Connue depuis l’époque des Romains, la carrière de Jaumont a permis d’édifier la plupart des monuments historiques de Metz et de ses alentours. Ses nouveaux exploitants ont préservé ce trésor de pierre ocre tout en lançant l’exploitation de la couche inférieure de calcaire polypier. Des investissements massifs ont permis de produire des granulats, puis, depuis peu, du sable.
Exploitée depuis deux millénaires, la carrière de Jaumont n’a jamais cessé de fournir à la vallée messine la pierre mordorée qui illumine ses monuments. De sa cathédrale Saint-Etienne construite au XIIIème siècle aux revêtements du busway Mettis mis en service fin 2013, Metz est resté fidèle à la roche ocre qui qui fait son charme. Au début des années 2000, la carrière Vaglio poursuivait cette exploitation séculaire et exportait la pierre de Jaumont jusqu’au Japon. En 2006, trois jeunes repreneurs issus de l’univers du BTP ont choisi d’étendre l’extraction à la couche inférieure de calcaires polypiers enfouie sous une couche de marne à 21 m de profondeur.
La raréfaction des laitiers de haut-fourneaux et la hausse du prix des matériaux alluvionnaires permettaient de rentabiliser le calcaire polypier dans les structures de chaussées et le béton.
James Scheider, directeur général et coactionnaire de la carrière
Le projet a conquis un pool d’investisseurs régionaux qui a soutenu un plan d’investissement de près de 10 M€ en huit ans.
S’appuyant sur les cartes géologiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et sur des carottages, les dirigeants ont obtenu en 2010 le renouvellement de leur concession pour 30 ans assortie d’une autorisation de creuser à 15 m de profondeur supplémentaire. Une extension de 20 ha de la superficie exploitable porte l’exploitation à 200 ha. La couche de polypier descend probablement jusqu’à 70 m de profondeur, jusqu’à la minette de Lorraine. Le gisement représente au moins 70 Mt de calcaire dur.
Dans un premier temps, la carrière a visé le marché des VRD en produisant des calcaires de utilisables en couches de formes et des granulats de pour des graves traités aux liants hydrauliques. Le projet se heurtait à l’hétérogénéité du gisement, qui comportait également de l’argile. L’obstacle a été éliminé grâce à l’utilisation d’un scalpeur Warrior à doigt et à disque et un concasseur primaire à mâchoires Pegson X A 750 d’une capacité de 450 t/h. L’entreprise compte aujourd’hui autre scalpeurs, dont deux sont intégrés aux concasseurs.
En 2008, la mise à 2 x 2 voies du CD 955 entre Peltre et Metz a offert à la carrière l’opportunité d’un chantier test de polypier valorisable en graves ciment. La carrière a fourni à l’entreprise Muller TP 120 000 t de graves, puis créé avec son client une filiale commune, Vaglio Graves Ciment. Les tests de compression effectués par le laboratoire des Ponts et chaussées ont permis d’homologuer des granulats dans le grave ciment.
La carrière de Jaumont s’est ensuite positionnée sur le marché du grave béton lavé. L’entreprise s’est dotée d’un bassin de 30 000 m3 en circuit fermé creusé dans la roche et s’est équipée en 2010 d’une première ligne de lavage constituée d’un concasseur à percussion et d’un crible Kleemann-Reiner. L’équipement permet de dégager une fraction granulaire de 4/22, elle-même traitée dans une unité de débourbage et de lavage Powerscrub de Terex. Lavé et recriblé, le granulat ressort aux diamètres 4/8 , 8/16, 16/22 et 8/22.
Un an plus tard, l’acquisition d’une deuxième ligne a permis à l’entreprise d’atteindre, puis de dépasser l’objectif initial de 140 000 t/an. La demande ne faiblissant pas, la carrière a installé en 2012 une installation fixe composée de deux lignes de lavage de granulats et d’une troisième ligne dédiée au sable. Dans les deux premières lignes, les gravillons de 4 à 22 mm de diamètre transitent par un débourbeur, un crible de rinçage et un crible d’essorage pour parvenir aux quatre dimensions standard de composition de béton. Dédiée au sable, la troisième ligne passe le granulat dans une unité de cyclonage, puis dans une roue à aube Finesmaster de Terex avant qu’un crible d’essorage sous eau de marque Powerscrub (Terex) ne le réduise aux granulométries 0.4 et 0.2. Mise en service fin 2013, l’unité permet à l’entreprise de proposer à ses clients une gamme complète de sables et granulats calcaires.
La carrière développe en parallèle un système de recyclage des argiles de marque Matec. La presse à boues permet un taux de recyclage de 85 à 90 %. L’entreprise exploite ses sous-produits argileux sous d’amendement agricole ou d’adjuvants permettant d’inerter les déchets et envisage la production de billes d’argiles pour l’isolation thermique et phonique.
La carrière de Jaumont, qui réalisait en 2013 un chiffre d’affaires de 20 M€, vise cette année une production de 450 000 t dont 250 000 t de gravillons et 200 000 t de sable dans une zone de chalandise de 100 km. La Lorraine représente 55 % des ventes contre 35 % pour le Luxembourg, le restant étant écoulé par péniches vers la Belgique. L’entreprise emploie 130 salariés dont une soixantaine de chauffeurs et 30 personnes affectés à l’exploitation et à la maintenance de la carrière. Elle a modernisé ses techniques de forage et de minage pour diminuer le coût des explosifs à base de nitrate et de fioul. Le plan de tir prévoit deux tirs par semaine selon un plan d’inclinaison visant à limiter la taille des éclats et l’impact sur des matériaux pulvérulents.
La pierre de Jaumont ne représente que 5 % du chiffre d’affaires, mais constitue le produit phare de la carrière. L’entreprise a fait breveter sous la marque « Jaumont, pierre de soleil » ce matériau unique décliné en architecture, en dalles ou sous forme de sculptures. La pierre millénaire remporte un succès croissant à l’export. Vendue de la Californie au Liban, elle a décroché fin 2012 le Natural Stone Award décerné par la fédération de la Pierre de Grande-Bretagne. Les architectes Gavin Henderson et Stanton Williams ont utilisé la roche lorraine pour la construction de l’ambassade des Etats-Unis à Londres. Tenue à une obligation de mémoire, la carrière préserve une partie de sa production à la restauration des monuments historiques de Metz et de ses alentours. Elle détient également le musée de l’œuvre de Jaumont, surprenante exposition de fresques, portes, portiques et bas-reliefs contemporains. Mécène depuis plus de vingt ans de l’artiste Antoine Dyduch, la Carrière de Jaumont se taille ainsi un nouveau trésor de pierres.
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