Les difficultés économiques que rencontre actuellement l’Etat inquiètent les collectivités locales.
Le gouvernement a déjà, par deux fois, annoncé des mesures de restriction budgétaire. Dès le début de l’année, face à une conjoncture dégradée, Bercy constituait « une réserve de précaution et d’innovation », de 3,97 milliards d’euros, pris sur les crédits de la quasi-totalité des ministères. Une façon élégante de nommer ce qui n’est autre qu’un « gel » de crédits. Le 14 mars 2003, un décret (n° 2003-226) annulait plus du tiers de cette réserve, soit 1,44 milliard d’euros. Il s’agissait, cette fois, non pas de suspendre l’engagement des sommes correspondantes, mais de supprimer ces dépenses.
Par ailleurs, plus de la moitié des reports de crédits de 2002 sur 2003 ont également été gelés (6,9 milliards sur 11,6 milliards d’euros). Les causes de ces gels et annulations sont connues : un budget 2003 établi sur des hypothèses de croissance optimistes et un ralentissement de la conjoncture qui a déjà eu pour effet une dégradation d’environ 5,1 milliards d’euros des recettes de l’Etat. Par ailleurs, le gouvernement affiche clairement, parmi ses priorités, la maîtrise des dépenses publiques au même titre que la baisse des prélèvements obligatoires. Il faut ajouter à cela le fait que la France, signataire des traités de Maastricht et d’Amsterdam, doit ramener son déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en 2004, faute de quoi elle s’exposera à une sanction financière.
Du gel… à la suppression ?
Le montant des régulations budgétaires reste limité si on le rapporte aux 273,8 milliards de crédits ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2003. Mais le plan de régulation aura un impact sur les projets et programmes des collectivités. D’autant que l’ensemble des sommes gelées pourraient bien être purement et simplement annulées par une loi de finances rectificative en fin d’année.
L’hypothèse selon laquelle il faudra aller au-delà de l’annulation du 14 mars 2003 et annuler le reliquat de crédits gelés sur 2003, ainsi que le reliquat de reports de 2002 sur 2003 mis en réserve, doit désormais être dans l’esprit de tous les gestionnaires publics.
Philippe Marini, sénateur (UMP) de l'Oise, rapporteur général de la Commission des finances, dans son rapport sur le débat d'orientation budgétaire, daté du 20 juin
Opacité des comptes de l’Etat
Les craintes des élus locaux se nourrissent d’incertitudes. Si, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, le ministère du Budget tient le Parlement informé des coupes décidées ici et là, l’opacité des comptes de l’Etat demeure bien réelle. Il est impossible, en effet, de savoir avec précision quels seront les programmes, les politiques et les collectivités territoriales affectés par ces révisions à la baisse. Mais de nombreux acteurs locaux constatent d’ores et déjà que les services de l’Etat instruisent les demandes de cofinancement avec un zèle accru. Le volet territorial des contrats de plan Etat-région (CPER) semble figurer parmi les « victimes » de ces économies, de même que les crédits consacrés à l’aménagement du territoire, à tel point que le gouvernement rend « facultative » l’évaluation des CPER prévue au printemps 2004. Ceci est préoccupant, alors que des dizaines de contrats de pays et d’agglomération, en gestation depuis des mois, doivent être signés prochainement.
Les services de l’Etat refusent de nous donner une quelconque indication sur les sommes qu’ils investiront dans le cadre de notre contrat de pays. Nous ne savons plus ce que nous devons y faire figurer. Alors qu’en 2001, la Datar nous avait annoncé qu’elle financerait plusieurs de nos actions, on nous a clairement fait comprendre que les caisses du fonds national d’aménagement et de développement du territoire [FNADT] sont vides.
Philippe Marini
Enfin, rien n’indique que le pacte de croissance et de solidarité, qui indexe l’enveloppe normée des concours de l’Etat aux collectivités locales (inflation + un tiers de la croissance du PIB) ne soit reconduit en 2004 dans les mêmes termes. Certains parlementaires, Pierre Méhaignerie, président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, en tête, vont répétant que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort d’économie entrepris par l’Etat.
