Président de Metz Métropole et maire de Montigny-les-Metz, Jean-Luc Bohl assure depuis juin 2016 la fonction de vice-président du conseil régional du Grand Est en charge des coopérations territoriales et transfrontalières.
Il présente à Correspondances lorraines les grandes lignes de la diplomatie de la nouvelle région.
Comment avez-vous débuté dans vos nouvelles missions ?
La relation franco-allemande a vécu trois moments forts au cours des derniers mois : la rencontre entre François Hollande et Angela Merkel à Metz le 7 avril, la sixième session franco-allemande qui s’est tenue le 7 juin à Berlin et l’invitation, toujours à l’ambassade de France à Berlin, d’une délégation du Grand Est présidée par Philippe Richert, président du conseil régional du Grand est, à l’occasion du 14 juillet.
Organisée sous l’égide des ambassadeurs français et allemand, la session franco-allemande a permis d’aborder une multitude de sujets concrets : enseignement supérieur, marché du travail, apprentissage de la langue du voisin, mais aussi transports, coopération sanitaire et policière ou garantie décennale… J’ai vécu cette entrée en matière dans mes nouvelles fonctions comme un moment de fierté, à titre personnel et pour le Grand Est. La région est une nouveauté pour tout le monde. Pour la première fois, deux personnes – le représentant de l’Etat et celui du Grand Est – représentent les trois anciennes entités. Dans cette nouvelle configuration, la coopération transfrontalière doit apparaître comme le laboratoire d’une Europe plus simple, plus lisible et plus concrète.
Quelles thématiques avez-vous identifiées ?
Il faut approfondir la coopération en matière de culture, d’enseignement et de recherche, d’attractivité du territoire, de déplacements et d’apprentissage de la langue du voisin. Le multilinguisme constitue un élément essentiel pour mieux vivre ensemble, lutter contre le chômage et fluidifier le marché du travail. J’ai participé aux travaux préparatoires de la Stratégie Allemagne de la Lorraine et je rencontrerai prochainement Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, qui porte cette stratégie à l’échelle du Grand Est. Mes échanges avec Annegret Kremp-Karrenbauer, présidente du Land de Sarre, me confortent dans la conviction qu’il existe une attente côté allemand.
Nous souhaitons également renforcer l’accompagnement des travailleurs et faire valider par l’Etat le statut officiel de Maison des frontaliers. La Maison du Luxembourg à Thionville, la Mosa à Forbach et les quatre centres Infobest d’Alsace doivent être reconnus comme la porte d’entrée aux services communs mis en place par Pôle emploi et les Arbeitsagenturen
Comment aborderez-vous la question d’une contribution du Luxembourg à certaines infrastructures lorraines, dont l’A31 bis ?
Nous entretenons avec le Luxembourg des relations de de familiarité et de proximité et partageons les mêmes préoccupations en termes de déplacements. A terme, il faudra que le Grand-Duché puisse contribuer au financement de certains équipements comme la Suisse le fait dans les départements frontaliers du canton de Genève.
La question du financement des infrastructures concerne à la fois le Luxembourg et l’Allemagne.
Le Luxembourg augmente de manière vertigineuse sa capacité de fret, et une partie des semi-remorques qui se retrouvera fatalement sur l’A31. L’Allemagne, a étendu la taxe poids lourds au réseau routier secondaire, ce qui incitera les routiers à passer par la France. Le renoncement à l’Ecotaxe côté français me semble tragique sur le plan humain et environnemental. Philippe Richert défend la mise en place expérimentale de la taxe poids lourds sur le plan régional.
Globalement, sait-on ce que le Grand Est attend de ses voisins et ce que ses voisins attendent de lui ?
Pour l’instant, le Grand Est apprend à vivre avec lui-même. Il doit mettre en cohérence les politiques des anciennes régions avant de définir sa politique internationale et transfrontalière. Il lui faudra également faire converger les objectifs de la Grande Région et du Rhin supérieur.
La coopération ne part pas de rien : avec 470 kilomètres de frontières, nous partageons avec nos voisins une histoire et une géographie commune. Nous ne sommes pas là pour renverser la table, mais pour mettre en place une politique lisible, crédible et acceptée. Je suis partisan de la méthode Schuman, qui consiste à avancer pas à pas. Face à la tentation du repli sur soi, des nationalismes et des extrémistes, nous devons porter le message fort et explicite que nos voisins constituent une chance.
Propos recueillis par Pascale Braun
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