Après son combat contre le cancer, elle est devenue patronne du premier groupe de BTP vosgien Livio. Et l’a hissé haut. Portrait.
Depuis septembre, Livio, premier groupe de BTP Vosgien, et Anne-Claire Goulon, sa cogérante, ont récolté une moisson de récompenses. L’entreprise, qui fêtera en juin ses quatre-vingt ans, a décroché le prix Moniteur de la construction, remis par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des Territoires. Sa patronne, déjà lauréate des trophées Femmes de l’économie Grand Est en 2017, vient d’être nommée présidente de l’association Face Vosges, consacrée à la lutte contre l’exclusion.
Les Vosges sont à la fois le département où il y a de plus de chômage et celui où les entreprises ont le plus de mal à recruter.
Anne-Claire Goulon
Ce qui n’a pas échappé à Emmanuel Macron, attendu, ce mercredi, dans la région.
Changement de voie et de vie
Les distinctions remportées par cette quadragénaire aux allures d’adolescente couronnent un parcours marqué par des épreuves, mais guidé par un insatiable appétit de vie et de partage. En vingt ans de carrière, la commerciale rousse, débordante d’énergie, a changé plusieurs fois de voie et de vie, tout en renforçant ses convictions. Et en deux ans à peine, elle a propulsé un groupe familial aux avant-postes du progrès technique et de l’inclusion sociale.
Au passage, elle est membre du réseau d’entreprises Ambassadeurs des Vosges, qui défend les atouts économiques du département. Anne-Claire Goulon, native de Pont-à-Mousson, a pourtant fait ses premières armes loin des montagnes lorraines. Son diplôme de l’ESC de Lille en poche, elle débute en 1996 chez SC Johnson en commercialisant des produits ménagers auprès de la grande distribution française. Le géant américain fait d’elle une négociatrice aguerrie, mais la jeune femme se lasse des challenges continuels. S’estimant « pressée comme un citron », elle quitte la multinationale en 2001 pour s’engager dans… les transports, au plus près du terrain.
Cancer@Work
Ce virage la ramène en Lorraine, où elle devient directrice des ventes, puis de la plate-forme internationale de Mory Team à Nancy. Sa carrière démarre en trombe, avec un gros contrat dès ses débuts, mais sa vie privée part en vrille. Mère de deux enfants en bas âge, la trentenaire se découvre un cancer. A peine remise, elle divorce, et la maladie récidive avec violence. Elle y répond par une formidable rage de vivre, reprend la main sur son traitement et se fixe une kyrielle de projets à réaliser quand elle sera guérie. Le soutien discret de son supérieur hiérarchique, qui lui accorde une promotion promise nonobstant son absence, la touche et la galvanise. De retour en poste, elle intègre l’expérience dans sa pratique du management.
Le cancer touche une personne sur dix, ce qui signifie que dans chaque entreprise, il y a des salariés dont la vie sera hachée. Puisque l’on ne peut pas éviter le problème, il faut faire en sorte qu’il soit vécu le mieux possible.
Anne-Claire Goulon, également membre de l'association Cancer@Work
Rétablie, Anne-Claire Coulon quitte le groupe Mory fin 2010, juste avant le premier redressement judiciaire qui marquera le début du naufrage du premier transporteur français. Elle intègre les Magasins Généraux de l’Est, où elle implante une plate-forme multimodale qu’utilisent, aujourd’hui encore, la plupart des acteurs industriels du département.
Devenir dirigeante
L’aventure aurait pu se poursuivre, mais dans la liste des envies d’Anne-Claire Goulon figurait le désir de devenir dirigeante. Sa rencontre avec Frédéric Peduzzi, héritier, avec son frère Dominique, d’un groupe de BTP fondé par leur aïeul en 1938, lui permet de concrétiser cette ambition.
Le dirigeant cartésien et la femme de terrain sont complémentaires. Anne-Claire Goulon se forme aux métiers du bâtiment et met en oeuvre ses acquis en marketing, management et organisation. Elle crée la marque ombrelle Livio, qui regroupe la maison mère Peduzzi et dix autres structures englobant toute la supply-chain du BTP, de la conception au gros oeuvre, soit 400 salariés pour 75 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017.
En douze mois, les synergies ont permis de gagner 6 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Anne-Claire Goulon
La dirigeante compte aussi à son actif la massification des achats, la création d’un pôle informatique et le lancement d’une politique de RSE.
Anne-Claire Goulon se tient à l’affût des mutations technologiques – imprimante 3 D, exosquelettes, « lean » dans le BTP -, et des opportunités de croissance externe. En prime, elle s’implique dans l’accès à l’emploi, l’insertion et la défense de la ruralité. Car cette Vosgienne en est convaincue, la pérennité de l’entreprise passe par celle de son territoire.
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