Les épiciers qui développent la vente en vrac viennent d’obtenir le droit de vendre de l’huile d’olive et comptent s’attaquer au riz et aux lentilles sous appellation. Un combat qui illustre la montée en puissance de ce nouveau type de commerce.
Manque de bol ou coup de chance ? En octobre 2017, trois semaines après l’ouverture de son épicerie en vrac Le Gramme de Folie, la Nancéienne Ludivine Locarini reçoit la visite d’une inspectrice de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). La fonctionnaire lui rappelle que la vente d’huile d’olive en vrac est illicite. La jeune femme fait valoir qu’elle est en attente d’un agrément sollicité auprès de FranceAgriMer. Un sésame qui, accordant au commerçant le statut de conditionneur, permet aux « vraqueurs » de contourner la réglementation. Conciliante, l’inspectrice lui accorde un délai.
L’agrément est arrivé trois jours plus tard. Dans l’intervalle, j’ai préparé, en lien avec le conseil juridique du Réseau vrac, une demande circonstanciée sur la vente d’huile d’olive, car il s’agit d’un produit important. Celle que je vends est bio, extravierge et pressée à froid, et mes clients ne la trouveront pas en grande surface.
Ludivine Locarini
La réglementation exige qu’elle remplisse, sous les yeux du client, une bouteille de verre neuve dont l’étiquette indique les caractéristiques et la provenance de l’huile. Le bouchon est scellé par une deuxième étiquette qui garantit l’intégrité du contenu tant qu’elle n’a pas été déchirée. La DGCCRF valide alors cette pratique dans un courrier que la jeune filière compte bien faire valoir sur l’ensemble du territoire.
Bataille réglementaire
Le sujet n’est pas anecdotique : à la différence des autres huiles, l’huile d’olive est protégée par un article du règlement européen (CE n° 29/2012 du 13 janvier 2012) qui exclut de facto la vente en vrac, puisque le produit doit être préemballé et présenter un système d’ouverture qui perd son intégrité dès la première ouverture.
Ce dispositif visait à éviter la contrebande ou les mélanges d’huiles. Mais il serait pénalisant de ne pas pouvoir vendre d’huile d’olive : elle est appréciée par les consommateurs, qui risquent d’aller faire l’ensemble de leurs courses ailleurs s’ils ne la trouvent pas chez leur épicier en vrac !
Célia Rennesson, directrice de l'association Réseau vrac, qui s'est structurée depuis 2016 dans un contexte de montée en puissance de ce type de commerce
Vrac du placard
Surfant sur la volonté des consommateurs de produire moins de déchets, d’acheter des produits plus locaux, le réseau des épiceries en vrac compte une centaine de boutiques et surtout 250 projets en cours. Sans oublier une centaine de fournisseurs qui développent ce qu’ils appellent le « vrac du placard » (aliments, cosmétiques, détergents) c’est-à-dire les produits que l’on ne doit pas ranger dans le frigo et qui, depuis la fin des années 1960, ne se vendent plus qu’emballés.
Problème : il faut adapter les règles. L’avancée sur l’huile d’olive, espèrent-ils, leur ouvrira la voie à la commercialisation d’autres aliments placés sous signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine tels les AOP/AOC, les IGP et les produits Label rouge. Les vraqueurs s’intéressent tout particulièrement aux produits secs – lentilles du Puy, riz de Camargue, piment d’Espelette, noix du Périgord…- dont ils ne peuvent, pour l’heure, afficher ni l’origine ni le logo. En effet, la plupart des cahiers des charges imposent le pré-emballage, rendent obligatoire un conditionnement de proximité ou interdisent explicitement l’expédition en vrac en dehors du bassin de production.
La vente en vrac constituerait un débouché intéressant pour les producteurs de produits sous sigle officiel, d’autant que les clients de ces commerces sont friands de produits de qualité et de proximité. La filière du vrac préconise d’instaurer un cadre juridique garantissant la qualité des produits et la sécurité des consommateurs, tout en restant simple, souple et adaptable.
Lucia Pereira, avocate associée du cabinet Armand, conseiller du Réseau vrac
Parmi les pistes explorées figurent la mise au point de conditionnements inviolables et réutilisables ou encore l’adhésion des vraqueurs aux organisations de producteurs locaux. La pérennité de la vente vrac reposera sur la négociation de chaque détail.
--Télécharger l'article en PDF --
Poster un commentaire