Défenseur des gens du voyage, Olivier Berthelin est décédé le 7 août à l’âge de 58 ans. Successivement travailleur social, libraire et journaliste, le fondateur des Dépêches tsiganes a combattu inlassablement les discriminations, les préjugés et les injustices. Collègues, amis et compagnons de route lui rendent hommage.
Soutenu par sa famille, Olivier Berthelin s’est éteint le 7 août dernier au presbytère protestant de Drulingen à l’âge de 58 ans. Même affaibli par 18 mois de maladie, cet homme bon et discret a impressionné ses proches par la force de ses convictions et le courage de ses combats. Imprégné d’une double culture militaire et religieuse, ce libertaire gardait chevillé au corps les valeurs de dévouement, de loyauté et de fidélité. Humaniste épris de liberté, il s’est engagé aux côté des gens du voyage. Les Dépêches Tsiganes, qu’il a fondées en 2010, constituent à la fois un site d’information, une publication de référence en matière juridique et une sentinelle indispensable à l’heure des dérives racistes et xénophobes. Meurtris par la disparition d’Olivier, ses amis entendent bien conserver vivant un outil précieux.
Olivier Berthelin était un homme de cœur et un grand humaniste qui s’est mis au service des gens du voyage sans aucune distinction. Il a gagné la confiance de tous, évangélistes, laïques, chrétiens, sédentaires ou itinérants, français ou étrangers. Nous lui rendons hommage et lui promettons que son combat pour la tolérance continuera.
Milo Delage, président de France liberté voyage
Né à Nouméa, orphelin dès l’enfance d’un père militaire, Olivier Berthelin, licencié en théologie, n’a jamais craint de se confronter à la détresse. Aide-soignant dans une maison de retraite, puis éducateur dans un foyer d’adolescents, ce jeune homme frêle avait l’érudition discrète, l’amitié pudique et la loyauté indéfectible. Nul ne savait comme lui témoigner une attention, comprendre sans juger et garder un secret. Travailleur social dévoué, mais souvent révolté, Olivier était aussi un amoureux de l’écrit. Diffuseur, puis éditeur, il s’est établi comme libraire à Sarre-Union après son mariage en 1992 avec Danielle Hauss, pasteure en Alsace bossue, dont il eut deux enfants. Mais ce grand travailleur n’avait pas l’âme d’un commerçant. A la fermeture de son magasin, il a rejoint l’agence de presse messine ID Lorraine en tant que documentaliste. La photocopie n’était pas son fort. La presse l’intéressait bien davantage.
Olivier était attachant, tant dans le contact personnel que dans la relation professionnelle. Sa discrétion et sa modestie naturelles, son profil d’autodidacte ne l’ont pas empêché d’investir avec passion, compétence et profondeur les champs méconnus de notre société. Un peu à l’image de sa position géographique excentrée, il s’est intéressé aux périphéries dont les micros et les caméras se tiennent habituellement éloignés. Pour tout cela, il a fait honneur à notre profession que son parcours a fini par rejoindre.
Christian Robischon, journaliste, qui l'accompagna dans sa reconversion professionnelle dans les années 2000
Olivier s’est engagé dans le journalisme à sa manière, avec discrétion et pugnacité. Les accents, la ponctuation et les accords ne furent jamais ses amis, mais il cultiva avec persévérance les techniques d’interview, la connaissance des sujets et la conscience professionnelle. Il fit ses premières armes à ID Lorraine avec le Fil des ans et l’Hôtellerie. A la disparition de l’agence, il collabora à la Gazette des communes, au Moniteur des travaux publics et au Courrier des maires, dont il resta correspondant jusqu’aux derniers mois de sa maladie.
Un journaliste en quête de justice et de justesse
Consciencieux et opiniâtre, Olivier s’est spécialisé dans les thématiques de l’aménagement des aires d’accueil, du logement social et de l’habitat non sédentaire. Marginaux, méconnus, ignorés, ces sujets l’ont conduit vers les gens du voyage. Il a approché les populations les plus discriminées avec modestie et respect, puis mit à leur service sa rigueur et son honnêteté. Il n’a cessé d’écrire et décrire avec justesse et empathie le monde des gens du Gens du voyage, R(r)oms, habitants de résidences mobiles ou éphémères.
Contrairement à la presse écrite où chacun des articles sont calibrés au signe près, le web donnait à Olivier une vraie liberté d’écriture. Le site des Dépêches Tsiganes est né d’un blog constitué de ses surplus des enquêtes qu’il n’avait pu réussir à faire entrer dans les versions papier commandé et payé. Très vite, les articles qu’il publiait dans les Dépêches Tsiganes sont devenues des enquêtes exclusives. La richesse de ses papiers, le nombre incalculable d’interlocuteurs qu’il questionnait longuement pour être sûr d’avoir saisi la complexité des situations, mais aussi les registres entre lesquels il naviguait (juridique, technique, politique…) ont donné au site une coloration particulière.
Agnès Thouvenot, ancienne journaliste qui contribua à la création des Dépêches tsiganes
Les Dépêches Tsiganes sont le fruit d’un engagement aussi passionné que désintéressé.
Avec son imper à la Columbo, Olivier apparaissait de prime abord comme un journaliste atypique et assez déroutant. Il a conquis ses interlocuteurs par sa persévérance et sa force tranquille. Il croyait tellement en ce qu’il faisait que personne ne pouvait douter de son honnêteté.
Evelyne Pommerat, documentaliste à la Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du voyage
Tout entier dévoué à sa cause, Olivier fut sournoisement rattrapé par un sale ennemi, un cancer du poumon qui le précipita dans 18 mois de calvaire. Dès les premiers mois de sa maladie, le ravage collatéral d’une intervention chirurgicale le laissa paraplégique. Aux tourments de la chimio s’ajoutèrent des tracasseries administratives et matérielles. Olivier dut se battre pour faire valoir ses droits sociaux de journaliste pigiste, se heurta aux lenteurs administratives et aux promesses non tenues de l’accessibilité. Enfermé dans son fauteuil, affaibli, de plus en plus diaphane, Olivier n’a cessé de faire front. La mort elle-même a mis longtemps a venir a bout de son courage. La conscience ne l’a jamais quitté et son cœur a résisté au-delà de l’imaginable.
--Télécharger l'article en PDF --