutes de branches.
La construction de la nouvelle clôture a été attribuée en urgence au groupe sarthois Saniez, pour un montant de 2,6 millions d’euros. Au 30 janvier, les 40 ouvriers ont monté 9,6 kilomètres de clôture et le chantier progresse au rythme théorique de 5 km/jour. L’agence de sécurité sanitaire Ances a tracé ses contours à 6 kilomètres de la frontière belge, également pourvue d’une clôture, pour contenir la maladie durant au moins un mois.
La clôture délimite une zone blanche d’environ 140 kilomètres carrés dans lequel nous procéderons à un dépeuplement intensif pour éviter l’arrivée de la peste porcine africaine sur notre territoire, qui en est pour le moment exempt.
Loïc Gouello, inspecteur général de santé publique vétérinaire et directeur de la cellule de crise du ministère de l'Agriculture
Comment éradiquer les sangliers ?
Le ministère compte exterminer les 500 à 800 sangliers de la zone blanche, laies gestantes et marcassins compris. L’Etat mobilise les grands moyens : seront autorisés les battues, le tir à l’affût, le tir de nuit à la lumière des phares, l’usage de fusils à visée nocturne et le piégeage. Tout début février, 40 militaires arriveront en renfort pour fournir la logistique, intensifier la traque et poser les corrals où les sangliers seront appâtés, puis abattus. Deux cents agents de l’ONCFS et de l’ONF seront mobilisés pour rechercher les cadavres qui seront détruits, la venaison étant interdite depuis le 24 janvier. Les chasseurs percevront une prime de 100 euros par sanglier abattu, géolocalisé, emballé dans une trousse mortuaire et déposé sur une plate-forme de collecte.
Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles arrivent un peu tard.
Michel Thomas, président de la Fédération des chasseurs de la Meuse
La fédération compte 8.000 adhérents. Les associations de défense de la faune sauvage jugent pour leur part calamiteuses les pratiques d’agrainage qui augmentent la valeur des adjudications de chasse, mais favorisent la prolifération des sangliers. Elles s’inquiètent du traumatisme de l’ensemble de la faune sauvage dans la zone blanche.
Peuvent-ils contaminer les cochons d’élevage ?
Non transmissible à l’homme, la peste porcine africaine se propage principalement par des contacts de groin à groin, d’où une progression assez lente d’environ 5 kilomètres par mois. C’est une maladie hémorragique hautement contagieuse, qui se caractérise par une forte fièvre pour les animaux, une perte d’appétit, des hémorragies au niveau de la peau. Il n’existe aucun traitement ni vaccin.
La maladie se serait propagée dans l’est de l’Europe à la faveur des contacts entre sangliers et porcs de basse-cour. En France, les porcs d’élevage sont en principe à l’abri du contact avec leurs congénères sauvages, puisqu’ils sont parqués dans des bâtiments d’élevage ou enfermés à l’air libre par une double clôture. Mais l’homme peut provoquer sans le vouloir la transmission de la maladie à la faveur de transport d’aliments ou de déchets, ou encore, par la présence de sang infecté sur les pneus des voitures ou sur les rails des trains.
Comment protéger les élevages ?
Les mesures biosanitaires – désinfection, gestion stricte des entrées et sorties – doivent éviter la contamination des porcs d’élevage. Les autorités sanitaires justifient le « dépeuplement » de la zone blanche par le souci d’éviter le déferlement de la maladie sur les sangliers de la France entière et les conséquences sur les élevages.
La clôture suffira-elle à confiner la peste ?
Pas sûr. Les chasseurs eux-mêmes admettent que la chasse intensive risque de faire migrer des sangliers d’ordinaire plutôt sédentaires et d’étendre le périmètre de la maladie. Le ministère de l’Agriculture prévoit déjà la construction d’un deuxième grillage de 50 kilomètres en Meurthe-et-Moselle. Le périmètre infecté en Belgique s’étend sur 63.000 hectares et la frontière entre la Belgique et les départements de la Meuse, Ardennes et Meurthe-et-Moselle s’étend sur 620 kilomètres. Limitrophes, l’Allemagne et le Luxembourg sont pour l’heure exempts de peste porcine africaine, mais les sangliers y prolifèrent également. La France compte environ 1 million de sangliers, contre 50.000 en 1970. Selon une étude européenne publiée par l’Organisation des Propriétaires Européens, le nombre de sangliers dans les pays européens a été multiplié par 4 à 5 en moyenne par pays durant les 20 dernières années.
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