Les mentalités ne se régénèrent guère plus vite qu’une forêt. En matière de construction, il aura fallu des décennies pour que des idées neuves sortent du bois et rendent caducs de vieux a priori. Non, une maison en bois n’est pas forcément une cabane. Oui, l’épicéa vosgien vaut largement son cousin scandinave. En charpente, en façade ou en cloison, le bois s’avère aussi solide que la brique, plus résistant aux flammes que l’acier et sous certaines formes, aussi malléable que le béton.
La forêt vosgienne était naguère dévolue à la production de bois brut revendu à bas prix aux négociants de France entière. Sous l’impulsion de quelques pionniers, scieurs, charpentiers, constructeurs de maisons et de panneaux ont peu à peu pris conscience que ce bois pouvait valoir de l’or. La filière a transformé des activités ancestrales en industries modernes. Les professionnels ont appris à découper des éléments de bois au micron près, à rationaliser les procédés d’assemblage et à exporter leur savoir-faire.
A Epinal, où l’Ecole nationale supérieure des industries du bois (Enstib), le Pôle de compétitivité fibres du Grand Est et le Critt bois font campus commun, enseignants et chercheurs ont soufflé sur les braises de l’innovation. Ils ont transformé le bois en laine, en mousse ou en en colle. Les communes forestières ont vérifié que le hêtre pouvait se tailler une place aux côtés des résineux comme bois de construction. Poussant les investigations de la forêt au champ, les agronomes ont démontré la possibilité de cultiver les composantes d’une maison saine, solide et économe. La paille a fait ses preuves tant en isolant qu’en structure porteuse. Le chanvre indien – dans sa variante industrielle – et le roseau chinois peuvent se décliner sous forme de mortiers et d’isolants. Puits de carbone, gages de biodiversité, éléments de dépollution des sols, ces matériaux libèrent de surcroît une ultime énergie sous forme de biomasse.
Reste que le bois ne s’est pas encore transformé en or. La filière ne manque ni de défenseurs, ni de précurseurs. Le bailleur social le Toit vosgien s’apprête ainsi à battre un record européen de hauteur avec un immeuble de huit étages en paille et en bois à Saint-Dié-des-Vosges. Mais le secteur manque d’un pilote. Les incroyables approximations quant à la ressource forestière disponible, la pléthore d’organismes dédiés à l’écoconstruction, mais peu enclins à la mutualisation, les lacunes dans la formation des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre et des salariés freinent l’essor escompté. L’un des enjeux du Pacte Lorraine, qui place le bois parmi les filières d’excellence et d’avenir de la région, sera de remédier à ces carences.
Pascale Braun
À la tribune
À la Une
Bois : l’or vert des Vosges
Les scieurs investissent pour adapter leur production à la demande de constructeurs régionaux de maisons en bois. Le projet Green Valley structure une éco-construction en plein essor.
Une maison neuve sur quatre est construite en bois dans les Vosges. Le département forestier, qui fournit du matériau de charpente à la France entière, peine pourtant à répondre à la demande croissante de son propre marché. Voici encore deux ans, l’épicéa constituant les murs, les poutres et les planchers de ces nouveaux chalets provenait presque exclusivement des forêts allemandes et scandinaves. Les pins vosgiens, sciés, mais non séchés, étaient, eux, expédiés comme bois de charpente dans l’Ouest et le Sud-Ouest de la France.
Le pôle Fibres, artisan du bâtiment durable
Les 29 et 30 mars à Metz, un territoire interrégional fertile accueille le second forum national du réseau Bâtiment durable des pôles de compétitivité.
La mise en cohérence des acteurs de l’éco-construction mobilise la région Lorraine et le département de la Moselle.
Le même souci de conforter le savoir-faire de ses entreprises en matière d’écoconstruction anime le conseil général de la Moselle, qui a lancé dès 2008 la charte Bâtiment durable et intelligent. La démarche, qui associe entre autres la fédération départementale du BTP, la Capeb Moselle, l’Ademe lorraine et des bailleurs sociaux, a permis de sensibiliser et d’orienter quelque 500 entreprises.
