Fragilisé par 150 ans d’exploitation, le sous-sol du bassin ferrifère de Lorraine se dérobe peu à peu, confrontant les communes à l’impossibilité de construire. Le bassin de Landres (54) s’appuie sur une expérience de construction métallique pour démontrer la viabilité de ses projets d’extension.
Agence Damned
« Considérant que la subdivision de la DDE d’Audun-le-Roman n’est plus en mesure d’exercer l’instruction des procédures d’actes administratifs concernant l’administration du droit des sols (…), le conseil communautaire prendra en charge l’ensemble des procédures relatives aux permis de construire, permis de démolir, certificats d’urbanisme à compter du 1er juillet 2004. » Votée en novembre 2003, la résolution de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) du bassin de Landres (Meurthe-et-Moselle) adopte un ton proche de la sécession. Touchée par des affaissements en 1993, la communauté de communes s’est trouvée exclue du bénéfice de la loi « après-mines », votée en 1999 pour indemniser les sinistrés. Depuis 1997, l’Etat y impose un gel de l’urbanisme.
L’Etat et son bureau d’études, Géodéris, nous ont appliqué le principe de précaution jusqu’à l’asphyxie. Certes, 92 % de notre territoire est classé en zone rose, présentant un risque d’affaissement de moins de 3 %. Mais il suffit que chacun assume ses responsabilités pour concevoir des modes de construction adaptés à la fragilité des sols.
Jean-Paul Perret, directeur général des services de l'EPCI
La communauté de communes préconise une “privatisation des risques”. Les cartographies de Géodéris serviraient de référence aux maîtres d’oeuvre pour construire des bâtiments résistant aux pendages prévisibles. Si les cartographies s’avéraient erronées, la responsabilité de l’Etat se trouverait engagée.
L’acier pour reconstruire dans le bassin ferrifère
Restait à démontrer la possibilité de construire durablement en sols fragiles. Pierre Engel, ingénieur spécialisé dans la construction métallique et professeur d’architecture à l’université Paris-Val-de-Seine, a relevé le défi en édifiant une construction expérimentale en acier de 25 mètres de long sur 14 mètres de large à Mercy-le-Bas (54), sous maîtrise d’ouvrage de l’EPCI. Relevé d’un mètre à l’aide de vérins, le bâtiment a résisté aux torsions et tassements correspondant aux affaissements les plus ravageurs.
Au vu des résultats, le Comité scientifique et technique de la construction (CSTB) s’est trouvé contraint d’intégrer les matériaux alternatifs – bois et acier – au guide de la constructibilité qu’il est chargé d’élaborer dans le bassin ferrifère.
Simon Stachowiak, maire de Tucquegnieux (54) et président de l'EPCI du bassin de Landres
Ductile et moins pondéreux qu’une construction classique, l’acier présente de solides atouts face aux matériaux classiques. Une ceinture périphérique intégrée aux fondations permet de relever le bâtiment en cas d’affaissement. La technique a été retenue dans le cadre des prescriptions de constructibilité éditée fin juillet par le CSTB. Ces dernières s’appliqueront dans le cadre des plans de prévention des risques miniers (PPRM) applicables aux communes où plus de 50% du territoire est affecté par des aléas miniers. Trois des douze communes de l’EPCI – Piennes, Landres et Joudreville – font d’ores et déjà l’objet de PPRM.
Les surcoûts en débat
Soucieux d’éviter la mise en cause de sa responsabilité à l’avenir, l’Etat préconise fermement la construction dans des zones exemptes d’aléas. Mais les quelque 110 communes concernées par les risques d’affaissement voient dans ce principe un risque de désertification pur et simple.
Reconstruire les villes à la campagne, pourquoi pas ? Mais il est certainement moins cher d’adapter la construction aux risques d’affaissement que de reconstruire routes et réseaux à deux kilomètres de la ville !
Jean-Paul Perret
Pour l’heure, le surcoût des constructions en zones d’aléas miniers semble difficile à évaluer et la question de sa prise en charge restera théorique tant qu’aucune construction nouvelle n’aura vu le jour en zone d’aléas. Or, une bataille juridique se profile d’ores et déjà. “Concernant les actes dorénavant instruits et délivrés par l’EPCI du bassin de Landres, la prise en compte des risques engendrés par l’exploitation minière se fait dans le cadre de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. L’Etat exerce ensuite un contrôle de légalité sur ces actes et peut déférer devant le juge un acte qui lui paraît ne pas avoir pris en compte le risque lié à l’exploitation minière”, prévient la préfecture de Meurthe-et-Moselle. L’EPCI du bassin de Landres prendra soin de se conformer strictement aux prescriptions du CSTB. Tout permis de construire accordé – et non dénoncé – en zone d’aléas miniers aura donc valeur d’exemple pour l’ensemble du bassin ferrifère.
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