Dédiées aux transitions, les 14 èmes rencontres nationales de Scot organisées à Metz ont confrontés experts, intellectuels et élus dans une quête d’outils conceptuels et de modes d’emploi pratiques. Pour réagir à l’ urgence climatique, les territoires ont besoin de liberté et d’imagination.
En pleine canicule, mais dans la fraîcheur de la clim, le nouveau centre des congrès de Metz a accueilli ces 27 et 28 juin les 14 èmes rencontres nationales des Scot. Souvent brillants, les exposés ont alterné des allégories anxiogènes et des indicateurs vertigineux sur l’impact de la transition, mais aussi des exemples et des pistes incitant à l’optimisme.
Enseignant à l’école urbaine de Science Po Paris, Jérôme Baratier répertorie sept transitions – climatique, mobilitaire, numérique, démocratique, alimentaire, énergétique et écologique – dans lesquelles les Scot ont une place à tenir.
Les territoires, sans toujours en avoir conscience, sont souvent en situation de porter projets de transitions écologique.
Jérôme Baratier
A l’échelle des Scot, les transitions se traduiront notamment par un vieillissement obligeant à anticiper l’offre de soins. Les paradigmes d’attractivité changeront : l’ensoleillement fera moins rêver et la France pourrait voir apparaître des réfugiés climatiques nationaux. En matière de mobilité, les territoires navigueront entre les rêves d’ultravitesse tels ceux qu’induit l’Hyperloop et l’aspiration au « slow » après un demi-siècle d’accélération qui a généré d’énormes consommations d’espace et la sensation constante de manquer de temps.
Quelle qu’en soit la perception, l’urgence climatique est bien réelle, rappelle Cyril Dion, écrivain, cofondateur du mouvement Colibris et grand témoins des rencontres. Pour contribuer à abaisser la température de 1,5°, les Français devraient passer leur émission de carbone moyenne de 11 à 2 tonnes par an. Cet effort suppose, entre autres, de retirer le la circulation la moitié des voitures, de mettre fin aux vols intérieurs et à ne voyager en avion qu’à titre exceptionnel.
La loi seule n’a aucune chance de parvenir à un tel résultat.
Cyril Dion, coréalisateur du film Demain
En revanche, de nouvelles formes de démocratie passant par les assemblées citoyennes ou les référendums peuvent amener le changement. Pétrolier par essence, le Texas n’est-il pas devenu l’Etat américain le plus investi dans l’énergie éolienne grâce à la concertation ? En France, la démocratie participative demeure embryonnaire. Les témoignages des élus pointent aussi les télescopages entre le principe de précaution et le droit à l’expérimentation, les choix étatiques subventionnant les énergies fossiles au détriment des énergies renouvelables mais aussi, les citoyens exigeant tout et son contraire, prompts à les trainer en justice et pas moins férus qu’avant de gros véhicules polluants.
Leurs témoignages mettent en exergue la diversité des problématiques des Scot, mais aussi la pertinence de leurs initiatives. Rien de commun entre le Scot du bassin d’Arcachon, soucieux de gérer l’accroissement démographique et de limiter l’érosion du front de mer, le Grand Nevers, confronté à la perte de 14.000 habitants et à des zones périphériques devenues bien trop grandes et le Grand Douaisis qui construit un projet global pour extraire la population de son lourd héritage industriel et social de la mine. A différentes échelles, les Scot ont permis d’apporter d’économiser du foncier, de redynamiser le centre-ville ou d’expérimenter des échanges énergétiques pionniers.
Le document d’urbanisme le plus abouti le sera pas efficace s’il n’est pas partagé, le processus continu d’élaboration s’avérant plus important que la restitution elle-même. Stéphane Cordobès, chercheur associé à l’Ecole urbaine de Lyon, estime que dans cette nouvelle gouvernance, les vivants non-humains ont aussi voix au chapitre. Le Parlement de la Loire représente les riverains, les aménageurs et les pêcheurs, mais aussi les intérêts de l’eau, de la végétation et des poissons. L’Inde a déjà conféré à deux de ses fleuves une personnalité juridique.
Pour réussir, les transitions au besoin d’audace et de plaisir. Formés à l’interdisciplinarité, les étudiants du centre Michel Serre appellent de leurs vœux un Scot sensible aux notions de bien-être, de partage et de santé. D’après les anthropologues, l’humain a franchi une étape décisive de son évolution lorsqu’il a découvert l’exaltation de l’enquête collective qui lui permettait de mieux localiser le gibier. Le changement climatique lui donnera l’occasion de renouer avec la joie des découvertes participatives et des solutions partagées.
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