Sept budgets à la loupe
Volets « routes » et « transports » des contrats de plan, protection de l’environnement, action territoriale du ministère de la Culture, lutte contre l’exclusion, rénovation urbaine, « la Gazette » fait l’inventaire des secteurs sensibles touchés par les régulations.
Contrat de Plan
C’est désormais certain : l’Etat ne tiendra pas sa parole sur le financement des contrats de plan 2000-2006 (CPER), dont l’évaluation à mi-parcours, déjà reportée au printemps 2004, ne revêtira pas finalement un caractère obligatoire (elle s’effectuera à la demande des régions). Néanmoins, les mesures intégrées dans les contrats et décidées lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 13 décembre 2002 (40 millions d’euros pour le développement de la téléphonie mobile, dont 20 millions pour la construction de pylônes, par exemple) seront rélisées. De même pour celles décidées lors du CIADT du 26 mai 2003. En revanche, les crédits des CPER financés par le FNADT (140 millions d’euros en 2003) et les lignes budgétaires classiques des ministères sont amputés par la Direction du budget du ministère de l’Economie. L’Etat ayant pris du retard dès la première année d’application des contrats, Bercy a beau jeu de geler aujourd’hui la délégation de crédits supplémentaires du fonds. Le ministère de l’Economie a même « joué avec les nerfs » du ministère de l’Aménagement du territoire, en lui déléguant brusquement des crédits du titre VI du FNADT à la mi-avril, avant de demander des comptes sur l’utilisation de ces crédits dès juin, laissant peu de temps au ministère pour engager les dépenses.
Par ailleurs, faute d’une nomenclature budgétaire faisant apparaître clairement des financements interministériels transversaux sur les CPER, Bercy opère des coupes sur les lignes budgétaires identifiées par les ministères comme relevant des CPER, sans tenir compte de l’impact de ces régulations sur les contrats. Les crédits n’étant pas fongibles, aucun report n’est possible sur les lignes CPER. Finalement, « l’Etat ne respecte pas sa parole, déplore un haut fonctionnaire. La seule solution serait l’élaboration d’un budget interministériel clairement identifié sur les dispositifs contractuels entre l’Etat et les collectivités ».
Aménagement du territoire
La Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) paie cher sa sincérité budgétaire. Elle bénéficiait de nombreux reports de crédits au titre des années 2000, 2001 et 2002. Soucieux de montrer l’exemple, le ministre de l’Aménagement du territoire, Jean-Paul Delevoye, a baissé son budget 2003 en conséquence, sans se douter de la régulation à venir au printemps. Or Bercy diminue aujourd’hui de manière drastique les crédits de fonctionnement de la Datar, qui peut tout juste commander des fournitures de bureau… Plus grave, faute de crédits suffisants, la délégation n’est pas en mesure de lancer les études et les projets que lui a confiés le CIADT de décembre 2002. Tout juste a-t-elle pu créer un Observatoire des territoires, qui procèdera à une évaluation de la richesse et de la pauvreté de ces derniers, étude à l’appui de laquelle le gouvernement pourrait réformer le dispositif de péréquation financière entre les collectivités.
Nous vivons sur les études de 2002 et nous lancerons d’autres projets en janvier 2004.
un haut fonctionnaire
Les crédits « libre d’emploi » délégués aux préfets de région sont aussi amputés et la Datar a aujourd’hui tout juste les fonds nécessaires pour débloquer les crédits d’ingénierie destinés aux pays et aux agglomérations, alors qu’un nombre croissant devrait signer leur contrat (39 contrats d’agglomération d’ici à la fin de l’année). Enfin, la Datar devrait tout juste obtenir la totalité des crédits 2003 de la prime d’aménagement du territoire (PAT, 105 millions d’euros) pour assurer le versement des primes des dossiers en instance de paiement « même si Bercy s’ingénie à les débloquer par tranches ».
