Ex-directeur des Affaires culturelles en Alsace, en Paca et en Lorraine, Jean-Luc Bredel préside aujourd’hui la Fondation rhénane pour la culture qu’il a fondée en 2015. Placée sous l’égide de la Fondation de France, cette jeune institution se propose de soutenir les projets culturels en rapprochant institutions, artistes et mécènes dans le territoire frontalier du Rhin supérieur.
Comment votre fondation intervient-elle aux côté des acteurs culturels du territoire rhénan ?
Depuis notre création, nous avons contribué à hauteur de 200 000 euros à des projets culturels transfrontaliers émanant d’au moins des deux trois pays du Rhin supérieur – la France, l’Allemagne et la Suisse. Outre ce soutien financier, nous ouvrons nos réseaux aux jeunes créateurs pour les aider à entrer dans les métiers artistiques, conforter les coopérations existantes et favoriser les flux intellectuels et créatifs qui traversent les frontières.
Comment concrétisez-vous cette volonté de rapprochement ?
Nous travaillons à la constitution d’un réseau unique qui rapprochera deux initiatives culturelles transfrontalières, le magazine en ligne Szenik et le Pass-Musées. Issu d’un projet Interreg Rhin supérieur, Szenik propose une sélection des créations artistiques et culturelles du Grand Est transfrontalier. Né d’une idée suisse, le Pass-Musées constitue un passeport ouvrant l’accès à 320 sites culturels de trois pays, de la Lorraine à la Franche-Comté en passant par la Rhénanie-Palatinat, le Bade-Wurtemberg et les régions de Bâle et de Bern.
D’ici à septembre prochain, nous aurons rédigé des conventions bilatérales associant la Fondation rhénane pour la culture à Szenik d’une part et au Pass-Musées d’autre part. Ces réseaux englobent l’essentiel de l’activité culturelle. Il ne nous manquera plus que le patrimoine et l’architecture dans sa dimension créative.
Quelles sont les caractéristiques culturelles de l’espace rhénan ?
C’est l’un des espaces culturels les plus denses d’Europe, avec une offre exceptionnelle dans tous les domaines. Qu’il s’agisse d’art lyrique, de théâtre, de musées ou de danse, l’espace rhénan a bénéficié de tout ce qui a été imaginé dans les trois pays. Côté français, il bénéficie des dispositifs de création et de diffusion instaurés par Jack Lang. En Allemagne, des villes comme Fribourg, Mannheim, Karlsruhe ou Baden-Baden montrent combien le cadre fédéral est favorable à la culture. Quant à la Suisse, elle présente en la matière une richesse stupéfiante.
Les acteurs culturels de Rhin supérieur sont-ils conscients des possibilités de coopération qu’offre cette densité ?
Ce sont tous des militants de l’Europe. Ils connaissent la richesse de ce territoire et sont conscients de la nécessité de coopérer, mais cela ne suffit pas. Il est surprenant de constater que les flux transfrontalier restent limités. Il faudra travailler pour inciter le public à bouger davantage. En matière d’arts vivants, l’initiative doit venir des acteurs eux-mêmes. Le nombre de coproductions ou de co-réalisations reste faible, et il arrive encore trop souvent que des opéras ou des compagnies théâtrales fassent la même chose de part et d’autre de la frontière.
J’observe néanmoins de beaux exemples de coopérations, comme les échanges entre les théâtres de Nancy et Karlsruhe, la Haute école des arts du Rhin et ses homologues allemands et suisses ou encore, les coopérations qui se nouent autour du festival strasbourgeois Musica.
Quelles des différences ou divergences entre observez-vous entre pratiques culturelles rhénanes ?
Il existe des différences de culture : les Français sont particulièrement attirés par les arts plastiques et la culture et fréquentent massivement les musées dans les pays qu’ils visitent. Les Allemands présentent pour leur part une culture musicale nettement supérieure à celle des Français.
L’autre différence réside dans le financement de la culture. Côté suisse et allemand, les financements privés jouent un rôle important, notamment via les fondations qui disposent d’énormes moyens. En France, c’est l’argent public – celui de l’Etat, des régions, des intercommunalités ou des villes – qui a financé la culture au cours des quarante dernières années, mais le recours à l’argent privé va devenir incontournable.
Le rôle de la Fondation rhénane pour la culture consiste aussi à faire émerger le mécénat. Seule institution transfrontalière placée sous l’égide de la Fondation de France, nous bénéficions du réseau de ses homologues dans 13 pays européens. Cela permet par exemple à une entreprise allemande de financer une manifestation culturelle française en bénéficiant des mêmes dispositifs législatifs et fiscaux que dans son pays. Notre principal mécène est l’entreprise Würth, mais d’autres sociétés allemandes expérimentent aujourd’hui ce dispositif à petite échelle. Côté français, nous assistons, avec l’exposition l’Industrie magnifique qui s’achève à Strasbourg, à une initiative de mécénat particulièrement intéressante. Je suis convaincu qu’il existe un parallélisme entre les aventures économique et artistique. A l’instar d’un entrepreneur, un artiste est une personne qui prend des risques en se lançant dans un projet. L’un et l’autre sont donc faits pour s’entendre.
Propos recueillis par Pascale Braun
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