ArcelorMittal doit confirmer d’ici à la fin de l’année l’abandon définitif des hauts-fourneaux de Florange. La démolition des vestiges de l’ère sidérurgique est vécue tantôt comme un soulagement, tantôt comme un crève-cœur.
Mardi 5 juin, le comité de suivi des engagements d’ArcelorMittal à Florange se réunit à nouveau. Objectif : évoquer le sort des deux hauts-fourneaux placés « sous cocon » voici cinq ans, lors de la douloureuse extinction de la filière d’acier liquide.
L’accord conclu avec le gouvernement Hollande donne à l’industriel jusqu’à la fin de l’année pour annoncer, soit la remise en état, soit la désaffection définitive du P3 et du P6, dont les colossales silhouettes rouillées se dressent encore sur le ban communal de Hayange.
Réglementation environnementale
ArcelorMittal a largement tenu ses engagements en matière d’investissements, mais il paraît très peu probable qu’il rallume des hauts-fourneaux, dont le site peut désormais se passer. Même s’il le souhaitait, la réglementation environnementale s’est durcie et leur mise aux normes supposerait des investissements colossaux.
François Marzorati, président du comité de suivi
Selon toute vraisemblance, les deux mastodontes s’effondreront à plus ou moins brève échéance dans le fracas des explosifs et des pelleteuses. A dix kilomètres de là, l’ancienne centrale thermique EDF de Richemont s’efface peu à peu du paysage. A Gandrange, ArcelorMittal a promis d’achever la déconstruction de l’aciérie d’ici à 2022.
Poids des symboles et prix de la ferraille
Dans les vallées contiguës de la Fensch et de l’Orne, le recul de la sidérurgie a ouvert un kaléidoscope d’industries toujours en activité, de friches abandonnées et d’édifices dont le sort reste en suspens. La disparition des vestiges sidérurgique demeure un sujet sensible où s’entrechoquent le poids des symboles, le prix de la ferraille, le coût des démolitions et l’intérêt du foncier.
Les maîtres de forges ont souvent préféré faire du passé table rase. Jadis épicentre de la sidérurgie, la commune d’Uckange a vu disparaître l’un après l’autre cinq de ses six hauts-fourneaux avant que l’équipe municipale ne se lance, en 1991, dans le sauvetage du dernier d’entre eux, le U4.
Nous avions été choqués par le sort du haut-fourneau de la Senelle, à Longwy, dynamité par l’industriel juste avant que les sidérurgistes n’obtiennent son inscription à l’inventaire des Monuments historiques. Il nous semblait important de préserver la mémoire ouvrière en conservant cet édifice témoin.
Gérard Léonardi, maire d’Uckange
Inscription au Patrimoine
Propriétaire de l’U4, Sollac fait appel de son inscription au Patrimoine. Déclassé, puis réinscrit, le haut-fourneau, désormais propriété de la communauté d’agglomération du Val de Fensch, s’est transformé en musée à ciel ouvert flanqué d’un parc d’activité. Cette préservation n’a pourtant pas fait l’unanimité, nombre d’anciens sidérurgistes estimant qu’un haut-fourneau n’est pas fait pour servir d’attraction mais pour produire de la fonte.
Le traumatisme des fermetures a été tel que la population et les élus ont souvent préféré repartir sur un terrain vierge. Mais on peut aussi préserver des bâtiments d’une indéniable qualité architecturale pour reconstruire l’avenir sans se couper un passé grandiose.
Franck Renda, chargé de mission à l’Etablissement public foncier de Lorraine
Sur la ZAC des Portes de l’Orne, qui recouvre 83 hectares de friches sur les bans communaux de Rombas et de cinq communes limitrophes, l’opérateur a choisi de conserver une partie de l’héritage industriel laissé par l’occupant allemand, puis par les maîtres de forges français.
Une demi-douzaine d’édifices ont été détruits, mais l’ancien atelier locotracteur de 4.000 mètres carrés de surface et le magasin général attendent une éventuelle réaffectation. Impressionnante forteresse de briques grises, le bâtiment des Energies abritera une couveuse d’entreprises.
Terres polluées
Difficile à évaluer, la valeur patrimoniale des bâtiments est contrebalancée par celle, presque aussi incertaine, de la valorisation des matériaux de déconstruction et par celle du foncier. Le cours de la ferraille fluctue et son poids total n’est connu qu’à la fin des démolitions. L’industrie lourde a laissé des fondations descendant parfois jusqu’à 12 mètres, sur lesquelles nul ne se risquerait à bâtir quoi que ce soit.
Autour des anciennes usines, la terre est polluée à des degrés parfois rédhibitoires. Ainsi, la mairie de Thionville n’a pas réussi à mener à terme le projet de 800 logements prévus sur la friche Etilam. Désaffectée depuis 2005, l’ancienne usine de laminage d’ArcelorMittal concentre une contamination aux métaux lourds, aux hydrocarbures et aux solvants propres à décourager les promoteurs les plus entreprenants.
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