Les perspectives pour 2004 ne sont guère réjouissantes pour la Datar et pour les collectivités. La délégation demande la reconduction des 140 millions d’euros du FNADT consacrés aux CPER et de 113 millions d’euros (section générale) au titre notamment des crédits délégués aux préfets et du financement des CIADT 2002, 2003 et 2004. Bercy, pour sa part, prévoit 106 millions sur les CPER et 30 millions en section générale, soit un différentiel de 117 millions d’euros qui ne permettra pas d’assurer le niveau incompressible des dépenses en 2004. La PAT 2004 devrait bénéficier de 71 millions d’euros en autorisation de programme (- 17 millions par rapport à 2003) et de 40 millions d’euros en crédits de paiement (- 5 millions d’euros/2003).
Environnement
Stratégie nationale du développement durable, Charte de l’environnement… Le ministère de l’Ecologie et du développement durable enchaîne les annonces grandiloquentes, mais n’est pas sûr de pouvoir honorer ses dépenses jusqu’en décembre. Sur les 768 millions d’euros de budget 2003 (loi de finances initiale), 43 millions ont alimenté, au printemps, la « réserve de précaution » gouvernementale. La moitié de cette somme (21,5 MS) a été définitivement annulée. Pire encore : le ministère n’a toujours rien perçu des 114 MS non dépensés en 2002, qui devaient lui être versés à la fin avril. Le report de crédits s’est, lui aussi, transformé en gel. Roselyne Bachelot plaide auprès d’Alain Lambert, ministre du Budget, pour un déblocage partiel de 82 MS, sans lequel la situation deviendrait critique. La participation au budget des associations de surveillance de la qualité de l’air chuterait alors de 15 à 20 %, indique-t-on au cabinet de la ministre. Et, même en cas de dégel, ce financement diminuerait de 5 à 10 %. Les associations de protection de la nature (sous convention avec le ministère) subissent déjà des baisses de subventions et des retards de paiement, qui imposent des coupes dans les programmes et les effectifs.
A l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, le budget « énergies renouvelables » devrait être rallongé de 42 à 62 MS (en 2002, il avait doublé à 84 MS en cours d’année). La maîtrise de l’énergie mobiliserait, comme en 2002, 31 MS. Les déchets bénéficieraient seulement de 90 MS de crédits, contre 150 MS par an, en moyenne, sur la décennie écoulée et un pic à 200 MS en 2002.CulturePromise à la « sanctuarisation » par Jacques Chirac, lors de la campagne présidentielle de 2002, « la culture ne sera pas épargnée par les réductions budgétaires », pronostique le sénateur (UMP) de l’Aube, Yann Gaillard, rapporteur du budget 2003 de la culture. Selon le plan de régulation, 11 % des crédits d’investissement ont déjà été annulés. Un taux somme toute modeste, au regard des coupes annoncées dans d’autres ministères (de 17 % à 30 % des crédits d’investissement).
Les crédits d’intervention (titre IV du budget de la culture) concernent essentiellement les subventions aux institutions et aux manifestations. Parmi celles-ci, les festivals risquent fort de figurer parmi les premières victimes. A maintes reprises, Jean-Jacques Aillagon a évoqué son intention de réduire le nombre de festivals directement aidés par son ministère. De 279 actuellement, ils pourraient passer à une quarantaine, et faire l’objet d’un conventionnement au titre du label « d’intérêt national », attribué sur la base de critères ayant trait à la promotion de la création et à l’élargissement des publics. En revanche, le développement des équipements de proximité (les 56 médiathèques en milieu rural et dans les quartiers périphériques des villes, baptisées « ruches ») semble moins menacé. Le 26 mai, lors de la présentation de l’action territoriale de son ministère, Jean-Jacques Aillagon a annoncé « un soutien financier tout particulier, à la fois en investissement et en fonctionnement », avec 1,1 million d’euros d’aide au fonctionnement (titre IV) et 0,75 million d’euros pour l’investissement.
Action sociale
Pour le secteur de la solidarité et de la santé, les 29,7 % de crédits d’investissement gelés dans le plan de régulation augurent mal de l’avenir. Pour leur part, les associations ont déjà tiré le signal d’alarme : le versement des subventions se faisant attendre, elles peinent à fonctionner. Néanmoins Dominique Versini, secrétaire d’Etat à la Lutte contre l’exclusion, a pu annoncer, le 17 juin, le déblocage des 87 millions d’euros destinés à l’urgence sociale, initialement gelés au titre de la réserve de précaution. De son côté, Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux Personnes âgées, négocie avec Bercy la reconduction des moyens consacrés aux comités locaux d’information et de coordination gérontologique (Clic), soit 23 millions d’euros, et des crédits nécessaires à la mise aux normes des maisons des retraite dans le cadre des contrats de plan (49 millions d’euros en 2003).
