L’intercommunalité déploie une solution multifilière de traitement des déchets, associant production d’énergie et fabrication de compost, auquel elle assure aussi les débouchés.
Compost, électricité et chaleur : c’est une double valorisation matière et énergie qu’assurera l’unité de méthanisation du Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Moselle Est (Sydeme, 14 intercommunalités, 385 000 hab.), dont la mise en service est prévue pour mi-2009. Le succès de l’opération dépendra largement de la collecte sélective réalisée en amont.
Nous n’avons pas droit à l’erreur. Le système de collecte que nous mettons en place doit s’étendre de manière progressive et irréversible sur l’ensemble du syndicat.
Jean Michels, directeur des services de la communauté d'agglomération de Forbach porte de France
Dans cette zone frontalière de l’Allemagne, les consignes de tri des déchets sont bien respectées, avec seulement 15 % d’erreurs et moins de 2 % de réfractaires à l’exercice. Une performance à maintenir avec l’introduction d’un nouveau flux à isoler : aux sacs orange, dédiés aux produits recyclables (emballages, journaux et magazines), et bleus, destinés au tout-venant, s’ajouteront les sacs de couleur verte qui recueilleront les déchets fermentescibles (épluchures, couches-culottes, papiers souillés, etc.).
Ce geste de tri supplémentaire s’accompagnera d’une simplification de la sortie des sacs : toutes les familles de déchets seront désormais présentées à la collecte le même jour. La quantité globale à traiter restera stable mais le sac bleu, destiné à l’enfouissement, s’allégera au profit du sac vert « méthanisable ». Le Sydeme compte ainsi diminuer d’un tiers le volume voué au stockage.
La première expérience grandeur nature, lancée en novembre dernier dans la commune de Rouhling (2 500 hab. répartis à parts égales entre logement individuel et petit collectif), s’est avérée concluante. Préalablement équipés par le Sydeme de sacs pré-imprimés et de poubelles « bi-bacs » (bleus et verts), les habitants se sont rarement trompés dans le tri. Le test, mené en partenariat avec la CA Sarreguemines Confluences, a conduit le syndicat mixte à modifier la qualité des sacs, qui résistaient mal au compactage dans les bennes.
Modèle breveté
La collecte est acheminée jusqu’au centre de Sarreguemines, équipé d’un système de tri optique breveté par le Sydeme. Elaboré avec l’industriel suédois Spiral Trans pour un montant de 250 000 euros, le prototype comporte une vis sans fin permettant de trier les déchets au long d’une seule ligne par un système de reconnaissance de la couleur des sacs.
Le Sydeme envisage d’exploiter son brevet industriel dès que la technique sera parvenue au stade reproductible. Les sacs orange d’emballages ménagers et de journaux et magazines partent pour le centre de tri de Sainte-Fontaine. Les sacs verts seront convoyés vers l’usine de méthanisation située à Morsbach, centrale par rapport au bassin de production de déchets. Les sacs bleus continueront à rejoindre le centre de stockage de Théding.
Ces transports représentent quelque 700 000 kilomètres par an, soit à peu près autant que les trajets réalisés dans le schéma actuel. Pour son usine de méthanisation, le Sydeme a retenu le procédé Kompogas, mis au point par Vinci, qui compte une trentaine de références en Europe. Ce système de traitement par voie sèche offre plus de souplesse durant la phase de montée en puissance. Après obtention du permis de construire, le chantier devrait commencer en 2008.
Carburant alternatif
Traitée par fermentation anaérobie, chaque tonne de déchets putrescibles produit 200 kilos de compost mûr.
« La valorisation de cet engrais constitue un élément essentiel de la viabilité économique du système. Il serait aberrant qu’il finisse en centre de stockage, pour un coût de 70 euros à la tonne, alors même que le tri à la source de la matière entrante assure un amendement d’excellente qualité, valorisable auprès des maraîchers ou des particuliers.
