Du 6 au 8 juin dernier, Metz a accueilli 1 400 congressistes représentant 180 villes aux Assises du centre-ville. Ouverte, pour la première fois à des intervenants européens, la rencontre a permis de comparer des modes de gouvernance et des politiques de renouvellement commerciale différentes, mais aussi de pointer des problématiques urbaines identiques de la Suède à l’Italie.
Un modèle urbain européen
Selon le troisième baromètre du centre-ville et des commerces publié début juin, neuf Français sur dix jugent intéressant que les villes européennes échangent pour partager leurs expériences. Largement commentée durant les Assises messines, l’enquête du CSA tombe à pic pour conforter l’association française des communes et régions d’Europe dans sa défense d’une certaine urbanité.
Les villes européennes reposent sur un modèle compact et multifonctionnel unique au monde auquel les citoyens sont attachés.
Philippe Laurent, président de l'association et par ailleurs maire de Sceaux
Réseau mondial spécialisé dans les initiatives en gestion de centre-ville, Tocema Wordlwide basé à Mons, en Belgique, distingue trois modèles de gouvernance : en Asie, les structures de gestion des villes sont financées par le privé, mais gérées par le public. Au Canada, la gestion des villes incombe au public, mais elle est arbitrée par le privé qui accepte ou non de s’acquitter d’une redevance. En Europe, le commerce s’inscrit dans une politique urbaine ou territoriale financée et gérée par le public.
Co constructions public/privé
Les élus ne doivent surtout pas décider seuls. La condition du succès est la co-construction.
Jean-Luc Calonger président de Tocema et fondateur du label éponyme
Le fondateur de l’association de management de centre-ville de Belgique distingue les fonctions de gestionnaire de centre-ville, recruté pour mettre en place la politique décidée par les élus, et le manager du commerce, qui lui est subordonné.
En Suède, notre modèle repose sur la confiance que la ville est capable d’inspirer au privé. Les investisseurs ne viendront que si la municipalité assure la sécurité, gère correctement les transports publics et relève le défi de l’e-commerce.
Paul Lindvall, adjoint au maire de Linköpings
La commune de 153 000 habitants s’appuie sur les compétences de son université et sur son tissu associatif pour rester à la pointe de la technologie.
Située dans le nord de la Ruhr, la ville de Dinslaken affiche son volontariste vis-à-vis des commerçants.
Nous initions des actions ponctuelles et locales, mais aussi des places du marché numérique qui fédère les points de vente de la ville.
Svenja Krämer, directrice du développement économique
De Luxembourg-ville au Hainaut, les villes et provinces proposent des plateformes en ligne mutualisées à leurs commerçants. « Aujourd’hui, le commerce est hybride. Même les points de vente de centre-ville ont besoin d’un portail internet », estime Pierre Goguet, président des CCI de France.
Des cœurs de villes à irriguer
La concurrence entre commerces physique et numérique n’a pas estompé la rivalité entre centres villes et périphérie. L’Allemagne interdit l’ouverture de magasins d’alimentation en-dehors des centres-villes. Dans le Vaucluse, Avignon a acté un moratoire pour stopper le développement des grandes surfaces en périphérie. Radical, le remède ne convient pas à toutes les agglomérations. Certaines d’entre elles préfèrent au contraire étoffer leur offre de périphérie pour contrer l’évasion commerciale.
Talon d’Achille des cœurs de ville, le stationnement fait l’objet de toutes les attentions. Agen a négocié avec Indigo une délégation de service public sur 20 ans. L’opérateur s’engage à investir 10 millions d’euros dans l’extension et la rénovation des parkings tout en proposant aux commerçants et aux travailleurs des tarifs ajustés. Luxembourg-ville organise des dessertes en minibus pour rapprocher de l’hypercentre les automobilistes garés loin des commerces. Châteauroux, qui a instauré voici 17 ans la gratuité des transports publics, n’oublie pas pour autant les automobilistes.
Nous avons lancé une super-carte qui, pour 10 euros, accorde jusqu’à quatre heures de gratuité consécutives dans trois zones de l’hypercentre. Cette initiative a bénéficié au commerce sans faire baisser les recettes de stationnement.