Quant à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, inscrite dans le cadre d’un plan établi pour la période 2001-2005, son financement par le biais des crédits d’assurance-maladie suscite de vives inquiétudes chez les professionnels : sur les 180 millions d’euros prévus à cet effet pour l’année 2003, seuls 80 millions ont été débloqués. Pour la Fédération hospitalière de France, il faudrait, pour rattraper le retard l’an prochain, augmenter le budget des Ehpad de 17 % (à 3,72 milliards d’euros).
Equipement-transports-logement
Le ministère de Gilles de Robien contribue à hauteur de 13 % à la régulation budgétaire. Ce qui n’est pas neutre, car le budget de ce ministère est le premier budget d’investissement civil (12,1 milliards d’euros pour les interventions publiques, 4 milliards d’euros pour les investissements directs en crédits de paiement en 2003 et 4,4 milliards d’euros en autorisations de programme). Auditionné le 3 juillet par la commission des finances du Sénat, le ministre a précisé que le gel de crédits intervenu en février 2003, suivi d’annulations de crédits, représentait pour son ministère 814 millions d’euros. Certains secteurs ont été sauvegardés, selon lui : la sécurité routière, la sécurité maritime et le logement locatif social. Ce dernier secteur a bénéficié de redéploiement de gels de crédits qui ne seront pas consommés, grâce aux économies réalisées à la suite de la baisse des taux d’intérêt sur le prêt à taux zéro.
Selon Gilles de Robien, cette mesure permettra d’atteindre les objectifs de construction de logements sociaux. Parallèlement, le ministre a affirmé que l’Etat opérera les versements complémentaires de crédits nécessaires au fonctionnement des fonds de solidarité logement (FSL) dans une dizaine de départements. En revanche, le ministre a admis que le budget d’investissement de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat avait été touché de 30 % par les gels de crédits. D’autres secteurs ont été plus affectés, comme le tourisme (gel de 5,7 millions d’euros). Le ministre a évoqué, pudiquement, les quelques aménagements que les volets routier (245 millions d’autorisations de programme mis en réserve) et ferroviaire des CPER avaient dû subir, sans donner plus de précisions.
Sur le terrain, les conséquences des régulations
Salve de motions au conseil général de la GirondeDe mémoire de conseiller général de la Gironde, on n’avait jamais vu cela : à la fin de la séance plénière du département, le 27 juin, pendant laquelle les élus votaient le budget supplémentaire, pas moins de dix-sept motions, venant des bancs socialistes et communistes, ont été mises au vote. Plusieurs d’entre elles sont venues en réaction aux décisions de réduction ou de gel de crédits du gouvernement. Une motion « dénonce tout particulièrement le désengagement de l’Etat dans le domaine social, le logement, la jeunesse, l’insertion, ainsi que les conséquences très dures pour les familles en difficultés ».
Le texte rappelle la réduction du fonds de solidarité au logement (FSL), celle du budget Ville-vacances-politique de la ville (VVV), « la suppression de 60 000 euros » à une ferme expérimentale girondine œuvrant pour l’insertion des toxicomanes, le gel du budget de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et celui du fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild).
« Cette diminution des dotations met en péril la poursuite des actions de proximité effectuées par de nombreuses associations dans le domaine social, culturel, du logement, de la médiation, de la formation et de l’accès aux droits », assure le groupe socialiste. Par ailleurs, « les aides à la médiation locative ont été divisées par deux, puis rétablies sans négociation ni concertation avec les associations qui ne savent plus comment préparer et gérer leurs budgets », poursuit la motion. Les signataires reprochent d’autres tergiversations du gouvernement, comme celles concernant le plan local d’actions pour les jeunes (Plaje).