Jean Michels
En outre, le Sydeme projette de créer une « ferme énergétique » dédiée à la culture de roseaux (miscanthus), où sera épandu le compost. Le syndicat, présidé par Charles Stirnweiss, maire de Forbach et militant des énergies alternatives, a d’ores et déjà lancé la culture de 10 hectares de rhizomes qui, d’ici à 2009, se seront étendus sur 200 hectares. L’emplacement de la ferme n’est pas encore choisi, mais le Sydeme entend bien exercer la maîtrise du foncier pour confier la culture du roseau à un ou plusieurs agriculteurs. Les débouchés de cette production ne soulèvent guère d’inquiétude.
La biomasse convertie en méthane produira l’équivalent de 5,5 millions de mètres cubes de biogaz par an, représentant 500 000 litres de biocarburant. En théorie, cette manne suffirait à effectuer 1,5 million de kilomètres à bord de camions consommant 35 litres aux 100. Le Sydeme, dont les sept tracteurs de semi-remorques n’en parcourent pas autant par an, pourrait donc proposer du carburant à d’autres types de véhicules, par exemple des bus. A défaut, le biogaz pourra être injecté dans le réseau de chauffage urbain. Pour l’heure, le syndicat s’apprête à tester des véhicules bi-injection, déjà en usage chez les voisins sarrois et dont la consommation se répartit entre 80 % de biocarburant et 20 % de gasoil.
Autoconsommation
Le projet se fonde sur la production de biocarburant et la revente de 11 000 mégawattheures (MWh) par an à EDF ; les éventuelles recettes de vente de chaleur ne sont pas intégrées. Une moitié des 12 000 MWh thermiques sera auto-consommée pour porter les déchets fermentescibles à 55 °C dans le digesteur. Les 6 000 MWh restants pourraient être vendus à des implantations proches de l’usine, telles des serres.
Nous travaillons sur plusieurs hypothèses. D’après les garanties du constructeur, la méthanisation se chiffrera à 70 euros la tonne, soit l’équivalent du coût actuel de l’enfouissement. Mais les différents coproduits de l’usine, comme la revente du compost, du miscanthus et de la chaleur, contribueront à alléger les frais de fonctionnement du site. Le gain escompté pourrait atteindre 5 à 7 % du coût du traitement de la tonne.
Serge Winkelmuller, directeur général adjoint du Sydeme
Miscanthus, le roseau à tout faire
Cultivé en Suisse, en Allemagne, au Danemark et aux Etats-Unis, le Miscanthus X Giganteus (MXG), également dénommé « roseau chinois » ou « herbe à éléphant », cumule les avantages. De croissance rapide, il atteint trois à quatre mètres de hauteur en un an. Son potentiel énergétique est trois fois supérieur à celui du bois, la récolte est donc utilisable en chauffage collectif ou individuel.
Constitué à 43 % de cellulose, le MXG présente des qualités isolantes exploitables dans la fabrication de planchers et de cloisons. En Moselle, il est cultivé dans la pépinière du Sydeme, à Rouhling, mais aussi sur une trentaine d’hectares de terres en jachère à Faulquemont et sur le carreau Wendel de Petite-Rosselle. Sur cette friche minière, le roseau pourrait démontrer une qualité supplémentaire : la capacité à absorber les métaux des sols pollués.
« Un système qui fonctionne comme un organisme vivant »
Certes, le but premier d’une usine de méthanisation est de produire du biogaz. Mais le terme “usine à gaz” ne correspond pas à notre projet : d’une part, nous ne stockerons pas de gaz à l’usine et, d’autre part, le système n’a rien de particulièrement complexe. Il fonctionne comme un organisme vivant absorbant de la matière organique pour restituer de l’énergie ainsi que des matières solides et liquides fertilisantes – lesquelles serviront de nutriments aux végétaux. La boucle sera ainsi bouclée. Comme tout organisme vivant, la qualité de la matière obtenue dépend de celle qui a été apportée au départ, d’où l’intérêt d’une collecte sélective en amont. Personnellement, j’ai été sensible au caractère innovant, motivant et reproductible du dispositif mis au point par la collectivité.
Serge Winkelmuller
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