Dans les Vosges, la société d’économie mixte Green Valley, portée par la communauté d’agglomération d’Epinal-Golbey, multiplie les projets industriels. Soutenue par la Datar, la « grappe d’entreprises exemplaires » accueille le fabricant d’isolants NR Gaia. Une chaudière à biomasse équipera le papetier Norske Skog, Le suisse Pavatex ouvrira l’an prochain son unité de production de panneaux.
Dans les Vosges, le hêtre prouve son potentiel dans la construction
Le dernier salon Habitat & Bois d’Epinal a consacré l’entrée du hêtre dans la famille du bâtiment. Le palmarès régional de la construction bois a confirmé la domination du département des Vosges.
En lançant en janvier dernier un concours d’idées sur une constructionen hêtre, la communauté de communes de la Vôge vers les rives de Moselle (C2VRM) ne s’attendait pas à susciter une telle émulation : 57 architectes du Grand Est de la France – mais aussi d’Ile-de-France, d’Italie ou de Suisse – ont planché sur la réalisation d’un ensemble de six maisons, à Xertigny (Vosges).
Marie Barthélémy, responsable du projet Végisole à l’Agria Lorraine
« L’agriculture peut fournir la construction »
Chanvre, paille, miscanthus, ortie : ciblés par le projet de recherche Vegisole, bouclé fin juin, ces quatre matériaux tiennent-ils leurs promesses ?
Partis sans idées préconçues, nous avons défriché des potentiels que nous n’imaginions pas. Nous avons ainsi pu mettre en évidence l’intérêt technique de la paille porteuse. Le miscanthus, que nous pensions utiliser comme laine isolante, a démontré un potentiel intéressant sous forme de mousse et de béton. Nous n’avons pas pu réaliser de voile d’ortie, faut de maîtriser le défibrage. Mais cette plante, dont on connaît mal la culture, constitue un défi agronomique.
Emmanuel Cuchet, délégué général de Gipeblor
« Il n’y a pas encore de conflit d’usage dans la filière bois »
Après les 18 licenciements sur le site vosgien d’Ossabois, l’essor de la filière vous semble-t-il mis en cause ?
Il convient de distinguer les différents débouchés de la construction bois. Le marché de l’immobilier de loisir, sur lequel se situe Ossabois, s’est contracté à la fin du chantier de Center Parcs à Sarrebourg. Le logement individuel et collectif se trouve également affecté par la crise, qui touche à la fois les particuliers et les collectivités, mais dans une moindre mesure. Le secteur reste porteur, surtout en comparaison des autres filières du bâtiment.
Ecologgia, une start-up du durable
L’actualité récente, dans le Grand Est de la France, confirme le dynamisme de groupes indépendants dans différents métiers de la construction.
Créé en 2008 dans l’idée de récolter les fruits du marché naissant du bâtiment à basse consommation, le nancéien Ecologgia s’est d’emblée installé sur toutes les strates de la filière, de la promotion immobilière à la pose en passant par la production industrielle et l’ingénierie.
« Nous avons mis trois ans à constituer la chaîne associant ces éléments. Nous envisageons aujourd’hui une diversification dans la réhabilitation de logements sociaux et une extension géographique. »
François Pélissier, créateur et P-DG du groupe Ecologgia
L’université lorraine apporte sa pierre au développement durable
L’apport de la toute jeune Université lorraine et des grandes écoles régionales à la construction durable rassemble les participants au quatrième Café bavard organisé par le Moniteur, ce 20 janvier au salon pour l’isolation, le sanitaire et le chauffage à la Foire internationale de Metz.
L’Université lorraine(*) démontre dès sa première année d’existence une forte implication dans la construction durable. Acteurs de cette dynamique régionale, l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du Bois (Enstib) basée à Epinal, l’IUT de génie civil de Nancy-Brabois, l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy (Ensan) et l’école de géologie de Nancy préparent conjointement pour la rentrée 2013 un nouveau master de génie civil mutualisant les compétences environnementales.
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