Le département soutient aussi le comité départemental du tourisme (CDT) confronté au « désengagement du secrétariat d’Etat au Tourisme, qui a décidé de réduire de 43 % la subvention accordée à la Fédération nationale des CDT », peut-on lire dans une motion du 24 juin.
Enfin, une motion critique la baisse de 87 % de la dotation affectée par la préfecture de Gironde au plan de pollution d’origine agricole et, de manière plus générale, la diminution de l’enveloppe globale du fonds national pour le développement des adductions d’eau. Un dernier texte reproche la suppression d’une partie de la dotation prévue pour les opérations de restructuration de l’artisanat et du commerce (Orac) affectée dans le cadre du contrat de plan Etat-région 2000-2006. Toutes ces motions ont été votées à la majorité (socialiste et communiste), puis envoyées au préfet de région et au Premier ministre.
Sonnette d’alarme au Conservatoire des sites lorrains
Victime de retards de règlements et de coupes sombres dans le budget 2003 du ministère de l’Ecologie et du développement durable, le Conservatoire des sites lorrains (CSL), basé à Fénétrange (Moselle), tire la sonnette d’alarme :
Nous restons en attente de 170 000 euros, correspondant à des travaux réalisés en 2000 et en 2001. Si cette somme n’est pas débloquée, nous prévoyons la cessation de paiement pour la fin juillet.
Laurent Gigout, directeur
Fondé en 1984 pour veiller à la préservation de la biodiversité, l’organisme, qui emploie 35 salariés, ne subsiste aujourd’hui que grâce à un découvert de 200 000 euros accordé sur la base d’un nantissement sur les délibérations attributives de subventions. A ces difficultés s’ajoute la mauvaise « surprise » du gel des autorisations de programmes pour 2003 – à l’exception du programme Natura 2000, d’un test méthodologique préalable à la réactualisation des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique pour 2004-2006 et des engagements souscrits dans le cadre du CPER.
Nos missions d’expertises écologiques, de gestion et de valorisation des sites et d’animations d’actions pédagogiques sont compromises.
Laurent Gigout
Le CSL se tourne vers les collectivités pour essayer d’assurer sa survie. Les conventions pluriannuelles signées avec le conseil régional, le conseil général des Vosges, l’agence de l’eau et certains établissements publics de coopération intercommunale devraient stabiliser le fonctionnement du CSL au cours des prochaines années.
Haute-Savoie : « Pas inquiets, mais vigilants » sur les contrats de ville
Les contrats de ville intercommunaux d’Annemasse et de la moyenne vallée de l’Arve sont-ils menacés par les coupes budgétaires ? Pas vraiment, selon leurs chefs de projet respectifs, Stéphane Denjean et Isabelle Delorme. Seuls les crédits du fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations ont subi une chute vertigineuse.
Son impact était minime. Nous sommes plutôt dans une position d’attente car il n’y a pas de remise en cause des crédits d’Etat.
Stéphane Denjean
L’enveloppe 2002 a été reconduite cette année, tant en fonctionnement (88 610 euros) qu’en investissement (76 000 euros). Nous avons même reçu un peu plus en budget de fonctionnement. En revanche, le doute est de mise pour les projets non contractualisés.
Isabelle Delorme se dit optimiste pour le contrat de la vallée de l'Arve
Nous ne sommes pas inquiets, mais vigilants. Nous voyons mal comment la participation de l’Etat pourrait s’arrêter.
Benoît Prioul, directeur général adjoint des services de la mairie de Cluses, chargé de suivre le contrat local
Diverses actions (bibliothèque de rue, contrat local d’accompagnement scolaire) sont appelées à prendre de l’ampleur. D’autres programmes sont en bonne voie : ouverture d’un point information jeunesse, dont l’inauguration est prévue à l’automne ; création d’un espace parentalité à la fin 2003 ; organisation d’un raid estival avec les services jeunesse ; actions péri et extra-scolaires destinées aux enfants dont les familles sont « de passage ». En revanche, une inquiétude demeure concernant la création de l’Espace Clemenceau à vocation intercommunale (musiques actuelles, médiathèque, espace multimédia…).
