Conquérir un client industriel allemand et le conserver à vie ? Selon Gilles Untereiner, directeur général de la chambre de commerce française en Allemagne, ce pari est tout à fait à la portée des PME françaises, et a fortiori lorraines. Cet objectif suppose néanmoins un investissement lourd et une connaissance fine des différences culturelles qui régissent l’économie de part et d’autre de la frontière.
Invité ce mardi 2 juin 2015 par le Medef 54, Gilles Untereiner, directeur général de la chambre de commerce française en Allemagne et auteur de plusieurs ouvrages sur les relations économiques franco-allemandes (*), a présenté à la Maison de l’entreprise de Maxéville un mode d’emploi truculent de la percée commerciale que peuvent espérer les entreprises française sur le marché allemand. Excluant d’entrée de jeu les secteurs de la distribution et des produits industriels standards, l’orateur conseille aux dirigeants de cibler les nombreuses ETI – entreprises de taille intermédiaire dites de « Mittelstand » – qui ont besoin de fournisseurs de haut niveau pour conserver leur rang sur le marché mondial.
Les entreprises allemandes sont toujours ouvertes à l’innovation technologique. Elles ont besoin de propositions concrètes sur une spécialité précise. Elles recherchent également la sécurité dans l’approvisionnement. Lorsqu’un fournisseur parvient à les convaincre, il sera toujours sollicité, sans mise en concurrence, pour accompagner les développements technologiques dans une logique de co-développement.
Gilles Untereiner, directeur général de la chambre de commerce française en Allemagne
Le commercial, oiseau rare et coûteux
Le manager commercial constitue un messager indispensable pour la conquête du marché allemand. Or, cet oiseau rare et coûteux ne sera efficace que s’il intègre parfaitement les mœurs de son terrain de chasse. Cette espèce est d’ailleurs fort rare Outre-Rhin, où les écoles de commerce et de management et de commerce sont peu courues. En Allemagne, le commercial ne prend véritablement son envol que vers l’âge de 40 ans, après avoir fait ses preuves dans la technique et l’organisation de l’entreprise. Son salaire moyen s’élève à environ 80 000 euros auxquels s’ajouteront 30 000 à 35 000 euros de frais de représentation. Supérieur à celui de son homologue français, ce salaire sera en large part compensé par des charges sociales culminant à 20 %.
Pour ce prix, le commercial allemand se montrera plus éleveur que chasseur, cultivant son réseau de connaissances avant de s’aventurer hors de ses terres. Les objectifs au pourcentage à la française, qui comportent toujours une part de rêve, lui sont étrangers, car les Allemands s’appuient sur une prévision réaliste mûrement calculée. Un commercial pulvérisant ses objectifs serait d’ailleurs mal vu en Allemagne, où son zèle risquerait de heurter une vision collectiviste de l’entreprise. Le reporting exigé par l’employeur portera plus sur le suivi technique présenté au client que sur une approche quantitative.
Une mise de fonds de 500 000 euros
Une PME française désirant exporter en Allemagne devra compter deux à trois ans pour créer son marché, soit une mise de fonds de près de 500 000 euros pour espérer générer un chiffre d’affaires d’environ 1,5 million d’euros. Le dirigeant français aura tout intérêt à filialiser dès que possible sa structure allemande pour bénéficier d’un système fiscal et social nettement plus avantageux. Artisan du succès, le commercial pourra se voir confier la direction de cette filiale, voire une part du capital de l’entreprise.
Le marché allemand est énorme et il est à nos portes. C’est là qu’il faut aller, plutôt que de batifoler en Bretagne ou à Bordeaux !
Gilles Untereiner
La première prise de contact s’effectuera selon toute vraisemblance en allemand. Pour les chefs d’entreprise que cet impératif inquiéterait, la chambre de commerce de France en Allemagne met à disposition de ses membres les services d’une quarantaine de salariés, ingénieurs ou spécialistes bilingues ou trilingues. Depuis 1992, sa filiale Stratégy & Action international accompagne les entreprises dans leurs projets d’implantation et de développement à l’export.
(*) Frankreich lohnt sich, © CIRAC, 2013 ; Les différences culturelles et le management, édition Maxima 2005, réactualisé en 2010.
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