Gil Avérous, maire de Châteauroux
Aménager, animer, attirer
Le renouvellement du commerce relève aussi de l’urbanisme, de la culture et de l’attractivité économique.
Metz applique la règle des trois A : aménager, animer, attirer.
Dominique Gros, maire de Metz
La ville d’accueil des Assise a invité les congressistes à plusieurs visites de terrain. Metz n’est pas peu fière de s’être « reconstruite sur elle-même », notamment en créant le nouveau quartier de l’Amphithéâtre sur des friches ferroviaires situées derrière la gare. A Bourges, le centre commercial Avaricum s’est implanté en 2015 sur l’emplacement d’anciens logements délabrés du centre-ville.
Les commerçants se montrent parfois insensibles, voire rétifs aux mesures de redynamisation proposées par les élus. Ceux de Dinslaken ont vivement protesté contre le plan d’harmonisation des façades qui s’impose depuis quatre ans à tout nouveau repreneur d’une enseigne. Maire d’Avignon, Cécile Helle regrette que certaines boutiques ferment entre midi et 14 heures et dès 19 heures en plein festival – tandis qu’une nouvelle génération de commerçants n’hésite pas à ouvrir en continu jusqu’à 23 heures. Certaines villes, dont Châteauroux, ont imposé une taxe sur les friches commerciales qui n’a guère généré de recette, mais a considérablement accéléré les réhabilitations.
A Fermo, deux étés par an
La vitalité commerciale se nourrit de la vitalité générale et l’attractivité s’impose à tous. A Nancy, l’animation se concentre dans le centre-ville, qui est devenu notre principal lieu de programmation.
Laurent Hénard, maire de la cité Nancy
A Fermo, en Italie centrale, le maire Paolo Calcinaro a instauré un « deuxième été » pendant la saison hivernale pour offrir aux riverains des festivités différentes de celles proposées aux touristes.
La muséification n’est pas pourtant pas sans risque sans risque : une ville n’aurait rien à gagner à se transformer en parc de loisirs où l’on oublierait de faire ses courses.
La Caisse des dépôts en appui
Consciente de la complexité des mécanismes de la revitalisation, la Caisse des dépôts soutiendra à la fois les projets publics et les acteurs privés dans le cadre du plan national Action cœur de ville, qui mobilisera cinq milliards d’euros sur cinq ans.
Nous mettrons en place des moyens d’action décentralisés pour intervenir au plus près des villes et de leur bassin de vie. Nos dispositifs seront respectueux des territoires et tiendront compte de leur degré de maturité.
Michel-François Delannoy, directeur du programme Action Cœur de ville à la Caisse des dépôts et consignations
L’équation compliquée du dernier kilomètre
Le commerce virtuel se traduit en bout de course par des livraisons bien réelles réelle, souvent effectuées par des camions polluants garés en double file.
Les villes semblent accepter le fait accompli ou cherchent des solutions chacune dans leur coin, alors qu’elles disposent d’outils de contrôle.
Laetitia Dablanc, chercheure à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux
Les zones à faible émission ou des péages urbains sont encore bien rares, et inexistants en France.
Les consommateurs ont pris l’habitude de se faire livrer, mais aussi, de renvoyer à l’expéditeur près d’un article sur deux. Ce phénomène doit s’intégrer aux réflexions urbaines et peut se traduire par la création de zones de stockage dans des parkings ou des entrepôts du centre-ville.
Il n’y a pas de solution unique. Chaque ville doit tenir compte des fondamentaux – identifier les flux, les horaires, les points de collecte – et les adapter à sa géomorphologie en faisant preuve de pragmatisme.
Jean-Marie Sermier, député du Jura et président de la Fédération des entreprises publiques locales
Les sociétés d’économie mixte ont un rôle à jouer dans la logistique urbaine, mais l’équation du dernier kilomètre demeure compliquée : la livraison au client fait l’objet d’une concurrence farouche dans les grand centres urbains, mais les petites villes restent à la recherche d’un modèle solvable.
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