Nous avons des interrogations sur les crédits d’investissement d’Etat (40 000 euros). Nous n’avons pas de réponse pour le moment.
Benoît Prioul
La région Rhône-Alpes prête à faire crédit à l’Etat sur le volet ferroviaire
En 2003, la participation de l’Etat au volet ferroviaire du CPER 2000-2006 avoisinera 14 millions d’euros au lieu des quelque 25 millions d’euros prévus. La restriction budgétaire s’annonce drastique dans ce secteur, qui représente le premier poste du CPER en investissement, dans le cadre de programmes financés à quasi-égalité par les deux partenaires (445 millions d’euros pour l’Etat, 416 millions pour la région sur la durée du contrat de plan). Le désengagement de l’Etat intervient au moment où les projets ferroviaires doivent entrer dans leur phase de réalisation. Pour limiter les retards, Anne-Marie Comparini, la présidente de la région, a souhaité avancer une partie des financements de l’Etat. Les crédits, qui seront proposés aux élus régionaux à la mi-juillet, devraient permettre de tenir les délais pour les projets les plus urgents (Annemasse, Ouest lyonnais, Firminy-Saint-Etienne).
Dans le secteur routier, le constat est presque aussi mauvais. Le rapport d’exécution du contrat de plan pour 2002 note que « le gel budgétaire opéré par l’Etat s’est traduit par un faible taux d’exécution du programme routier, inférieur d’un tiers par rapport au programme prévu ». Pour 2003, la baisse des engagements de l’Etat devrait être au minimum du même ordre, puisque seuls 50 % des crédits sont garantis, 30 % sont reportés et 20 % restent en suspens.
Midi-Pyrénées : menaces sur le désenclavement routier
En mars 2000, lors de la signature du CPER par Midi-Pyrénées, l’événement avait été qualifié d’« historique ». Avec un budget global de 1,9 million d’euros, la région avait obtenu la première enveloppe nationale consacrée aux routes : 376 millions d’euros de crédits d’Etat et autant pour la région, soit l’équivalent de 30 % du budget régional. Plus grande région de France, avec huit départements à dominante rurale, Midi-Pyrénées s’est fixé pour priorité de désenclaver son territoire. Mais, trois ans après, l’heure est au désenchantement face au désengagement de l’Etat. Le taux d’exécution cumulé depuis trois ans s’élève, pour le volet transports, à 31,65 % contre un taux théorique de 42,84 %.
Plus grave, ces taux Etats-région cumulés marquent, en réalité, une raréfaction croissante des financements de l’Etat. En 2002, 32,65 millions d’euros (9,41 % des crédits) ont été engagés, conséquence des gels des crédits de 2002.
Notre inquiétude est de repartir en 2003 sur la base de 2002, avec un gel de 20 %, sachant que nous avons eu la confirmation par le ministère du Budget d’une « mise en réserve » supplémentaire de 30 %, un terme qui est une nouveauté dans le vocabulaire de Bercy. Le risque est d’accumuler un retard irrattrapable.
Martin Malvy, président du conseil régional
Les gels des crédits d’Etat ont déséquilibré certaines opérations, dont certaines d’importance interrégionale (sur la RN 88, axe « européen » Toulouse-Lyon pour la première tranche entre Rocoule et Séverac, ou encore la rocade 2 x 3 voies au sud de Figeac dans le Lot). Le volet ferroviaire, grande fierté du contrat de plan midi-pyrénéen, est également passablement écorné : l’Etat aurait engagé 0,94 million d’euros, soit 2,28 % des engagements contre 5,84 millions d’euros pour le conseil régional (14,19 % des engagements). Deux projets interrégionaux seraient compromis : le projet Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, une liaison voyageurs en train pendulaire, et Béziers-Neussargues pour le fret. Les élus régionaux pourraient envisager une action en justice contre l’Etat pour le non-respect de ces accords contractuels.
ville : silence, le ministre négocie
Vous verrez des grues partout.
