Riverains de la Meuse, la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas renforcent leur coopération depuis le début de la décennie. Le projet européen Amice a renforcé la solidarité de basin à l’échelle transnationale et amorcé une nouvelle approche des adaptations qu’imposeraient le réchauffement climatique et la raréfaction de la ressource.
En préambule du projet Interreg IV B Amice (Adaptation of the Meuse to the Impacts of Climate Evolutions) engagé en 2009, quatre des cinq pays riverains du fleuve Meuse – la France, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas, exception faite du Luxembourg – ont dû résoudre un casse-tête révélateur : sur un même point de mesure frontalier et à un même instant T, les mesures de débit effectuées par les différents partenaires pouvaient varier d’un, voire de deux mètres !
Il a fallu prendre du recul pour comprendre l’erreur. Les mesures étaient justes, mais les modes de géoréférencement des pays partenaires étaient différents. Une fois les systèmes de coordonnées bien calés, les données se sont avérées fiables, transposables et échangeables.
Jérémy Leplus, chargé de mission hydraulique à l’Etablissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents (Epama)
Les usages de la Meuse
Pour autant, cette harmonisation n’a pas conduit à l’uniformisation des outils. Chaque pays a conservé ses propres systèmes de mesure conformément aux législations en vigueur, mais aussi en fonction des différents usages du fleuve. Peu propice à la navigation commerciale sur son parcours français, la Meuse contribue de manière importante au transport des marchandises en Belgique et aux Pays-Bas. Bordé par deux centrales nucléaires, Chooz dans les Ardennes et Tihange en Belgique, le fleuve constitue également une source d’énergie majeure pour la Wallonie, qui y exploite six centrales hydroélectriques. Les Pays-Bas y puisent l’essentiel de leur eau potable et l’irrigation de leurs grandes cultures. Dans ce large éventail de préoccupations, la priorité la mieux partagée est certainement celle de la prévention des crues, qui se sont parfois avérées ravageuses.
Plus de pluies et moins d’eau
Les prévisions des climatologues du Giec en matière de réchauffement climatique évoquent une incidence sur toutes les activités ancrées au long de la Meuse, incitant les pays riverains à une réflexion sur les aménagements actuels et futurs. Irrégulier par nature, le débit de la Meuse pourrait connaître des pics en hiver et des étiages drastiques en été.
L’impact du réchauffement climatique sur l’agriculture est certain, mais difficile à modéliser. Les exploitants des centrales nucléaires doivent s’attendre à une augmentation des arrêts de production liés à un débit insuffisant pour le refroidissement. Dans l’ensemble du bassin versant, le risque accru d’inondation et d’étiage a renforcé le sentiment d’appartenance.
Regroupant 17 partenaires, Amice a constitué un projet important du programme Interreg VA. Il a permis aux partenaires institutionnels, aux chercheurs et aux associations de mieux faire connaissance, de surmonter les différences méthodologiques et culturelles et d’instaurer la confiance. Cette réussite a inspiré le désir de coopérer sur de nouvelles thématiques.
Blanca Linz, chef de projet International à l’Epama
A l’issue du projet Amice, un nouveau groupe de travail s’est constitué pour mieux cerner l’incidence de la baisse du niveau de l’eau. Les gestionnaires des ouvrages et des établissements publics s’interrogent sur l’impact économique et social de la raréfaction d’une ressource jusqu’à présent estimée inépuisable, et sur les mesures qui permettraient une gestion plus efficace. En février dernier, un projet déposé dans le cadre des fonds européens Northern Europe a essuyé une fin de non-recevoir, mais ses porteurs n’entendent pas jeter l’éponge.
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