Jean-Louis Borloo, le 18 juin lors de la présentation de son projet de loi pour la ville et la rénovation urbaine
Verra-t-il les crédits sur lesquels l’Etat s’est engagé (2,5 milliards d’euros sur cinq ans) ? Le ministre négocie d’arrache-pied les crédits nécessaires à l’engagement de son « plan Marshall » en faveur des villes en difficulté. Et aurait mis sa démission dans la balance. En 2003, la régulation des crédits de son ministère a entraîné la suppression du Fasild et l’amputation du fonds d’intervention pour la ville, une mesure sur laquelle le ministère se refuse à communiquer le moindre chiffre. L’Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain estime que les coupes sur le FIV varient entre 20 et 50 % selon les sites, et déplore la fragilisation des associations.
Réactions
Les caisses de l’Etat sont dramatiquement vides… A Montreuil, certaines associations vont devoir déposer le bilan, l’Etat leur ayant annoncé une subvention qui ne leur est pas versée. Cela devient dramatique et s’ajoute au coût de l’arrêt du financement par l’Etat des emplois-jeunes et du transfert de charges qui en résulte, car nous avons décidé de maintenir leurs postes.
Jean-Pierre Brard, député de Seine-Saint-Denis (groupe communiste et républicain), maire de Montreuil
Nous nous battrons pour que le contrat de croissance soit reconduit. Il faut garder quelques chiffres en tête: le gouvernement a procédé à un gel de 2,6 milliards d’euros de crédits budgétaires et à une suppression de 1,44 milliard d’euros, sur 273,8 milliards d’euros. Nous nous battrons pour que le gouvernement reconduise le contrat de croissance et de solidarité qui indexe les principales dotations aux collectivités sur la croissance et l’inflation.
Gilles Carrez, député (UMP) du Val-de-Marne, rapporteur général de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, maire du Perreux
On se dirige vers de nouvelles annulations massives. L’aide publique au développement, les crédits destinés aux handicapés ou aux contrats de plan Etat-région sont les plus directement touchés par ces coupes. Et on se dirige vers de nouvelles annulations massives. Hélas, il est très difficile de savoir quelles régions et quels projets seront concernés.
René Dosière, député (PS) de l'Aisne
Les crédits destinés aux collectivités locales sont annulés en priorité. Les gels de crédits ne nécessitent aucun affichage particulier. Leur ampleur réelle est donc très difficile à évaluer. Dans de nombreux cas, les collectivités devront procéder à des emprunts-relais, pour compenser le retard ou l’annulation d’aides de l’Etat. D’autant que le gouvernement choisit, en priorité, d’annuler ou de reporter des crédits destinés à cofinancer des programmes avec les collectivités, sachant que ces dernières ne peuvent les interrompre. Tout cela augure mal de la partie du budget 2004 consacrée aux collectivités.
André Laignel, vice-président de l'Association des maires de France, maire (PS) d'Issoudun
Le principe de sincérité budgétaire n’est pas respecté. Le gouvernement est contraint de réguler car il a bâti, en connaissance de cause, un budget 2003 sur des hypothèses beaucoup trop optimistes. La loi organique sur les lois de finances, dont je suis l’auteur, a instauré le principe de sincérité budgétaire. Même si les obligations de transparence prévues par ce texte nous ont permis d’obtenir une communication sur le plan de régulation, ce texte ne pourra rien contre l’insincérité budgétaire d’un gouvernement et contre les régularisations qui s’en suivent.
Didier Migaud, député (PS) de l'Isère, ancien rapporteur du budget à l'Assemblée nationale entre juin 1997 et juin 2002
Pour le moment, il n’y a pas de baisse directe des dotations de l’Etat, mais ces dernières ne suivent pas. Les départements sont habitués à une évolution de ces dotations (près de 35% des recettes de fonctionnement 2003 au conseil général de la Gironde). On peut d’ailleurs penser à une sorte de “recentralisation rampante”. Alors, dès que l’Etat a des difficultés, comme c’est le cas, ces recettes ne suivent plus le rythme de nos programmes d’investissement et de fonctionnement. Résultat: nous avons emprunté 65 millions d’euros en 2002 et 80 millions en 2003 pour maintenir notre capacité d’investissement. Nous avons également augmenté les impôts locaux.
Yves Lecaudey, vice-président des finances du conseil général de la Gironde
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